L’ABC de la ventilation mécanique

L’ABC de la ventilation mécanique

Melody Bishop, B.Sc., thérapeute respiratoire, assistante en anesthésie clinique certifiée (AACC)

Table des matières

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Introduction

Au cours de leur formation, les prestataires de santé comme le personnel infirmier, les effectifs paramédicaux, les médecins et les thérapeutes respiratoires sont appelés à découvrir la ventilation mécanique, un sujet déroutant et complexe. Bien souvent, des médecins expérimentés en soins critiques ont encore du mal avec la ventilation et ne comprennent pas tous les paramètres et modes. La majeure partie du matériel pédagogique complique à l’excès des notions pourtant simples, en présentant des calculs inutiles et des concepts avancés, car ils sont rédigés à l’intention des thérapeutes respiratoires et des médecins spécialistes du domaine, qui sont censés avoir des connaissances poussées. Or, dans les faits, les respirateurs sont utilisés tous les jours par des travailleurs de la santé non spécialisés, qui manquent de formation et de ressources adaptées à leurs besoins. L’élimination de toute complexité superflue et l’utilisation d’exemples courants permettraient d’adapter l’enseignement des principes fondamentaux de la ventilation à un public élargi. Ce faisant, les paramètres et les concepts complexes seraient abordés par la suite lorsque la base générale est maîtrisée.

Cette ressource éducative libre (REL) vise un plus large public de prestataires de soin de santé, notamment :

  • Le personnel infirmier, qui doit parfois utiliser des respirateurs en soins critiques, aux urgences ou en salles d’opération.
  • Le personnel paramédical qui transfère des patients ventilés ou doit utiliser un respirateur.
  • Toute personne travaillant en transport aéromédical.
  • Les personnes étudiant en médecine et les thérapeutes respiratoires avant de suivre une formation complémentaire.

Même si aucune de ces catégories ne vous correspond, le manuel peut vous être utile. La ventilation mécanique est une compétence nécessaire pour tout professionnel de la santé qui utilise des respirateurs.

Survol des thèmes

Cette REL aborde les concepts élémentaires et des principes fondamentaux de la ventilation mécanique. Vous serez en mesure de comprendre l’essentiel de la ventilation, les réglages, les principaux modes, la configuration des paramètres du respirateur, en plus de savoir quand et pourquoi faire des changements selon l’état du patient. Voici les différentes thématiques :

  • Le b.a.-ba de la ventilation et l’incidence sur les poumons.
  • Les modes courants du respirateur et réglages de base.
  • La configuration d’un respirateur selon des caractéristiques démographiques du patient et la présentation clinique.
  • L’interprétation des gazométries et la modification du respirateur en fonction du résultat.
  • Les physiopathologies possibles et les répercussions sur les stratégies et les réglages du respirateur.
  • Les idées fausses et les stratégies de ventilation inappropriées.

Enrichissement des apprentissages

Bien que cette REL soit accessible à quiconque, certains souhaitent probablement approfondir leur apprentissage. Des exercices supplémentaires, des remarques pratiques, des études de cas et un soutien en direct prodigué par des membres du personnel enseignant sont offerts aux personnes qui s’inscrivent au microprogramme du Collège Sault en ventilation mécanique. Une microcertification en ventilation mécanique est décernée après la réussite de ce cours en ligne. Visitez le site training.saultcollege.ca pour vous informer ou vous inscrire.

Biographie de l’auteure

Melody Bishop (B.Sc.) est thérapeute respiratoire autorisée et assistante en anesthésie clinique certifiée (AACC). Elle cumule plus de 13 ans d’expérience dans divers domaines des soins critiques, notamment en unités de soins intensifs, en médecine d’urgence et en salle d’opération. Passionnée par les défis médicaux complexes, elle a travaillé en transport aéromédical comme secouriste d’urgence dans des collectivités isolées, stabilisant et transportant des patients vers des centres de soins dans le sud du Canada. Formatrice clinique et professeure dans le milieu collégial, elle a participé à la formation et à l’enseignement dans des programmes professionnels, postsecondaires, postdoctoraux d’un large éventail de professionnels de la santé au cours de la dernière décennie. Elle s’est notamment spécialisée dans la formation du personnel infirmier en soins critiques sur l’utilisation des respirateurs et dans la formation à la ventilation mécanique paramédicale. Elle se consacre à simplifier le sujet « épineux » de la ventilation et à le présenter à tous les professionnels de la santé d’une manière simple à comprendre et à aborder.

Rédaction et conception pédagogique

La rédaction et la conception pédagogique ont été assurées par Amanda Baker Robinson. Amanda est conceptrice pédagogique pour des collèges de l’Ontario, notamment les collèges Sault, Humber, Canadore et Cambrian.

Remerciements

Ce manuel libre a été conçu par le Collège Sault, en partenariat avec la Seven Generations Education Institute. Nous remercions tout particulièrement la Faculté des sciences de la santé du collège pour sa précieuse contribution et son soutien.

                 

La conception de cette REL et du cours a été financée par la province de l’Ontario et eCampusOntario (COAEL).

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Pour toute question ou tout commentaire concernant cette REL, ou pour signaler une erreur, écrivez à l’adresse elearning@saultcollege.ca.

Attribution des éléments visuels

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I

Chapitre 1 | Comment le corps humain respire

Présentation générale

Pour comprendre la ventilation mécanique, il faut avoir des connaissances de base sur le processus de la respiration dans le corps humain. L’oxygène est vital pour l’organisme. Chaque cellule a besoin d’oxygène pour produire de l’énergie et remplir ses différentes fonctions. En revanche, le dioxyde de carbone (CO2) est le déchet que chaque cellule génère comme sous-produit de son métabolisme. Il est bien connu que les poumons sont les organes qui prélèvent l’oxygène de l’air et l’introduisent dans le corps et, inversement, expulsent le CO2 à l’expiration. On peut se demander quel est le mécanisme qui déclenche la respiration et comment se déroule exactement cet échange.

Ce chapitre décrit de manière simple le processus par lequel le corps humain inspire et expulse l’air. Comme le veut l’expression « c’est aussi naturel que de respirer », il n’est pas question de compliquer les choses. Vous apprendrez ce qu’est la respiration à l’aide d’analogies simples du quotidien et d’exemples pratiques avec des objets. Envisagez de reproduire ces exemples pour vous familiariser avec les concepts que vous étudiez.

Application

Quand et comment allez-vous appliquer les concepts abordés dans ce chapitre? L’utilisation d’un respirateur demande une bonne compréhension du mécanisme de la respiration. Les prestataires de soins ont tout intérêt à comprendre le processus naturel que le respirateur cherche à reproduire (ou à imiter le plus fidèlement possible) pour savoir comment l’utiliser efficacement dans leur pratique.

Objectifs d’apprentissage

Voici ce que vous pourrez faire à la fin de ce chapitre :

  1. Expliquer les mécanismes de l’inspiration et de l’expiration.
  2. Identifier les principales parties du corps impliquées dans la respiration.
  3. Définir la CRF et la PEP intrinsèque et leur importance pour les alvéoles.
  4. Comprendre les changements de pression de base qui se produisent dans les poumons pendant la respiration.

Terminologie

Dans ce chapitre, vous découvrirez plusieurs termes importants. Ces termes seront utilisés dans tout le manuel, il est donc important de prendre le temps de bien les assimiler et de se les remémorer souvent.

  • appareil respiratoire
  • poumon
  • lobe
  • alvéole
  • oxygène (O2)
  • dioxyde de carbone (CO2)
  • inspiration
  • expiration
  • chimiorécepteur
  • diaphragme
  • pression négative
  • pression positive
  • capacité résiduelle fonctionnelle (CRF)
  • pression expiratoire positive (PEP)
  • surfactant
  • cmH2O
  • Palv
  • Ppl
  • Patmos
  • espace pleural

Ces termes apparaissent en gras lorsqu’ils sont utilisés pour la première fois dans le chapitre. Pour en savoir plus sur ces termes, vous pouvez les chercher dans le Grand dictionnaire terminologique.

1

Anatomie de la respiration

Avant de vous plonger dans la théorie de la ventilation mécanique, vous devez avoir des connaissances de base sur le processus de la respiration dans le corps humain. L’appareil respiratoire est responsable de la respiration. Les poumons sont les principaux organes responsables de ce processus. Il y a deux poumons dans le corps humain. Le poumon gauche a deux lobes, tandis que le poumon droit en a trois.

Prenez quelques instants pour vous renseigner sur les alvéoles, ces petits sacs à l’intérieur des poumons qui se remplissent d’air. Consultez l’article « The Alveoli in Your Lungs » (2018) de Healthline pour en savoir plus sur leur aspect et leur fonctionnement.

Considérer le poumon comme un ballon est une analogie simple et intéressante, mais il est important de revoir la physiologie de l’appareil respiratoire pour bien expliquer le comportement des poumons. Les poumons ne sont pas un simple ballon. Ils sont plutôt constitués de millions de petits ballons collés les uns aux autres, un peu comme du papier bulle. Ces petits ballons sont appelés alvéoles.

Les millions de « petits ballons » peuvent toujours emmagasiner le même volume global d’air qu’un seul ballon de la même taille, mais en répartissant ce volume dans tous ces alvéoles au lieu d’un seul gros ballon, la surface totale combinée des poumons augmente de façon exponentielle. En quoi est-ce pertinent? En fait, chaque alvéole est entouré de vaisseaux sanguins appelés « capillaires ». C’est à la jonction des alvéoles et des capillaires que se produit l’échange gazeux. Plus la surface d’échange est grande, plus il y a de zones actives, ce qui améliore l’efficacité et la rapidité des échanges gazeux. L’oxygène se diffuse des alvéoles vers la circulation sanguine, et le dioxyde de carbone se diffuse du sang vers les alvéoles pour être expiré par les poumons.

Application des apprentissages

Pouvez-vous localiser les poumons, les alvéoles et le réseau capillaire sur cette illustration? Ne vous inquiétez pas si les autres termes indiqués vous semblent compliqués, vous en apprendrez beaucoup plus sur les poumons tout au long du cours!

Schéma d’une personne où les poumons sont illustrés, accompagné d’un gros plan des alvéoles et du réseau capillaire.

Poumons normaux avec vue détaillée d’une coupe transversale.

Attribution des éléments visuels

  • Normal Lung Structure, du National Heart Lung and Blood Institute, sous licence du domaine public

2

Mécanismes de base de la respiration

L’oxygène (O2) est vital pour l’organisme. Chaque cellule du corps humain a besoin d’oxygène pour produire de l’énergie et remplir ses différentes fonctions. En revanche, le dioxyde de carbone (CO2) est le déchet que chaque cellule génère comme sous-produit de son métabolisme. Il est bien connu que les poumons sont les organes qui prélèvent l’oxygène de l’air et l’introduisent dans le corps et, inversement, expulsent le CO2 à l’expiration. Ce processus d’absorption de l’oxygène et d’élimination du CO2 se produit à chaque respiration.

La respiration comporte deux phases :

  1. inspiration
  2. expiration

À l’inspiration, le corps aspire l’air. L’air ambiant normal est composé d’environ 78 % d’azote et 21 % d’oxygène, en plus d’une petite quantité d’autres gaz à l’état de traces. Cette quantité d’oxygène est plus que suffisante pour que des poumons sains puissent l’absorber et le faire circuler dans l’organisme aux fins des activités quotidiennes normales.

On peut se demander quel est le mécanisme qui déclenche la respiration et comment se déroule exactement cet échange.

Le corps humain doit disposer d’un taux d’oxygène de base pour fonctionner. Il existe aussi un taux maximal de CO2 que le corps peut maintenir en tout temps. À tout moment, si le taux d’oxygène chute en deçà des valeurs indiquées ou si le taux de CO2 dépasse ce seuil, le cerveau intervient et demande aux poumons d’inspirer plus d’oxygène ou d’expirer plus de CO2.

Notions à retenir

C’est le cerveau qui déclenche la respiration d’après les besoins en oxygénation ou élimination de CO2 de l’organisme.

Le système nerveux central possède des chimiorécepteurs qui détectent les taux d’oxygène et de dioxyde de carbone dans l’organisme. Ces taux sont mesurés indépendamment l’un de l’autre. Les chimiorécepteurs centraux mesurent le taux de dioxyde de carbone et, lorsqu’il est trop élevé ou trop faible, ils envoient un signal au cerveau pour qu’il ajuste la respiration. Rappel : Le corps humain expire du CO2. Si les chimiorécepteurs centraux déterminent que le taux de CO2 est trop élevé dans le sang, ils envoient un message indiquant que le corps doit expirer davantage de CO2. À l’inverse, les chimiorécepteurs périphériques sont responsables d’analyser le taux d’oxygène. Si le taux d’oxygène dans le sang diminue, un signal est transmis pour indiquer que le corps a besoin d’inspirer plus d’oxygène. Ce signal déclenche une respiration.

Pour en savoir plus sur le rôle des chimiorécepteurs dans la respiration, lisez l’article sur les chimiorécepteurs de Pathway Medicine.

Application des apprentissages

Pourquoi la respiration s’accélère-t-elle pendant les exercices cardiovasculaires? Quels sont les chimiorécepteurs impliqués dans ce processus?

Lorsque les chimiorécepteurs détectent le besoin de respirer, ils envoient un signal au cerveau pour qu’il déclenche une respiration en stimulant la contraction du diaphragme. Le diaphragme est le grand muscle situé sous les poumons. Dans cette animation, le diaphragme est en rouge et les poumons, en bleu.

GIF animé via Gfycat

Le diaphragme est rattaché au-dessous des poumons par l’espace pleural. Lorsque le diaphragme se contracte et descend, les poumons prennent de l’expansion.

Exemple pratique

Un homme, assis sur un quai, joue de l’accordéon.

SVT via Giphy

Pensez au déploiement d’un accordéon. En tirant sur une extrémité, l’accordéon se déploie et se remplit d’air.

Il est important de comprendre ce concept, car il est lié à la pression dans les poumons et à leur volume. Lorsque le diaphragme se contracte et entraîne l’expansion des poumons, il en résulte un vide dans les poumons, une pression négative. Comme avec un aspirateur, l’air est aspiré. Cette pression négative fait en sorte que l’air entre passivement dans les poumons, tant que cette pression négative perdure.

Exemple pratique

Une fille joue avec un Slinky.

BoomUnderground via Giphy

Imaginez tenir une extrémité d’un Slinky dans chaque main. Lorsque vous descendez une main plus bas que l’autre, le Slinky tombe en cascade dans cette main. Lorsque vous descendez l’autre main, le Slinky retombe dans l’autre sens. De la même manière, lorsqu’il y a une pression négative plus ou moins forte dans les poumons, l’air s’y engouffre jusqu’à ce que la pression soit égale ou plus forte dans les poumons. L’air est alors expulsé des poumons.

Notions à retenir

S’il y a une pression négative dans un espace, l’air s’engouffre naturellement pour remplir cet espace. Tout comme l’eau qui s’écoule en aval, l’air s’écoule toujours d’une pression plus élevée à une pression plus faible.

Comment l’air cesse-t-il alors de circuler dans les poumons? Lorsque les poumons sont assez remplis (en fonction de la quantité d’oxygène dont le cerveau a décidé qu’il avait besoin pour satisfaire ses besoins), le diaphragme cesse de se contracter et se détend. Le diaphragme ne tire plus sur les poumons pour qu’ils se dilatent. Le vide est comblé et la pression négative s’est résorbée. Il est important de se rappeler que les poumons sont remplis d’air à ce stade. L’air les remplit passivement pendant un certain temps.

Exemples pratiques

Un ballon rose se dégonfle lentement.

SVT via Giphy

Un poumon agit comme un ballon. Lorsqu’aucune autre force n’agit sur le poumon, une tension est exercée à la surface de chaque alvéole, exactement comme un ballon gonflé. Lorsque rien ne l’arrête, le poumon cherche naturellement à se vider, tout comme le recul élastique d’un ballon qui n’est pas fermé par un nœud et qui laisse fuir l’air.

Une femme tire sur la corde d’un arc et décoche une flèche.

BoomUnderground via Giphy

Le tir à l’arc est un bon exemple de la mécanique naturelle des poumons. Le diaphragme tire sur les poumons, comme la main tire la corde de l’arc. Dès que cette force active s’interrompt, le recul élastique de l’arc intervient et le ramène à l’état relâché.

Cette force d’affaissement est obtenue par la tension superficielle et est identique à celle observée avec un ballon. Plus le ballon est gonflé, plus la tension pour qu’il dégonfle est élevée.

Au début de l’expiration, lorsque les poumons sont pleins et que la tension superficielle des poumons veut les faire s’affaisser, il y a une forte pression positive dans les poumons. Pensez à la forte pression exercée sur un ballon lorsqu’il est plein. Rappelez-vous que l’air circule toujours d’une pression plus élevée à une pression plus faible. L’air est donc expulsé des poumons (expiration).

Notions à retenir

Les poumons se comportent exactement comme des ballons lorsqu’aucune force extérieure n’agit sur eux (c’est-à-dire la tension superficielle lorsqu’ils sont remplis d’air ou la contraction du diaphragme qui les tire vers le bas), ils veulent passivement se dégonfler.

En résumé, le cycle d’inspiration et d’expiration s’explique par la circulation d’air de la pression ÉLEVÉE à la FAIBLE. Il commence à l’inspiration, lorsque les poumons ont une pression négative (faible) due à la contraction du diaphragme. L’air entre jusqu’à ce que le diaphragme cesse de se contracter, ce qui arrête la pression négative. L’inspiration s’arrête. À ce stade, les poumons sont remplis d’air et subissent une pression supérieure à celle de l’environnement extérieur. L’expiration s’enclenche lorsque l’air circule à nouveau d’une pression élevée à une pression faible.

Schéma du processus d’expirationSchéma des poumons pendant la respiration.

En pensant au ballon et au Slinky, on pourrait conclure que le débit d’air expulsé passivement des poumons (expiration) se poursuivrait jusqu’à ce que les pressions s’équilibrent. Cette conclusion est vraie pour le ballon, mais pas pour le corps humain en raison d’un principe très important : la PEP intrinsèque. Ce sujet est abordé à la page suivante.

Attribution des éléments visuels

  • Expiration, de LadyofHats via Wikimedia Commons, sous licence du domaine public
  • Inhalation, de LadyofHats via Wikimedia Commons, sous licence du domaine public

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CRF et PEP intrinsèque

Pour revenir à l’analogie du ballon, étudions le processus du gonflage. À quel moment le ballon est-il le plus difficile à gonfler?

  • Quand il est complètement vide?
  • Quand il contient déjà un peu d’air?

Il faut un souffle puissant et soutenu pour commencer à gonfler un ballon vide. S’il contient déjà un peu d’air, on peut le gonfler avec un souffle moins puissant.

Les poumons ne sont pas différents. Pour que les poumons se gonflent, il faut une plus forte pression pour laisser entrer la toute première petite quantité d’air comparativement à lorsqu’ils en contiennent déjà. Un poumon contenant un peu d’air peut se gonfler beaucoup plus facilement. C’est en cette matière que le corps humain est si intelligent. En effet, le corps empêche les poumons de se vider complètement et maintient en permanence une petite quantité d’air dans les poumons. C’est ce qu’on appelle la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) des poumons. La pression expiratoire positive (PEP) intrinsèque (physiologique) est le terme utilisé pour désigner l’air restant dans le corps à la fin de l’expiration. La PEP est très importante, car elle protège les poumons d’une trop forte pression de souffle normalement nécessaire pour les gonfler à vide, ce qui réduit le risque de traumatisme.

Notions à retenir

Les poumons ne se vident jamais complètement. Il reste toujours un peu d’air dans les alvéoles. C’est ce que l’on appelle la CRF ou la PEP intrinsèque. La pression expiratoire positive (PEP) correspond à la pression laissée dans les poumons (c’est-à-dire le volume résiduel) à la fin de l’expiration pour éviter qu’ils ne s’affaissent complètement.

Exemple pratique

Pensez à un ballon que vous avez réutilisé à l’occasion de trois fêtes. La première fois que vous l’avez gonflé, le latex semblait résistant, mais il s’est assoupli et fragilisé avec le temps. La quatrième fois que vous avez essayé de le gonfler, le ballon a éclaté avant d’arriver à capacité maximale. Que s’est-il passé? La pression élevée a endommagé le ballon au fil du temps. De la même manière, vos poumons peuvent être endommagés par une exposition constante à une forte pression.

Le principal mécanisme physiologique pour atteindre la CRF est la synthèse de surfactant, un lubrifiant naturel qui recouvre tous les alvéoles pulmonaires. Le surfactant stabilise la surface des alvéoles afin qu’elles ne s’affaissent pas et contribue au maintien d’une réserve d’air (le principe de la CRF), comme expliqué plus haut.

Exemple pratique


On peut voir le surfactant comme un « butoir de porte ». Il maintient la porte légèrement entrouverte afin que le loquet ne se referme pas. En termes plus techniques, le surfactant diminue la tension superficielle (la force) exercée sur les alvéoles pour les amener à se dégonfler complètement à l’expiration, comme un ballon.

Pressions

Pour comprendre la respiration, il est important d’avoir des notions de base sur les changements de pression dans les poumons pendant l’inspiration, l’expiration et le repos. Toutes les pressions sont comparées à la pression de l’atmosphère ambiante, la valeur de référence. Imaginez que la pression de la bouche correspond à celle de l’atmosphère et qu’elle est nulle.

On utilise généralement l’unité cmH2O pour mesurer la pression dans l’appareil respiratoire. Comme on peut le déduire, elle désigne littéralement le poids d’un centimètre (cm) d’eau (H2O) à un endroit donné. L’atmosphère étant de 0 cmH2O, toute autre pression serait supérieure à cette valeur. Les autres pressions qui agissent sur le gradient de pression de la respiration sont la Palv (pression alvéolaire) et la Ppl (pression pleurale). Le gradient se situe toujours entre la Patmos (pression atmosphérique ou pression à la bouche) et la Palv. La pression dans les alvéoles est déterminée par le volume d’air restant dans les alvéoles et la pression que la plèvre ou la contraction du diaphragme exerce sur eux.

Revenons maintenant à l’inspiration et l’expiration du point de vue de la pression différentielle. Rappelons que les poumons sont collés au diaphragme et au thorax environnant par l’espace pleural. Considérons que cet espace exerce une grande succion sur tout ce qui entoure les poumons. Tout comme le terme succion le laisse entendre, l’espace pleural comporte une pression négative au repos. Avant l’inspiration, la pression négative de l’espace pleural (-5 cmH2O) maintient une petite quantité d’air dans les poumons (égale à +5 cmH2O) qui annule la pression négative dans les poumons. Cette égalisation interrompt le débit d’air entrant ou sortant et met les poumons dans un « état de repos » jusqu’à ce que le diaphragme se contracte et provoque une pression négative.

Notions à retenir

L’espace pleural ayant une pression négative, il doit rester de l’air dans les poumons pour l’égaliser!

Lorsque le diaphragme se contracte, le gradient de pression négative dû à l’abaissement du diaphragme crée un gradient de pression qui permet à l’air d’entrer. Dès que le diaphragme se relâche et arrête la succion, la pression dans la poitrine (attribuable au volume d’air) est maintenant plus élevée que la pression à la bouche. Cet état inverse le gradient de pression et l’air sort des poumons (ce qu’on appelle l’expiration) jusqu’à ce que les pressions s’équilibrent.

Attribution des éléments visuels

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Conclusion

Comme il est beau et naturel d’inspirer et d’expirer, comme des vagues qui balaient le rivage. Bien que la respiration soit essentielle à la vie, la simplicité du processus est trompeuse. Lorsqu’on s’y attarde, on découvre que chaque étape joue un rôle important dans la circulation générale de l’air.

Le rivage d’un océan au coucher du soleil.

L’action de respirer semble aussi simple que les vagues qui balaient le rivage, mais un examen plus approfondi révèle des complexités cachées.

Que se passe-t-il si l’on modifie le plus petit aspect du processus? Par exemple, qu’arriverait-il si l’on procédait à la sédation du cerveau et interrompait la contraction du diaphragme? Soudain, le débit passif d’air n’a plus de déclencheur pour provoquer la pression négative dans les poumons. Par conséquent, l’air ne s’engouffre plus dans les poumons. Aussi, qu’arriverait-il si la pression positive appliquée surpassait la pression négative de la Ppl qui contribue à maintenir de l’air dans les alvéoles? Les alvéoles tenteraient d’équilibrer ce différentiel de pression et tendraient à s’affaisser complètement. Enfin, au lieu que l’air s’engouffre facilement dans les poumons grâce à un gradient de pression, que se passerait-il si l’air était poussé avec force dans les poumons? Si l’on compare le fait de laisser une boule de quilles rouler doucement le long de la piste à celui de la lancer aussi fort que possible, dans le premier cas, la boule ne fera probablement tomber aucune quille, tandis que le lancer puissant peut toutes les projeter dans les airs. Le même traumatisme peut être observé dans les poumons.

La ventilation mécanique se fait en poussant l’air avec force dans les poumons. Elle se fait en système fermé, au moyen d’un tube endotrachéal, et force les alvéoles à se gonfler d’après les réglages programmés sur le respirateur. Comme vous pouvez déjà le constater à partir de cette simple description, la ventilation mécanique est très différente du processus naturel de l’organisme.

Comme la majorité des traitements et des interventions médicales, elle présente un inconvénient : si la ventilation mécanique n’est pas effectuée avec maintes précautions, l’air forcé causera des dommages aux délicats alvéoles des poumons. En comprenant que ce traumatisme peut se produire sans les précautions indiquées, les prestataires de soin approchent la ventilation avec le respect que ce type de soins nécessite. L’élimination ou l’interruption de la respiration spontanée pose un grand nombre de problèmes, en plus du risque de causer des lésions si la ventilation n’est pas effectuée de façon sécuritaire. Ces préoccupations peuvent être facilement atténuées en réglant le ventilateur en fonction de la situation et de la personne traitée. Il n’y a pas de solution unique en ventilation mécanique. Maintenant que vous comprenez le processus naturel de la respiration, vous devez également saisir combien il est important de faire correspondre autant que possible ce processus aux paramètres de l’appareil.

Bilan

Le cycle d’inspiration et d’expiration s’explique par la circulation d’air de la pression élevée à la faible. Il commence à l’inspiration, lorsque les poumons ont une pression négative (faible) due à la contraction du diaphragme. L’air entre dans les poumons jusqu’à ce que le diaphragme cesse de se contracter, ce qui arrête la pression négative. L’inspiration s’arrête. À ce stade, les poumons sont remplis d’air et subissent une pression supérieure à celle de l’environnement extérieur. L’expiration s’enclenche lorsque l’air circule de nouveau d’une pression élevée à une pression faible. Ce processus se poursuit jusqu’à ce que la pression dans les poumons diminue suffisamment, mais les poumons conservent toujours leur CRF, ce qui diminue la pression nécessaire pour que les poumons se dilatent de nouveau.

Pour un survol utile du processus respiratoire, regardez cette vidéo sur l’appareil respiratoire :

 

Un ou plusieurs éléments interactifs ont été exclus de cette version du texte. Vous pouvez les visualiser en ligne ici : https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=46#oembed-2

Pour obtenir la transcription de la vidéo, cliquez sur « Regarder sur YouTube » pour accéder à la source. Vous pourrez accéder à la transcription sur YouTube.

Ressources supplémentaires

Voici quelques ressources utiles pour en savoir plus sur les mécanismes de la respiration :

Attribution des éléments visuels

  • Beach, de David Mark via Pixabay

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Test du chapitre 1

Questionnaire du chapitre 1

Voyez à quel point vous avez réussi à assimiler la matière abordée dans ce chapitre en répondant aux 5 questions suivantes. N’oubliez pas de consulter votre score!

 

Un élément interactif H5P a été exclu de cette version du texte. Vous pouvez le consulter en ligne ici :
https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=48#h5p-7

Source des images de l’exercice

Poursuivez votre apprentissage

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Attribution des éléments visuels

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II

Chapitre 2 | Oxygénation et principes fondamentaux de la ventilation mécanique

Vue d’ensemble

Le chapitre 1 aborde la respiration spontanée comme un processus gracieux et naturel. Comparer la respiration spontanée à la ventilation mécanique revient à comparer un cours d’eau tranquille à des rapides déchaînés. En ventilation mécanique, le diaphragme est contourné, et dans de nombreux cas (sédation, paralysie), il ne se contracte jamais. L’air est insufflé par la création d’une pression élevée à l’extérieur des poumons. La ventilation mécanique pousse l’air grâce à une pression de travail générée à l’intérieur du respirateur et acheminée dans les poumons par le circuit de l’appareil et le tube endotrachéal. Une pression positive est appliquée aux poumons au lieu de la pression négative généralement provoquée par contraction du diaphragme en cas de respiration spontanée. Une telle force motrice (pression positive) peut causer des lésions aux alvéoles fragiles des poumons (imaginez arroser votre jardin, mais à la place d’un arroseur, vous utilisez un boyau à haute pression). Vous apprendrez donc graduellement à éviter ce traumatisme au patient, tout en assurant une oxygénation efficace.

Dans le présent chapitre, apprenez pourquoi et quand utiliser la ventilation mécanique et les principes physiologiques de la ventilation. Vous étudierez l’oxygénothérapie et l’impact sur l’organisme. Enfin, la PEP et la FiO2 sont de nouveau abordées, mais dans le cadre de la ventilation mécanique.

Application

Comprendre le fonctionnement de la ventilation mécanique vous permettra de protéger les poumons contre les dommages. Vous apprendrez également les bases de la sélection de la bonne concentration d’oxygénothérapie à administrer à un patient sous respirateur.

Objectifs d’apprentissage

Voici ce que vous pourrez faire à la fin de ce chapitre :

  1. Discuter du concept de ventilation mécanique comme système scellé.
  2. Déterminer le taux de saturation en oxygène sécuritaire et la manière d’ajuster correctement l’oxygénothérapie.
  3. Expliquer comment le tandem PEP et oxygène favorisent l’oxygénation.
  4. Expliquer pourquoi les stratégies de protection des poumons sont nécessaires en ventilation mécanique.

Terminologie

Dans ce chapitre, vous découvrirez plusieurs termes importants. Ces termes sont utilisés dans tout le manuel, il est donc important de prendre le temps de bien les assimiler et de se les remémorer souvent.

  • hypoxie
  • hypercapnie
  • commande respiratoire atteinte
  • stratégies de protection des poumons
  • fraction inspirée d’oxygène (FiO2)
  • air ambiant
  • oxygénothérapie
  • saturation pulsée en oxygène (SpO2)
  • hémoglobine
  • concentration artérielle d’oxygène (CaO2)
  • radicaux libres oxygénés
  • ajuster

Ces termes apparaissent en gras lorsqu’ils sont utilisés pour la première fois dans le chapitre. Pour en savoir plus sur ces termes, vous pouvez les chercher dans le Grand dictionnaire terminologique.

6

Pourquoi recourir à la ventilation mécanique?

La ventilation mécanique est surtout requise dans les trois cas suivants :

  1. La défaillance hypoxique (ou hypoxie) est l’incapacité à bien oxygéner le corps. Des problèmes cardiaques, circulatoires ou pulmonaires peuvent nuire à l’apport d’oxygène aux organes et aux tissus. Sans correction, le problème d’oxygénation peut entraîner une défaillance des organes et des dommages irréversibles.
  2. L’hypercapnie (augmentation de la pression partielle de CO2) peut survenir à cause d’un problème respiratoire ou d’autres problèmes de santé. Si l’organisme ne peut pas éliminer un taux de CO2 trop élevé par la respiration, la ventilation mécanique est recommandée.
  3. La commande respiratoire peut être atteinte en cas de lésion cérébrale ou d’atteinte neurologique. Des lésions de la colonne vertébrale ou des nerfs peuvent être en cause, car les déclencheurs de la respiration ne peuvent transmettre une commande intacte. La ventilation mécanique est alors nécessaire pour remédier à la déficience respiratoire.

Rappelez-vous les chémorécepteurs du cerveau qui détectent les taux d’oxygène et de CO2. La ventilation est nécessaire lorsque la commande cérébrale n’est pas transmise aux poumons, ou lorsque les signaux ou les respirations qui s’en suivent ne répondent pas aux besoins de l’organisme. L’organisme s’affaire naturellement à maintenir un taux normal de CO2 et une oxygénation suffisante pour combler ses besoins. La maladie ou le dysfonctionnement d’un organe peuvent rapidement perturber l’équilibre de l’organisme en provoquant une augmentation de la consommation d’oxygène ou la production de CO2 par les cellules. Le corps essaie alors de compenser, mais il y a des limites à ce qu’il peut faire. Si la maladie s’aggrave, le taux d’oxygène peut devenir trop bas (hypoxie) ou le taux de CO2, trop élevé (hypercapnie) pour que les poumons puissent compenser. La ventilation mécanique est alors nécessaire pour rétablir de bons taux de CO2 ou d’oxygène.

La main d’une personne âgée, aux extrémités des doigts bleutées en raison d’un manque d’oxygène.

La cyanose survient si l’hypoxie n’est pas traitée. La ventilation mécanique permet d’éviter une telle chute du taux d’oxygène. Le prestataire de soins doit toujours agir rapidement pour traiter l’hypoxie.

La ventilation mécanique a fait beaucoup d’avancées depuis ses débuts et est en constante évolution. Les chercheurs médicaux ont notamment étudié en profondeur les effets de la ventilation en pression positive et les lésions pulmonaires induites par la ventilation. Interrompre le processus physiologique de la respiration n’est pas l’idéal. Les progrès scientifiques tentent constamment d’améliorer les traitements médicaux afin d’imiter le processus et le rythme naturels de la respiration. En somme, se rapprocher le plus possible de la respiration naturelle est meilleur pour le corps et plus sécuritaire pour les poumons. Il existe donc une volonté constante de mettre à jour et d’améliorer les modes de ventilation afin d’imiter fidèlement le processus physiologique naturel.

De plus en plus de changements et de méthodes voient le jour dans la foulée des améliorations technologiques et des respirateurs. Cette ressource en ligne ne prétend pas expliquer de manière exhaustive chaque paramètre, mode, déclencheur ou méthode de ventilation. Elle explique surtout les concepts fondamentaux des modes et cycles respiratoires afin d’éclairer la compréhension globale de la ventilation. Pour les professionnels de la santé ayant une connaissance générale de la mécanique pulmonaire, ce manuel permet d’avoir une bonne compréhension des méthodes pour réduire les lésions pulmonaires et de savoir comment configurer les paramètres du respirateur pour favoriser les stratégies de protection pulmonaire. En plus de suggérer des pistes pour perfectionner l’apprentissage, les concepts peuvent être appliqués à la plupart des modes et mettent en avant des notions fondamentales à adapter à sa pratique.

Notions à retenir

Les poumons sont comme des ballons : une pression trop forte ou un volume trop important peuvent étirer un ballon à l’excès ou le faire éclater. Gardez cette idée à l’esprit lorsque vous apprenez les bases de la ventilation mécanique. Les stratégies de protection pulmonaire sont abordées plus en détail dans les chapitres suivants.

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Physiologie de la ventilation mécanique

Lorsqu’une personne est intubée et branchée à un respirateur, les poumons forment un « système scellé ». L’air délivré par le respirateur entre directement dans les poumons (inspiration) et l’air qui en sort retourne dans le respirateur (expiration).

Exemple pratique

Une femme gonfle un ballon avec une paille

D’après Margz Adventure sur YouTube

On sait que les poumons sont comme des ballons (voir le chapitre 1). Imaginons maintenant un ballon scellé à l’extrémité d’une paille. Lorsqu’on souffle de l’air dans la paille, l’air va dans le ballon. Le ballon se gonfle lorsque la pression exercée est suffisante pour surmonter la résistance du latex. Si l’on gonfle le ballon, mais qu’on arrête de souffler, l’air revient aussitôt dans
la bouche, car le ballon se détend.

Dans le cas de la ventilation mécanique, l’inspiration se produit lorsque le respirateur achemine l’air dans les poumons. L’inspiration se poursuit jusqu’à ce que le cycle inspiratoire soit complet, soit en fonction des paramètres de l’appareil (ventilation obligatoire ou contrôlée), soit en fonction des besoins du patient (respirations spontanées). L’expiration demeure passive. Lorsqu’ils sont remplis, les poumons gonflés ont une pression plus élevée que leur environnement extérieur lorsque le respirateur cesse d’exercer la pression de travail. Rappelons que l’air circule toujours d’une pression plus élevée vers une pression plus basse (voir le chapitre 1). À l’expiration, une valve s’ouvre et le respirateur permet à l’air de s’échapper à travers un filtre (les alvéoles pleines ont une pression plus élevée que l’atmosphère), ce qui est similaire au concept de la respiration spontanée où, pendant l’expiration, la pression dans les poumons est plus élevée que la pression à la bouche. L’air passe de la pression élevée des poumons à la faible pression faible du respirateur.

Application des apprentissages

Observez l’illustration d’un patient sous respirateur. Comprenez-vous pourquoi le respirateur est un système scellé? Il est aussi pertinent de se familiariser avec les différentes parties du respirateur, quoique vous en apprendrez davantage dans les prochains chapitres.

Une illustration montrant les parties d’un respirateur

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Oxygénothérapie et ventilation mécanique

Avant d’aborder les modes ventilatoires, il est important d’avoir une compréhension générale de l’administration d’oxygène et des objectifs du traitement. L’air que nous respirons contient 21 % d’oxygène, 78 % d’azote et quelques autres gaz à l’état de traces. Le taux d’oxygène est assez élevé pour qu’une personne en bonne santé puisse en retirer un apport suffisant, mais ce taux peut être augmenté par l’administration d’oxygène à 100 % ou d’oxygène pur. En cas de problème pulmonaire (ou de poumons en mauvais état), un pourcentage plus élevé est nécessaire pour assurer une bonne oxygénation.

L’air ambiant est un terme médical familier désignant le taux d’oxygène le plus bas administré à un patient, soit un taux d’oxygène de 21 % comme dans l’air atmosphérique.

La quantité d’oxygène administrée à une personne peut être décrite de différentes façons. Lorsque la totalité de l’oxygène est fournie par un dispositif et que le patient ne respire que cet air, l’oxygène administré peut être exprimé en pourcentage (entre 21 % et 100 %) ou en fraction inspirée d’oxygène (FiO2) exprimée en décimales (de 0,21 à 1,00). Il s’agit d’une quantité d’oxygène mélangée au départ à l’air ambiant normal pour fournir la concentration souhaitée, de la plus faible (0,21 ou air ambiant) à l’oxygène pur (1,00).

Notions à retenir

La ventilation mécanique utilise un système étanche et chaque respiration est entièrement assurée par le respirateur. Le prestataire de soins doit trouver le pourcentage d’oxygène dont le patient a besoin. L’oxygène est exprimé en FiO2 sur les respirateurs et varie de 0,21 à 1,00.

Lorsque de l’oxygène pur est administré en petites doses à un patient qui respire naturellement, mais qui respire également de l’air ambiant, on parle d’oxygénothérapie et le débit t d’O2 administré est généralement exprimé en litres par minute (L/min). Le débit peut être augmenté jusqu’à égaler à peu près 100 % en fonction du dispositif (canules nasales ou masque facial).

En cas d’affection aiguë, les besoins en oxygène des cellules et des organes vitaux augmentent. Souvent, l’oxygénothérapie peut y répondre sans devoir recourir à la ventilation mécanique. Mais comment déterminer si la personne a besoin de plus d’oxygène?

La manière la plus directe de surveiller le taux d’oxygène est la mesure de la saturation en oxygène du sang (SaO2). Chez une personne en bonne santé, le pourcentage d’hémoglobine (Hb) saturé en oxygène est optimal, soit entre 95 et 100 %.

Quelle est la différence entre la SaO2 et la SpO2? La SaO2 est la saturation en oxygène de l’Hb dans le sang artériel oxygéné et se mesure par analyse sanguine. La SpO2 désigne aussi la saturation de l’Hb, mais elle est mesurée par un oxymètre de pouls placé au bout d’un doigt, qui utilise la réfraction de la lumière pour calculer la saturation. Dans la plupart des cas, la SpO2 est presque identique à la SaO2. Bon nombre de cliniciens utilisent la SpO2 pour surveiller le taux d’oxygène, car le prélèvement d’un échantillon sanguin artériel est une procédure invasive que seuls certains professionnels de la santé peuvent effectuer. La mesure de la SpO2 est non invasive et est très utile pour surveiller le taux d’oxygène.

L’hémoglobine dispose de quatre sites de fixation pour l’oxygène, comme le montre l’animation suivante :

L’oxygène se fixe à l’hémoglobine.

Vlog Brothers via GfyCat

De nombreux facteurs peuvent nuire à la capacité de l’oxygène à se lier à l’hémoglobine. Il est surtout important de retenir que l’augmentation de la quantité d’oxygène disponible (augmentation de l’oxygénation) favorise en général la fixation à l’hémoglobine.

Si la SpO2 est inférieure à 92 %, le patient a besoin d’oxygénothérapie. On peut augmenter la concentration d’oxygène administrée pour atteindre une SpO2 supérieure à 92 %. Il y a lieu d’instaurer la ventilation mécanique si l’oxygénothérapie à haut débit ne suffit pas à combler les besoins en oxygène pour éviter l’hypoxie.

Notions à retenir

Une SpO2 inférieure à 92 % indique un faible taux d’oxygène dans l’organisme. L’oxygénothérapie est alors recommandée.

Quantité totale d’oxygène dans le sang

La saturation en oxygène n’est pas un indicateur complet de l’oxygénation. La concentration d’oxygène transporté dans le sang artériel (CaO2), soit l’oxygène acheminé aux organes vitaux, est le fruit de deux facteurs distincts. L’oxygène se fixe ou se lie d’abord à l’hémoglobine (représentée par la SpO2). Une petite quantité se diffuse ensuite au travers de la membrane alvéolocapillaire pour se dissoudre dans le plasma sanguin, car l’oxygène est présent en plus grande quantité dans les alvéoles que dans le sang. Ce phénomène rappelle le principe abordé au chapitre 1 voulant que l’air circule de la pression élevée à la faible. Dans le cas présent, il s’agit de la circulation de l’oxygène d’une zone très riche en oxygène vers une zone plus pauvre en oxygène, soit des alvéoles vers le sang. La pression partielle représente cette concentration. Elle est exprimée en PAO2 (pression partielle alvéolaire d’oxygène) et PaO2 (pression partielle d’oxygène dans le sang artériel).

Voici la formule pour déterminer la concentration totale d’oxygène dans le sang, soit le CaO2 (les unités sont omises par souci de simplification). Remarque : Le calcul n’est pas à faire régulièrement et il n’est pas nécessaire pour assurer la sécurité de la ventilation. Il est plus important de comprendre les concepts présentés et de les appliquer à l’oxygénation.

Concentration d’oxygène (CaO2) = (Hb)(1,34)(% SaO2/100) + (0,003)(PaO2)
Oxygène lié à l’Hb Oxygène diffusé

La valeur de 1,34 est une constante qui représente la quantité maximale d’oxygène pouvant se lier à 1 gramme d’Hb. La valeur de 0,003 représente une constante multipliée par la pression partielle d’oxygène dissous dans le sang (PaO2). La PaO2 normale ou cible est comprise entre 80 et 100 mmHg.

Voici un exemple de l’application de la formule. Si le patient A présente un taux d’Hb de 120, une SaO2 de 99 % et une PaO2 « normale » de 100 mmHg, voici le résultat :

Concentration d’oxygène (CaO2) = (120)(1,34)(0,99) + (0,003)(100) = 159,1 + 0,3 =
 159,4

Pour en savoir plus sur cette formule, regardez cette vidéo : Easy Ways to Calculate Oxygen Content of Blood.

En tenant compte de la concentration calculée pour l’oxygène lié et l’oxygène diffusé, il est évident que l’oxygène diffusé est en quantité négligeable par rapport à l’oxygène lié à l’hémoglobine. Comme ce constat est généralement vrai, on peut utiliser la SaO2 pour évaluer approximativement la concentration globale d’oxygène dans la plupart des cas. Cependant, l’oxygène diffusé peut avoir une plus grande incidence sur l’oxygénation globale dans des cas particuliers, notamment si le taux d’hémoglobine est insuffisant ou anormal. En pareil cas :

  • Le taux d’hémoglobine est beaucoup trop bas (anémie).
  • L’hémoglobine est liée au monoxyde de carbone et n’est pas accessible à l’oxygène (intoxication au monoxyde de carbone).
  • L’oxygène est quasiment fixé à l’hémoglobine et ne se libère pas dans les tissus (décalage de la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine).

Dans de tels cas de figure, une PaO2 élevée, dépassant largement les valeurs normales, peut être requise afin de compenser le problème du transport de l’oxygène par l’hémoglobine. L’organisme peut ainsi compter sur une plus grande quantité d’oxygène dissous, jusqu’à ce que le problème soit résolu. Toutefois, il s’agit là d’exceptions et non de la norme.

Outre ces circonstances particulières, la part de l’oxygène diffusée dans la formule représente une très faible part de la concentration d’oxygène disponible dans le sang. En somme, la SaO2 donne une bonne idée de l’état d’oxygénation du patient. Il convient de rappeler que la SaO2 et la SpO2 sont généralement identiques. Tout au long du manuel, cette dernière sera utilisée comme méthode principale pour déterminer les besoins en oxygène.

Notions à retenir

La SpO2 est généralement un bon indicateur de la SaO2. La SaO2 joue le plus grand rôle dans la concentration d’oxygène. Par conséquent, la SpO2 peut généralement être utilisée pour surveiller l’état d’oxygénation général d’un patient.

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Administration d’oxygène : Régler la FiO2

L’oxygène est toujours réglé sur un respirateur, quels que soient le mode ou le type de ventilation. Étant donné que l’air acheminé par respirateur représente la totalité de l’air respiré par le patient, la composition ou le pourcentage d’oxygène doivent être paramétrés sur l’appareil. Sur le respirateur, le taux d’oxygène est déterminé par la FiO2, laquelle doit être réglée entre 0,21 et 1,0 pour que le patient reçoive suffisamment d’oxygène.

Notions à retenir

Il faut toujours régler la FiO2 sur un respirateur, peu importe le mode ventilatoire.

Les principes de l’évaluation des besoins en oxygène présentés dans les autres sections peuvent s’appliquer au réglage des paramètres sur le respirateur. Si la SpO2 est inférieure à 92 %, il faut augmenter la FiO2 fournie par le respirateur afin d’augmenter la quantité d’oxygène disponible et ainsi la quantité d’oxygène dans l’organisme. L’augmentation de la FiO2 fait monter la pression partielle de l’oxygène dans les alvéoles pulmonaires, ce qui augmente la quantité d’oxygène se diffusant à travers la membrane alvéolocapillaire pour se fixer à l’hémoglobine et augmente également la quantité d’oxygène se dissolvant dans la circulation sanguine. Il convient de rappeler que l’air circule de la pression élevée à la pression basse. Par conséquent, si la pression partielle de l’oxygène est plus élevée dans les alvéoles que dans le sang, une telle différence favorisera la diffusion de l’oxygène à travers la membrane alvéolocapillaire dans le sens du gradient (de la concentration la plus forte à la plus faible), soit des alvéoles vers la circulation sanguine (voir l’animation).

Échange gazeux dans la circulation sanguine

Lonely Teeming Billygoat, via GfyCat

Radicaux libres oxygénés

Cependant, le processus n’est pas aussi simple! On ne peut quitter le chevet du patient après avoir réglé l’oxygène. D’abord, il est important de noter que l’oxygène est considéré comme un médicament. À l’instar des autres médicaments, des effets indésirables y sont associés. La recherche médicale a conclu que l’exposition à de grandes quantités d’oxygène pendant des périodes prolongées peut endommager les poumons. Un taux élevé d’oxygène dans l’organisme crée des radicaux libres oxygénés, un sous-produit qui provoque la cicatrisation et le durcissement de la délicate membrane alvéolocapillaire et complique ainsi la diffusion de l’oxygène. La meilleure façon de limiter l’exposition aux radicaux libres oxygénés est d’administrer le strict nécessaire afin d’éviter tout surplus d’oxygène circulant dans l’organisme.

Pour en savoir plus, visitez cette page sur les radicaux libres et l’oxygène réactif.

Il paraît inconcevable que l’oxygène cause des dommages. Le « danger » d’administrer de l’oxygène est largement incompris et incite bon nombre de prestataires de soins à éviter cette option. Cependant, rappelons que l’oxygène est vital pour toutes les cellules de l’organisme. Sans oxygène, les cellules mourraient! L’hypoxie peut causer des lésions cérébrales en près de quatre minutes. Les dégâts causés par une exposition à une trop grande quantité d’oxygène se manifestent plus lentement. Il est essentiel de comprendre qu’il faut administrer plus d’oxygène si le taux est bas et poursuivre l’oxygénation même si la SpO2 semble baisser. Il faut simplement éviter de fournir une concentration d’oxygène trop élevée pendant une période prolongée.

Notions à retenir

Devant le dilemme entre le traitement de l’hypoxie (faible taux d’oxygène) ou de l’hyperoxie (taux d’oxygène trop élevé), il est toujours préférable, à court terme, de traiter l’hypoxie, car elle peut menacer le pronostic vital. Les traumatismes cérébraux et les lésions hypoxiques peuvent survenir en quelques minutes, alors que la libération de radicaux libres oxygénés se produit plus lentement, en quelques heures ou quelques jours.

Exemple pratique

Couverture d’un livre pour enfants représentant Boucle d’or et les trois ours

Qui se rappelle le conte pour enfants « Boucle d’or et les trois ours »? En ce qui se rapporte à l’oxygène, il ne faut surtout pas en administrer trop peu, ce qui entraînerait une hypoxie et des lésions tissulaires. Il ne faut pas non plus trop en administrer, surtout pendant trop longtemps, pour éviter l’hyperoxie, la libération de radicaux libres oxygénés et les dommages aux membranes cellulaires. Il faut un « juste dosage », avec une SpO2 supérieure à 92 %, mais inférieure à 100 %. La concentration d’oxygène administrée peut être ajustée en l’augmentant ou en la diminuant lentement et progressivement jusqu’à obtenir une SpO2 de 92 à 99 % chez les personnes en bonne santé.

La SpO2 n’atteint 100 % que lorsque toute l’hémoglobine est liée à l’oxygène. L’excédent d’oxygène présent dans les poumons n’est pas capté par l’hémoglobine. Donc, si la SpO2 est de 100 % et la FiO2 est de 0,60, cette personne pourrait tout de même avoir une SpO2 de 100 % avec une FiO2 de 0,50. Il pourrait y avoir un surplus d’oxygène qui entraînerait l’augmentation de la PaO2 au-delà des valeurs normales de 80 à 100 mmHg, car la concentration élevée d’oxygène dans les alvéoles favorise une plus grande diffusion dans le plasma.

Il est possible de vérifier la présence d’un excès d’oxygène en effectuant une gazométrie artérielle et en mesurant la PaO2. Les valeurs normales se situent entre 80 et 100 mmHg. Si la SpO2 est de 100 %, la PaO2 pourrait être de 100 mmHg ou supérieure à 400 mmHg. Une PaO2 supérieure à 100 mmHg indique une suroxygénation ou une hyperoxie. Un taux élevé supérieur à 100 mmHg augmente le risque de radicaux libres oxygénés et de lésions pulmonaires.

Comme il n’est pas possible de savoir si une SpO2 de 100 % est le signe que la personne reçoit assez ou trop d’oxygène, un moyen facile d’éviter tout doute est de viser une SpO2 de 92 à 99 % et de ne pas laisser la SpO2 à 100 % à moins que l’oxygène soit au minimum (c’est-à-dire une FiO2 de 0,21).

Repensons à l’équation de la concentration d’oxygène (CaO2). La PaO2 fait partie de l’oxygène dissous. Tant que l’hémoglobine remplit bien son rôle, une PaO2 élevée ne contribue pas à l’apport d’une quantité significative d’oxygène en comparaison à une PaO2 de 100.

Comparons deux exemples de concentration d’oxygène dans le sang. La quantité d’hémoglobine saturée est la même dans les deux cas et respecte les seuils sécuritaires. Le patient X reçoit « juste assez » d’oxygène pour saturer l’hémoglobine à 97 % (taux sécuritaire), mais sans excès d’oxygène avec une pression partielle d’oxygène de 100 mmHg. À l’inverse, le patient Y reçoit trop d’oxygène. L’hémoglobine est entièrement saturée et la pression partielle d’oxygène dans le sang est supérieure aux valeurs normales. Comparez la concentration d’oxygène entre les deux patients.

Patient X – FiO2 administrée : 0,40
Hb : 85; SpO2 : 97 %; PaO2 : 100 ⇒ PaO2 normale cible
CaO2 = (85)(1,34)(0,97) + (0,003)(100)
= 110,5 + 0,3
= 110,8
Patient Y – FiO2 administrée : 1,00
Hb : 85; SpO2 : 100 %; PaO2 : 400 ⇒ Hyperoxie, trop d’oxygène
CaO2 = (85)(1,34)(1,00) + (0,003)(400)
= 113,9 + 1,2
= 115,1

Comparez la concentration d’oxygène (CaO2) calculée pour les deux patients. La CaO2 calculée pour les deux patients est très proche, bien qu’ils reçoivent des quantités d’oxygène très différentes. Le modèle montre que, si l’hémoglobine est normale, l’aspect le plus important de l’oxygénation du sang consiste à fournir le strict nécessaire pour saturer l’hémoglobine de manière adéquate. L’administration excessive d’oxygène ne contribue pas de manière significative à l’amélioration de l’oxygénation si la saturation de l’hémoglobine ne change pas. Par conséquent, les dommages liés à l’apport de quantités élevées d’O2 et à la création de radicaux libres oxygénés dépassent largement les avantages de la dissolution d’une plus grande quantité d’oxygène dans le sang. Il convient donc d’éviter cette pratique.

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Lien entre la PEP et la FiO2

Au présent stade, vous comprenez sans doute comment l’augmentation de la FiO2 a une incidence directe sur la quantité d’oxygène disponible pour l’organisme (en utilisant l’équation de la concentration d’oxygène), notamment sur les taux d’hémoglobine et sur la SpO2.

Un autre facteur peut affecter l’oxygénation et doit être pris en compte pour la ventilation, surtout en cas de maladies pulmonaires.

La pression expiatoire positive (PEP) décrit la petite quantité d’air qui reste dans les alvéoles après l’expiration (chapitre 1). En ventilation mécanique, la PEP est également configurée sur le respirateur. La configuration de la PEP sur le respirateur vise à imiter les caractéristiques physiologiques d’une respiration spontanée. Lors de l’utilisation de la ventilation mécanique et de la pression positive, les poumons ne doivent pas se vider complètement à la fin de l’expiration. Si l’on se souvient des pressions observées lors de la respiration spontanée, la pression négative dans l’espace pleural assure le maintien d’une certaine quantité d’air dans les poumons pour les garder gonflés. Utiliser la pression positive d’un respirateur élimine cette capacité qui doit être artificiellement ajoutée par l’appareil.

Il faut paramétrer le respirateur de sorte que la PEP assure le maintien de l’air qui reste normalement dans les poumons. La PEP est, à tout le moins, toujours réglée à 5 cmH2O. Ainsi, les « ballons » que sont les alvéoles ne se vident pas complètement, et le volume résiduel abordé au chapitre 1 demeure dans les poumons afin de les gonfler plus facilement au prochain cycle respiratoire.

La PEP remplit également d’autres fonctions. En plus de permettre aux poumons de ne pas s’affaisser complètement et de se gonfler plus facilement d’un cycle à l’autre, elle peut également augmenter l’oxygénation en ajoutant une « poussée » supplémentaire pour faire passer l’oxygène à travers la membrane alvéolocapillaire.

Exemple pratique

L’astronaute Chris Hadfield essore une serviette dans l’espace

NASA via Giphy

Imaginez que vous essayez de sécher une chemise mouillée. Vous l’enveloppez dans une serviette en espérant transférer l’eau à la serviette sèche. L’eau jouerait le rôle de l’oxygène et vous voulez la faire passer à travers la « membrane » (dans la serviette). La PEP équivaut à tordre la chemise enveloppée dans une serviette, en propageant
l’eau (l’oxygène) à une plus grande vitesse.

La PEP est utilisée précisément dans les cas où la membrane alvéolocapillaire est épaissie ou cicatrisée en raison d’un trouble ou d’une maladie quelconque. Lorsque l’inflammation ou les infiltrats imprègnent la membrane alvéolocapillaire, la capacité de diffusion de l’oxygène est entravée. Si l’on se reporte aux concepts des poumons et à la circulation de l’air d’une pression élevée à une pression faible, la PEP contribue au gradient et facilite la diffusion de l’oxygène vers la zone de plus faible concentration. Généralement, lorsque la membrane alvéolocapillaire est anormale (poumons en mauvais état), augmenter la PEP augmente le taux d’oxygène dans le sang devoir nécessairement augmenter la FiO2.

Exemple pratique

Imaginons que la PEP et la FiO2 sont deux personnes soulevant une table basse. Elles travaillent en tandem pour déplacer la table de la même manière que la PEP et la FiO2 améliorent ensemble l’oxygénation. Si une personne déploie plus d’efforts pour soulever la table, l’autre en fournira moins. De même, l’augmentation de la PEP permettrait de diminuer la concentration d’oxygène à administrer, en limitant l’exposition à un taux trop élevé.

Notions à retenir

La PEP est un autre paramètre qui doit toujours être configuré sur un respirateur, quel que soit le mode. Il est essentiel d’empêcher les alvéoles de s’affaisser complètement pour reproduire les processus physiologiques normaux. La PEP peut être utilisée pour améliorer la diffusion de l’oxygène à travers la membrane alvéolocapillaire.

Cependant, la PEP n’est pas une solution miracle. L’augmentation de la PEP peut avoir des effets indésirables, surtout si elle est trop élevée. Elle augmente la pression dans les poumons, ce qui peut comprimer le cœur et diminuer le retour veineux et le flux sanguin vers le cœur. Le débit cardiaque peut être altéré si la PEP est trop élevée. Il faut augmenter la PEP graduellement tout en surveillant constamment l’état cardiaque.

Un autre effet indésirable important est son effet sur la compliance pulmonaire. Il est bon de rappeler que la PEP est comme l’air restant dans le ballon. Si vous gonflez chaque fois un ballon d’après un volume fixe, mais en augmentant la quantité d’air résiduelle, le ballon pourrait plus supporter la quantité d’air insufflé et risque d’éclater. Il en va de même pour les poumons : s’ils sont plus remplis au début du cycle (augmentation de la PEP), ils seront moins susceptibles de « s’adapter » au volume d’air que le respirateur administrera, sans les exposer à une pression élevée ou sans provoquer de surdistension. En général, la PEP doit être augmentée avec précaution, en suivant toujours les instructions du médecin. Les concepts seront abordés dans les chapitres 3 à 5 lorsque les paramètres de la ventilation seront explorés plus en profondeur.

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Conclusion

Vous avez terminé le chapitre 2 et devriez connaître les principales différences entre la respiration spontanée et la ventilation mécanique. Vous avez acquis de précieux outils pour comprendre l’oxygénation et la meilleure façon de traiter l’hypoxie. Gardez ces concepts à l’esprit, car ils sont abordés en profondeur dans les prochains chapitres.

Trois étudiants en tenues médicales s’entraînent à intuber un volontaire.

Trois étudiants en sciences infirmières s’entraînent à pratiquer l’intubation et comprennent que la ventilation mécanique et les autres traitements respiratoires sont cruciaux et sauvent d’innombrables vies.

Bilan

Passez en revue les éléments importants du chapitre :

  • La ventilation mécanique insuffle de l’air dans les poumons et une fois le cycle inspiratoire terminé, une expiration passive s’ensuit.
  • La concentration d’oxygène dans le sang est la somme de la quantité d’oxygène liée à l’hémoglobine et de la quantité d’oxygène dissous dans le sang. Le taux d’hémoglobine et le pourcentage de saturation ont plus d’effet sur l’oxygénation que le composant dissous.
  • La SpO2 peut être utilisée pour évaluer approximativement l’état d’oxygénation général du patient.
  • Deux paramètres sont toujours réglés sur un respirateur : la FiO2 et la PEP.
  • La FiO2 et la PEP ont toutes deux une incidence sur l’oxygénation et peuvent être ajustées pour améliorer en tandem l’oxygénation.

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12

Test du chapitre 2

Questionnaire du chapitre 2

Voyez à quel point vous avez réussi à assimiler la matière abordée dans le chapitre en répondant aux 5 questions suivantes. N’oubliez pas de consulter votre score!

 

Un élément interactif H5P a été exclu de cette version du texte. Vous pouvez le consulter en ligne ici :
https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=63#h5p-5

Poursuivez votre apprentissage

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III

Chapitre 3 | Modes et paramètres de base du respirateur

Vue d’ensemble

Le chapitre 2 vous a familiarisé avec la ventilation mécanique comme système scellé. Vous y avez appris certaines bases de l’apport d’oxygène à un patient, soit par respiration spontanée ou à l’aide d’un respirateur. Attaquons-nous maintenant à la ventilation mécanique et penchons-nous sur les différents modes que peut adopter le respirateur pour aider un patient à respirer.

Ce chapitre aborde les sujets suivants :

  • Principales catégories des modes ventilatoires
  • Paramètres de base de la ventilation et leur signification

Application

Il est primordial que les prestataires de soins qui utilisent des respirateurs comprennent les deux principaux modes ventilatoires et tous les paramètres principaux du respirateur afin d’être plus à même d’atteindre les objectifs en matière de soins aux patients.

Objectifs d’apprentissage

Voici ce que vous pourrez faire à la fin de ce chapitre :

  1. Faire la distinction entre les modes de ventilation spontanée et de ventilation contrôlée.
  2. Reconnaître les paramètres sur un respirateur et le mode auquel ils se rapportent.

Terminologie

Dans ce chapitre, vous découvrirez plusieurs termes importants. Ces termes seront utilisés dans tout le manuel, il est donc important de prendre le temps de bien les assimiler et de se les remémorer souvent.

  • mode contrôlé
  • mode spontané
  • asynchronisme
  • déclencheur (trigger)
  • volume contrôlé (VC)
  • fréquence respiratoire (FR)
  • volume courant (Vc ou VT, pour tidal volume)
  • pression contrôlée (PC) ou pression inspiratoire (Pinsp)
  • aide inspiratoire (AI)
  • temps inspiratoire (Ti)
  • débit (V̇)
  • pression expiratoire positive (PEP)
  • fraction inspirée d’oxygène (FiO2)

Ces termes apparaissent en gras lorsqu’ils sont utilisés pour la première fois dans le chapitre. Pour en savoir plus sur ces termes, vous pouvez les chercher dans le Grand dictionnaire terminologique.

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Modes ventilatoires principaux

Les principaux modes ventilatoires se divisent principalement en deux catégories distinctes :

  • Les modes contrôlés
  • Les modes spontanés

Les modes contrôlés servent à remplacer tout le processus de la respiration. Lorsque le respirateur est en mode contrôlé, il contrôle entièrement toutes les étapes de la respiration :

  1. Déclenchement : La respiration n’est plus contrôlée par les chémorécepteurs et le diaphragme. C’est le respirateur qui pousse l’air dans les poumons à un intervalle réglé par le clinicien.
  2. Inspiration : Le volume d’air poussé dans les poumons est déterminé par les paramètres. Les poumons se gonflent puisqu’ils forment un système scellé.
  3. Fin de l’inspiration : Dès que les poumons ont reçu le volume d’air défini par les paramètres, le respirateur interrompt la poussée d’air.
  4. Expiration : Les poumons se dégonflent d’eux-mêmes au fur et à mesure que la pression de l’air redescend.

Le mode contrôlé est utilisé chez les patients qui ne parviennent pas à respirer par eux-mêmes ou qui ne respirent ou ne compensent pas assez pour combler les besoins de leur corps. Chaque étape de la respiration est définie par les paramètres réglés par le prestataire de soins. Le patient ne contrôle presque rien du processus respiratoire.

Notions à retenir

Les modes ventilatoires se divisent en deux principales catégories : (1) contrôlé et (2) spontané.

Le mode spontané, comme son nom l’indique, permet au patient de participer beaucoup plus au « processus décisionnel » de sa respiration. Le patient a donc beaucoup plus de liberté sur son cycle respiratoire et sur la taille (ou volume) de ses inspirations et peut enchaîner à sa guise les étapes de respiration. Le mode spontané est utilisé lorsque le patient possède toujours sa commande respiratoire, c’est-à-dire qu’il est encore en mesure de déclencher régulièrement ses inspirations et que le « déclencheur » physiologique dans son cerveau (les chémorécepteurs) est encore capable de déclencher l’inspiration. Le mode spontané accorde effectivement au patient un certain contrôle sur ses cycles respiratoires, mais certains aspects du processus demeurent paramétrés par le respirateur. Le patient n’a pas entièrement le contrôle.

Exemple pratique

Une personne conduit sa voiture.

Pour bien comprendre la différence entre les modes contrôlés et spontanés, imaginons une situation où vous devez vous rendre à une destination. Vous pourriez prendre un taxi. Cette situation serait comparable au mode contrôlé en ce sens que vous êtes passager et que c’est le chauffeur qui détermine la vitesse de la voiture et l’itinéraire qu’il emprunte.

Vous pourriez en revanche vous rendre à destination à bord d’une voiture à transmission automatique. C’est alors vous qui décidez du trajet à suivre et de la vitesse de la voiture, mais l’ordinateur se charge de certaines « décisions » de conduite, par exemple les changements de vitesse. Cette situation serait comparable au mode spontané. Même si c’est le patient qui contrôle en majeure partie sa respiration, certains paramètres minimes demeurent définis par le respirateur afin d’aider ou de compléter le processus respiratoire.

Attribution des éléments visuels

  • pexels-maksim-goncharenok-4824424, de Maksim Goncharenok, sous licence CC0

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Bref historique des modes contrôlés et spontanés

Explorons l’origine des modes ventilatoires en commençant par un retour sur l’arrivée de la ventilation et sur quelques innovations incontournables qui ont déjà été évoquées au chapitre 2. Nous aborderons les modes ventilatoires plus en profondeur après le visionnement de la vidéo de TED-Ed How do Ventilators Work? (Fonctionnement d’un respirateur).

 

Un ou plusieurs éléments interactifs ont été exclus de cette version du texte. Vous pouvez les visualiser en ligne ici : https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=68#oembed-2

Pour obtenir la transcription de la vidéo, cliquez sur « Regarder sur YouTube » pour accéder à la source. Vous pourrez accéder à la transcription sur YouTube.

La première version des modes ventilatoires modernes était le mode de ventilation obligatoire continue (CMV). Il a été conçu pour faire respirer le patient de façon artificielle au moyen d’une pression positive, mais uniquement selon les paramètres réglés sur le respirateur. Le respirateur n’avait pas la capacité de percevoir ce que le patient faisait ou « demandait ». Autrement dit, si le patient commençait à déclencher des inspirations et voulait respirer à une fréquence respiratoire plus rapide que le permettaient les paramètres, le respirateur ne pouvait obtempérer. Les besoins du patient n’étaient aucunement pris en compte.

Les problèmes associés à ce mode sont évidents. Imaginez que vous vous éveillez branché à une machine qui ne vous laisse pas respirer comme bon vous semble : non seulement vous tentez d’inspirer sans avoir accès à une seule molécule d’air, mais en plus, de l’air est poussé dans vos poumons quand vous n’y êtes pas préparé! Le mode CMV occasionnait beaucoup d’inconfort chez le patient puisque le respirateur n’était pas synchronisé avec son corps. On appelle ce problème l’asynchronisme. Pour atténuer l’asynchronisme, il fallait administrer aux patients de puissants sédatifs, ce qui, dans bien des cas, les paralysait temporairement. Cet état de sédation profonde et de paralysie compliquait considérablement l’évaluation de la commande respiratoire autonome du patient, de sorte qu’il était difficile de savoir quand interrompre la ventilation.

À mesure que la technologie progressait, les problèmes associés à la ventilation obligatoire continue ont rapidement été soulevés, ce qui a donné lieu à l’amélioration des respirateurs en vue de les rendre plus sensibles aux efforts des patients. Des microprocesseurs peuvent maintenant sentir les légers changements dans le débit aérien lorsque le patient fournit un effort inspiratoire. Puisque les respirateurs peuvent maintenant percevoir les efforts inspiratoires, ils peuvent administrer une ventilation selon une fréquence « minimale » réglée. Lorsqu’un patient crée une différence de débit que l’ordinateur reconnaît comme étant une « demande », le respirateur peut dépasser cette fréquence et administrer une ventilation. Pour le distinguer de l’ancien mode CMV, on appelle souvent ce nouveau mode le mode « ASSISTÉ/CONTRÔLÉ », ou ventilation assistée contrôlée (VAC), puisqu’il a la capacité d’induire des respirations selon les paramètres réglés ou plus fréquemment, lorsque le patient le demande.

Respirateur Puritan Bennett, modèle 7200.

Le respirateur Puritan Bennett 7200 a fait son entrée sur le marché en 1983 et était acclamé comme l’un des premiers respirateurs à utiliser un système avancé d’air comprimé combiné à la technologie de microprocesseur, ce qui le dotait d’une excellente capacité en matière de surveillance du patient et d’acheminement de gaz pour son époque (Squire, 2013). Au fil des années, le PB 7200 a été remplacé par des appareils plus petits dotés de technologies plus efficaces.

L’ancien mode contrôlé (CMV) qui ne permettait pas au patient de déclencher lui-même les cycles respiratoires est maintenant complètement obsolète et n’existe plus en ventilation moderne. La VAC a entièrement remplacé le mode CMV pour devenir le seul type de mode contrôlé. Même les modes portant encore la désignation CMV sur certains respirateurs ne sont plus comme la version de l’époque; ils permettent aussi au patient de respirer au-delà de la fréquence respiratoire définie dans les paramètres.

Auparavant, lorsque l’état d’un patient s’améliorait, le clinicien diminuait la FR du respirateur pour permettre au patient de déclencher toutes ses inspirations. Cette pratique n’a pourtant pas réglé les problèmes d’asynchronisme. De petites pauses ou variations dans les cycles physiologiques de la respiration du patient pouvaient déclencher une poussée d’air par le respirateur, ce qui faisait respirer le patient au même moment que le respirateur poussait l’air dans ses poumons; c’est ce qu’on appelle le double déclenchement. D’autres formes d’asynchronisme pouvaient se produire lorsque le patient souhaitait respirer à un débit différent ou pour une durée différente. Ces problèmes ont révélé la nécessité de concevoir un mode qui permettait au patient de contrôler entièrement son cycle respiratoire et la durée de ses inspirations, ce qui a entraîné la mise en marché du mode spontané.

Le mode spontané a été conçu pour les patients qui possèdent une commande respiratoire efficace et qui peuvent continuellement déclencher leurs propres inspirations. Ce mode a permis d’atténuer l’asynchronisme, puisqu’il permet au patient de contrôler lui-même son débit d’air et permet au respirateur de s’adapter continuellement aux différentes étapes de la respiration. Ces changements cruciaux sont parmi les plus importants et les plus historiques de la ventilation mécanique moderne et ont amené les respirateurs à imiter de plus en plus la respiration physiologique et les cycles respiratoires physiologiques normaux.

Contrairement aux modes contrôlés, le mode spontané demeure très semblable à sa version originale. Même s’il existe maintenant de nouveaux modes offrant des options supplémentaires à la ventilation spontanée, ils sont peu utilisés et ne seront pas couverts dans ce manuel.

Pour connaître plus en détail l’historique des modes ventilatoires et pour alimenter la discussion sur de possibles innovations futures pour les respirateurs, lisez l’article « The Mechanical Ventilator: Past, Present, and Future » (Ventilation mécanique : hier, aujourd’hui et demain), par Robert M. Kacmarek (2011).

Attribution des éléments visuels

  • PB 7200, de Kacmarek, 2011

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Distinction entre la respiration spontanée et la respiration contrôlée

Une respiration contrôlée correspond à l’air poussé par le respirateur à la fréquence respiratoire programmée. Si par exemple, la fréquence respiratoire est réglée à 15 resp./min, le respirateur génère alors 15 respirations en une minute (une respiration aux 4 secondes). Ainsi, le patient recevra de l’air dans ses poumons toutes les 4 secondes même en l’absence d’une commande respiratoire intacte.

Nous venons de voir que, même en mode contrôlé, le patient peut choisir de déclencher plus de respirations que ce que la fréquence respiratoire programmée prescrit. Autrement dit, si le patient possède une commande respiratoire physiologique intacte, il peut déclencher des cycles respiratoires au-delà de la fréquence réglée sur le respirateur. S’il ne le fait pas, le respirateur continuera de générer un minimum de respirations selon la fréquence respiratoire établie.

Un clinicien vérifie les paramètres d’un respirateur pour un patient.

Comment le respirateur parvient-il à détecter l’effort inspiratoire du patient?

Nous avons déjà déterminé que la ventilation en pression positive pousse de l’air dans les poumons. Des microprocesseurs évaluent constamment le débit d’air qui quitte le respirateur pour être acheminé au patient par le circuit. Pensez au processus physiologique normal de la respiration et à la façon dont le diaphragme se contracte en s’abaissant dans le thorax. Nous avons vu que ce mouvement crée une pression négative et permet à l’air de pénétrer dans les poumons. Rappelez-vous que le patient est intubé et branché au respirateur par le circuit patient. Dans ce cas, la pression négative aspire l’air par le circuit. Les microprocesseurs du respirateur sont calibrés en fonction de la pression et du débit d’air normaux dans le circuit et même une infime variation de l’air acheminé dans la poitrine est perçue par le respirateur. On appelle cette détection un « déclencheur » (ou trigger), car le respirateur perçoit cette variation qui devient le « déclencheur » de la poussée d’air programmée.

Les professionnels de la santé peuvent régler le respirateur pour qu’il perçoive les variations de la pression ou du débit. Les deux déclencheurs ont un fonctionnement semblable :

  • Un déclencheur en pression est activé lorsque le diaphragme contracté fait diminuer la pression globale de l’air dans le circuit.
  • Un déclencheur en débit détecte la baisse de pression créée par le diaphragme et perçoit ainsi l’air aspiré par le circuit.

Dans la pratique actuelle, les déclencheurs en débit sont les plus couramment utilisés sur la plupart des respirateurs. Lorsque le débit atteint le seuil de déclenchement du déclencheur en débit, le respirateur génère une respiration. Le patient n’a qu’à aspirer une quantité d’air à un débit négligeable pour que le respirateur perçoive un effort inspiratoire, et dès la détection, le respirateur achemine une respiration en fonction du mode et des réglages déterminés. Le seuil de déclenchement en débit est généralement compris entre 2 et 3 L/min. Puisque les respirateurs réagissent en une fraction de seconde, même un infime changement (aspiration d’air par le patient) peut déclencher un cycle respiratoire.

Les prestataires de soins expérimentés sont capables de voir ces variations de pression et de débit à l’amorce d’une respiration en regardant la forme des ondes qui représentent les poussées d’air. L’interprétation de la forme des ondes n’entre pas dans le cadre de ce cours. Cependant, la principale chose à retenir est celle-ci : lorsqu’un patient déclenche un cycle respiratoire en mode contrôlé, il se produit une petite aspiration négative en pression et en débit à l’effort respiratoire spontané qui déclenche le cycle. Une respiration contrôlée ne produira pas cette petite boucle négative juste avant la forme de l’onde.

Un moyen facile de voir si un patient déclenche des respirations au-dessus de la fréquence respiratoire obligatoire consiste à comparer la fréquence respiratoire totale adoptée par le patient et la fréquence respiratoire programmée. Si la fréquence respiratoire est réglée à 15 resp./min et que le patient respire à une fréquence de 18 resp./min, il est alors évident que le patient déclenche des cycles respiratoires au-delà de la fréquence respiratoire programmée.

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« Arborescence » de la ventilation

La ventilation peut être vue comme une arborescence, dont les branches principales seraient les modes contrôlés et spontané. Les modes contrôlés se divisent ensuite en deux principales sous-catégories :

  1. Volume contrôlé (VC) : Le respirateur pousse un volume programmé d’air dans les poumons.
  2. Pression contrôlée (PC) : Le respirateur pousse de l’air dans les poumons selon une pression programmée.

La ventilation se divise en deux branches : 1) les modes contrôlés, qui se subdivisent à leur tour en a) pression contrôlée et b) volume contrôlé; et 2) le mode spontané, qui est une aide inspiratoire.

Peu importe la manière dont on décrit ou nomme les respirations contrôlées, gardez à l’esprit qu’elles sont programmées par le prestataire de soins et générées par le respirateur, et tous les types de mode contrôlé donnent le même résultat, soit des respirations entièrement « contrôlées » imposées au patient. Essentiellement, chaque respiration contrôlée ou obligatoire, qu’elle soit générée sous VC ou PC, décrit la même chose : de l’air est poussé dans les poumons par une machine. Les termes « pression » et « volume » sont des descriptifs de la respiration selon les réglages du respirateur. Quel que soit le mode, la ventilation contrôlée fait toujours la même chose : elle pousse de l’air dans les poumons du patient selon les réglages déterminés par le clinicien, puis laisse les poumons expirer l’air par eux-mêmes.

Les respirations spontanées ou les respirations assistées qu’un patient décide de prendre sont majoritairement générées par la ventilation spontanée avec aide respiratoire.

Notions à retenir

La ventilation à pression contrôlée (VPC) et la ventilation à volume contrôlé (VVC) font exactement la même chose : elles poussent de l’air dans les poumons selon des réglages déterminés par un prestataire de soins et n’exigent aucun effort inspiratoire de la part du patient. La distinction entre les deux types de mode sert seulement à décrire la méthode utilisée par le respirateur pour pousser l’air dans les poumons.

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  • Ventilation Family Tree, de Melody Bishop, sous licence CC0

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Modes ventilatoires : véritable soupe aux lettres

La terminologie variée et la pratique courante d’utiliser les acronymes pour désigner les modes ventilatoires et les paramètres des respirateurs font de la description des modes ventilatoires un véritable défi. Lorsqu’on pense à quel mode ventilatoire utiliser, on peut souvent avoir l’impression de lire des lettres aléatoires dans un bol de soupe aux pâtes alphabet!

Un bol de soupe aux pâtes alphabet. Une cuillère en avant-plan contient les lettres A, B et C.

Là où les choses se corsent, c’est que chaque fabricant de respirateurs donne des noms légèrement différents à tous ses modes. Lorsqu’il crée un mode, le fabricant brevette le nom précis qu’il utilise. Quand le brevet autorise une autre entreprise à utiliser le concept utilisé pour ce mode, les autres fabricants créent leur propre version du mode et lui octroient un nom légèrement différent. Ainsi, le même mode peut parfois avoir plus de 5 à 6 noms différents. La ventilation à volume contrôlé, par exemple, peut être désignée par les acronymes VC, VVC, VAC, VC-CMV ou CMV-VC, pour n’en nommer que quelques-uns.

Pour vous y retrouver, tentez de définir le mode par les paramètres qui y sont réglés. La plupart des modes utilisent les mêmes principes de génération des respirations. Examinez les paramètres réglés par un prestataire de soins, puis classifiez ainsi le type de mode avec lequel vous travaillez :

  • S’agit-il d’un mode contrôlé ou spontané?
  • S’il s’agit d’un mode contrôlé, est-ce une ventilation à pression contrôlée ou à volume contrôlé?

Cet exercice d’identification vous semble peut-être difficile, mais ne vous découragez pas : vous allez apprendre à vous familiariser avec ces notions. Si vous parvenez à bien discerner les modes, vous ne vous sentirez plus dépassé par cette panoplie d’acronymes. Vous pourrez ensuite appliquer les connaissances générales apprises dans ce manuel à tout mode ventilatoire que vous serez amené à utiliser et à maîtriser, même les modes accessoires ou particuliers qui ne sont pas abordés ici.

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Définitions et réglages

Modes contrôlés

La chose la plus importante à retenir est celle-ci : les modes contrôlés sont conçus pour remplacer complètement le processus physiologique de la respiration. Chaque aspect de la respiration doit être programmé et « contrôlé » par le clinicien. Toutes les ventilations administrées par le respirateur, qu’elles soient déclenchées par la machine ou par le patient, sont identiques et respectent les réglages définis.

Un respirateur.

Quels paramètres reconnaissez-vous sur le panneau de commande de ce respirateur?

Quels paramètres doit-on régler en mode contrôlé? Comme on l’a vu au chapitre 2, il faut toujours régler au moins deux paramètres, peu importe le mode ventilatoire :

  1. le niveau de PEP, pour empêcher les alvéoles de s’affaisser
  2. la FiO2 nécessaire pour fournir au patient un apport d’oxygène adéquat

Outre ces réglages obligatoires pour tous les modes ventilatoires, il faut régler trois autres paramètres en mode contrôlé :

  1. la fréquence à laquelle le patient va respirer
  2. l’ampleur de la respiration acheminée au patient
  3. la vitesse à laquelle l’air sera acheminé à la personne

La fréquence à laquelle les respirations sont générées est habituellement déterminée par la fréquence respiratoire (FR). Elle désigne le nombre minimal de cycles respiratoires en une minute. Les patients peuvent déclencher des respirations à un rythme plus rapide que celui prescrit par la FR; ces respirations supplémentaires sont comptées dans la FR totale.

L’ampleur d’une respiration est généralement déterminée par le volume d’air poussé dans les poumons. C’est ce qu’on appelle le volume courant (Vc ou VT pour tidal volume). Il désigne le volume d’air (en ml/kg) généré chaque fois qu’une ventilation est administrée au patient. Le volume d’air acheminé au patient peut être modifié selon le mode, que ce soit avec la ventilation à volume contrôlé, qui détermine le volume lui-même, ou la ventilation à pression contrôlée (PC), qui détermine la pression appliquée aux poumons. Ce concept est approfondi au chapitre 4.

Notons que le niveau de pression appliqué aux poumons en ventilation à pression contrôlée est souvent appelé « pression contrôlée », mais peut aussi être appelé pression inspiratoire. Ne vous mélangez pas ici! C’est simple : si vous voyez le réglage « pression contrôlée », c’est que vous êtes en mode ventilatoire à pression contrôlée!

Les modes permettent aussi de programmer la durée de chaque respiration. Pour modifier la durée d’une respiration, il faut régler la vitesse à laquelle le respirateur pousse l’air dans les poumons. Les modes à pression contrôlée et à volume contrôlé permettent d’ajuster la vitesse de l’air acheminé au patient en ajustant le débit ou le temps pendant lequel l’air est poussé (ce qu’on appelle le temps inspiratoire, ou Ti). Tous ces réglages sont approfondis au chapitre 4.

En résumé, vous êtes en mode contrôlé si vous réglez les trois paramètres suivants :

  1. la fréquence respiratoire
  2. le volume ou la pression que va appliquer le respirateur
  3. le débit d’air ou la durée de la poussée d’air dans les poumons

Notions à retenir

Peu importe l’acronyme qui définit le mode que vous utilisez, si vous devez régler la fréquence respiratoire, le volume, la pression, le débit ou le temps, vous êtes en mode contrôlé.

Mode spontané

Comme le mode contrôlé, le mode de ventilation spontanée génère aussi des respirations par pression positive à partir d’un respirateur. Comme pour tous les modes ventilatoires, il faut régler les paramètres obligatoires suivants :

  1. le niveau de PEP, pour empêcher les alvéoles de s’affaisser
  2. la FiO2 nécessaire pour fournir au patient un apport d’oxygène adéquat

Cependant, contrairement aux modes contrôlés, le mode spontané laisse le patient déclencher lui-même ses respirations et choisir le nombre de respirations qu’il souhaite prendre, et à quelle fréquence. Ce n’est donc pas vous qui déterminez le volume d’air que le patient inspire ni sa fréquence respiratoire. En mode spontané, vous décidez seulement de la quantité d’« aide » que le respirateur apportera pour faciliter la respiration déclenchée par le patient. Le principal paramètre à régler est le suivant :

  1. l’ampleur du soutien à donner au patient.

Lorsque le déclencheur physiologique du patient déclenche une respiration et que le diaphragme se contracte, le respirateur perçoit cette contraction et « aide » à acheminer l’air en le poussant en même temps que le patient l’aspire. Cette aide inspiratoire atténue l’effort que le patient doit fournir pour respirer.

Exemple pratique

Un enfant s’apprête à boire d’un tuyau d’arrosage.

Imaginez que vous êtes enfant et que vous jouez à l’extérieur dans la chaleur d’un jour d’été. Vous repérez tout près un tuyau d’arrosage et décidez de boire une rasade. Même si l’alimentation en eau est fermée, il reste de l’eau froide dans le boyau. Vous créez une succion et tentez d’aspirer l’eau hors du tuyau, ce qui vous demande un effort considérable. Si une personne ouvrait l’alimentation en eau, vous auriez plus de facilité à aspirer l’eau. Si l’eau qui parvenait jusqu’à vous n’était qu’un filet, ce ne serait sans doute pas suffisant et vous continueriez à créer une succion pour retirer une plus grande quantité d’eau du tuyau. Si l’alimentation en eau était plus généreuse, vous n’auriez alors aucune difficulté à boire toute l’eau que vous voulez sans devoir fournir les « efforts » de succion.

En résumé, pour confirmer que vous êtes en mode spontané, il suffit de vérifier les paramètres qui ne sont pas programmés. Autrement dit, le respirateur ne définit ni la fréquence respiratoire, ni le volume, ni le débit. Vous programmez une pression uniquement pour aider à amplifier la respiration.

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Tableau des réglages d’un respirateur

Voici les principaux réglages qu’il faut comprendre sur un respirateur :

Réglage

Description

Unité de mesure

Mode(s) où il est utilisé

Fréquence respiratoire (FR) Nombre de respirations par minute. La FR peut être programmée; elle désigne alors le nombre de fois où le respirateur génère une respiration mécanique. Elle est réglée par le prestataire de soins et reste constante jusqu’à ce qu’il la modifie. La FR peut aussi être spontanée; elle représente dans ce cas le nombre de fois par minute où le patient inspire. La FR spontanée est déterminée par la commande respiratoire de la personne et son propre déclencheur physiologique. respirations par minute (resp./min) Une fréquence de base est réglée en mode contrôlé, mais le patient peut respirer au-delà de cette fréquence. La FR doit être surveillée dans les deux types de mode pour voir ce que fait le patient.
Volume courant (Vc ou Vt) Volume d’air qui remplit les poumons pendant une inspiration. ml/kg (d’air) Peut être réglé sur le respirateur en mode à volume contrôlé. Doit être surveillé en mode spontané pour vérifier le volume d’air que le patient parvient à inspirer.
Ventilation à pression contrôlée (PC) ou à pression inspiratoire (Pinsp) Pression administrée par le respirateur pour pousser l’air dans les poumons. cmH2O Réglée en mode à pression contrôlée.
Aide inspiratoire (AI) Quantité d’« aide supplémentaire » donnée par le respirateur chaque fois que le patient déclenche une respiration spontanée. Elle vise à atténuer le travail respiratoire que doit faire le patient. cmH2O Réglée uniquement en mode spontané.
Temps inspiratoire (Ti) Durée pendant laquelle le respirateur fournit un débit d’air ou une pression pour remplir les poumons en cas de ventilation obligatoire. secondes (s) Réglé seulement en mode contrôlé.
Débit (V̇) Vitesse maximale à laquelle l’air sort du respirateur lors du déclenchement d’un cycle respiratoire. litres par minute (L/min) Réglé seulement en mode contrôlé.
Pression expiratoire positive (PEP) Remplacement de la CRF puisque l’intubation et le branchement à un respirateur ignorent la pression normale dans les poumons et maintiennent la « PEP physiologique ». La PEP est importante puisqu’elle permet d’éviter que les alvéoles s’affaissent et elle facilite le gonflement des poumons (voir le chapitre 1). cmH2O Toujours réglée dès qu’une personne est branchée à un respirateur, que ce soit en mode contrôlé ou spontané. Elle est cruciale pour tenter de maintenir un processus physiologique normal.
Fraction inspirée d’oxygène (FiO2) Pourcentage d’oxygène requis pour combler les besoins en oxygène du patient. L’air est normalement composé à 21 % d’oxygène, donc il faut programmer une FiO2 de 0,21 au strict minimum. Le taux d’oxygène maximal pouvant être acheminé au patient est de 100 % (oxygène pur); il est donc impossible de régler une FiO2 supérieure à 1,00. une décimale entre 0,21 et 1,00 Toujours réglée dès qu’une personne est branchée à un respirateur, que ce soit en mode contrôlé ou spontané.

Vous n’avez pas à programmer ces réglages dans chaque cas. Différents réglages sont nécessaires en fonction du mode ventilatoire. Le diagramme de Venn ci-dessous résume quels réglages correspondent à quel mode :

Réglages d’un respirateur répartis par mode dans un diagramme de Venn.

Attribution des éléments visuels

  • Ventilator Settings Organized by Mode, de Melody Bishop

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Conclusion

Vous connaissez maintenant les modes ventilatoires et les réglages de base. Ne vous en faites pas si certains de ces concepts ne vous paraissent pas tout à fait clairs. Vous en apprendrez beaucoup plus dans les prochains chapitres, qui explorent chacun de ces réglages en profondeur.

Passez en revue les éléments importants du chapitre :

  • La façon dont une respiration est générée dépend du type de mode ventilatoire. Les modes ventilatoires se divisent principalement en deux catégories : les modes contrôlés et le mode spontané.
  • Les modes contrôlés sont entièrement paramétrés par le professionnel de la santé, qui détermine la fréquence et le volume des respirations acheminées au patient. Toutes les respirations sont complètement identiques.
  • Le mode spontané est contrôlé par le patient, mais le respirateur fournit une certaine aide (déterminée par le prestataire de soins).
  • Certains réglages du respirateur sont associés à des modes ventilatoires précis.
  • Deux de ces réglages doivent toujours être paramétrés, peu importe le mode ventilatoire utilisé : la FiO2 et la PEP.

Si vous souhaitez revisiter ces concepts en format vidéo, regardez la vidéo d’ICU Advantage « Basic Vent Modes MADE EASY – Ventilator Settings Reviewed » (Les modes ventilatoires de base EXPLIQUÉS : une revue des réglages d’un respirateur).

 

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Pour obtenir la transcription de la vidéo, cliquez sur « Regarder sur YouTube » pour accéder à la source. Vous pourrez accéder à la transcription sur YouTube.

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Test du chapitre 3

Questionnaire du chapitre 3

Voyez à quel point vous avez réussi à assimiler la matière abordée dans ce chapitre en répondant à un court questionnaire. N’oubliez pas de consulter votre résultat!

 

Un élément interactif H5P a été exclu de cette version du texte. Vous pouvez le consulter en ligne ici :
https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=81#h5p-9

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IV

Chapitre 4 | Modes contrôlés

Vue d’ensemble

Le chapitre 2 présente les principes fondamentaux de la ventilation mécanique, les principales catégories de modes contrôlés et spontanés de la ventilation et les différences entre les deux. Voici le moment de miser sur les acquis et de se concentrer sur les particularités des modes ventilatoires contrôlés et sur les différences entre pression contrôlée et volume contrôlé.

Le présent chapitre aborde les sujets suivants :

  • vue d’ensemble du volume contrôlé et de la pression contrôlée
  • la relation entre volume, pression et temps
  • l’incidence de la compliance et de la résistance des poumons sur l’acheminement de l’air dans les poumons

Application

Afin d’utiliser les modes contrôlés de ventilation dans la pratique, il est important de comprendre la signification du paramètre d’un respirateur en fonction de la pression et du volume. Si vous comprenez d’autres facteurs comme le temps, le débit et la compliance pulmonaire, vous êtes mieux outillé pour utiliser efficacement les modes contrôlés selon l’état de santé du patient.

Objectifs d’apprentissage

Voici ce que vous pourrez faire à la fin de ce chapitre :

  1. Expliquer la relation entre pression et volume.
  2. Différencier les paramètres de réglage du volume contrôlé et de la pression contrôlée.
  3. Expliquer l’incidence de la modification des paramètres dans les modes contrôlés.
  4. Décrire l’incidence des changements pulmonaires sur les volumes et les pressions dans les poumons.

Terminologie

Les principaux termes suivants figurent dans le chapitre et seront utilisés dans tout le manuel. Il est donc important de prendre le temps de bien les assimiler et de se les remémorer souvent.

  • temps inspiratoire (Ti)
  • débit
  • ratio I:E
  • piégeage gazeux (ou auto-PEP)
  • compliance pulmonaire
  • résistance pulmonaire
  • synchronisme

Ces termes apparaissent en gras lorsqu’ils sont utilisés pour la première fois dans le chapitre. Pour en savoir plus sur ces termes, vous pouvez les chercher dans le Grand dictionnaire terminologique.

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Utilisation des modes ventilatoires contrôlés

La ventilation mécanique est indiquée lorsque le patient n’absorbe pas assez d’oxygène ou que la ventilation est inadéquate. Les indications comprennent entre autres : une insuffisance hypoxique, une hypercapnie (ou insuffisance respiratoire) et une commande respiratoire inefficace (voir le chapitre 2). En cas de maladie grave et en présence des indications de ventilation, l’organisme ne parvient pas à équilibrer efficacement les besoins d’oxygénation ou d’évacuation du CO2 sans intervention. S’ensuivent donc une intubation et une ventilation pour corriger le déséquilibre. Un mode ventilatoire contrôlé s’impose alors, car il faut prendre entièrement en charge le volume et la fréquence de la respiration, l’organisme n’étant pas en mesure d’y remédier par lui-même.

Notions à retenir

En cas d’intubation en raison de problèmes tels que l’hypoxie, l’hypercapnie ou une perte de commande respiratoire, la respiration doit être prise en charge et un mode contrôlé est utilisé pour résoudre le problème en question.

Il existe deux catégories de modes contrôlés. L’une est caractérisée par le volume d’air acheminé et l’autre par la pression appliquée aux poumons (voir le chapitre 3). Le présent chapitre porte sur l’aspect « mode contrôlé » de « l’organigramme » de la ventilation.

Organigramme de la ventilation dont la portion « Mode contrôlé » est encadrée.

Dans une situation où le besoin de contrôler la ventilation d’un patient est justifié, un dilemme se pose : pression contrôlée ou volume contrôlé? Quelle est la meilleure solution?

Les deux modes renvoient exactement à la même réalité : de l’air est poussé dans les poumons (chapitre 2). Concrètement, une fois que l’on comprend le principe des deux modes, on peut assurer en gros la même ventilation en pression ou en volume en ajustant tous les paramètres du respirateur. Quoique décrits différemment, ils sont les deux faces d’une même pièce. Pression ou volume, les deux modes contrôlés équivalent simplement à pousser une certaine quantité d’air à une valeur programmée.

Le présent chapitre présente les deux types de modes contrôlés, les différences et les similitudes. Bien qu’il soit impossible d’enseigner toutes les particularités des différences de paramètres, à la fin du manuel, vous devriez être en mesure de régler sans difficulté le volume contrôlé ou la pression contrôlée pour mettre en place les principales stratégies de ventilation d’un patient.

Notions à retenir

Les acronymes suivants sont couramment utilisés par les prestataires de soins lorsqu’il est question de volume contrôlé :

  • A/C = assisté-contrôlé (utilisé pour parler du mode contrôlé en général)
  • PC ou VPC = pression contrôlée ou ventilation en pression contrôlée
  • VC ou VVC = volume contrôlé ou ventilation en volume contrôlé

On croirait nager dans une « soupe alphabet », mais pas d’appréhension. Il suffit d’interpréter les abréviations par mode contrôlé, pression contrôlée ou volume contrôlé pour améliorer la compréhension. Au fil du temps, vous connaîtrez ces acronymes et les utiliserez vous-même.

Attribution des éléments visuels

  • Family_tree_control, de Melody Bishop

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Relation entre la pression et le volume

La pression contrôlée et le volume contrôlé renvoient quasiment au même concept expliqué de différentes manières : de l’air est poussé dans les poumons. Examinons le concept plus en détail pour en expliquer le pourquoi.

Lorsque l’air est acheminé mécaniquement dans les poumons par une respiration à pression positive, deux réactions s’y produisent simultanément :

  • Le volume d’air à l’intérieur des poumons augmente.
  • La pression à l’intérieur des poumons augmente.

Les deux phénomènes surviennent dans le cas d’une respiration à pression positive, car on est en présence d’un système fermé, le patient étant branché au respirateur par un tube endotrachéal. Sans voie de sortie, l’air ne peut que gonfler les poumons. Dans un système scellé, le volume et la pression vont de pair et ont une relation directe et linéaire. Si l’un augmente, l’autre augmente également.

Pour présenter le concept, nous considérerons les poumons comme un environnement immuable. Bien sûr, les poumons peuvent être endommagés (en raison d’une maladie ou d’autres facteurs), ce qui peut nuire à leur capacité de se gonfler, mais parlons d’un problème à court terme dans lequel les poumons eux-mêmes ne sont pas affectés. Dans l’exemple pratique suivant, examinons l’interrelation entre les réglages du respirateur si l’on gonfle les poumons en question.

Exemple pratique

L’analogie entre les poumons et les ballons permet de bien comprendre le concept. Par exemple, deux ballons identiques sont côte à côte. Si l’on souffle pendant une seconde à faible pression dans le ballon 1, puis pendant une seconde à forte pression dans le ballon 2, quel ballon aura, selon vous, un plus grand volume? On constate donc sans grande difficulté que si l’on souffle plus fort, il y aura plus d’air (ou un plus grand volume) dans le ballon 2.

Jeune fille souriante tenant deux ballons.

Photo de Kampus Production, tirée de Pexels

Adoptons un autre angle d’approche, toujours en utilisant nos deux ballons identiques. Si vous avez le même temps pour gonfler les deux ballons, mais que vous voulez gonfler le ballon 2 jusqu’à la moitié de la taille du ballon 1, lequel devez-vous gonfler avec une plus forte pression pour obtenir le volume souhaité dans le temps fixé? Si le ballon 2 ne doit être gonflé qu’à moitié, en soufflant pendant la même durée, vous soufflerez beaucoup moins fort (moins de pression).

Notions à retenir

Lorsque le volume augmente, si toutes les autres variables sont identiques, la pression augmente également (en gonflant les mêmes poumons). À l’inverse, lorsque le volume diminue, si toutes les autres variables sont identiques, la pression diminue également.

La corrélation entre volume et pression est un principe très important à comprendre lorsqu’il est question de ventilation, car il faut toujours surveiller le paramètre opposé (le volume ou la pression) qui a une incidence sur les poumons, lorsque l’un ou l’autre n’est pas programmé. La variable opposée (pression ou volume) sera affectée par le volume ou la pression choisis. C’est-à-dire qu’en mode volume contrôlé, vous ne réglez pas directement la pression. Au contraire, vous déterminez le volume et la pression changera en conséquence. En pression contrôlée, vous ne réglez pas le volume, qui changera en conséquence, selon la pression déterminée. Rappelez-vous qu’une pression ou un volume élevés peuvent endommager les poumons. Il est donc essentiel de surveiller les paramètres opposés pour qu’ils ne soient pas trop élevés afin d’exercer des pratiques de ventilation sûres.

Application des apprentissages

Mettez vos connaissances à l’épreuve en répondant aux deux questions :

    1. Si vous voulez gonfler les poumons en 1 seconde, dans un premier temps à un volume de 300 ml et dans un second à 500 ml, dans lequel des deux cas la pression sera-t-elle la plus forte?
    2. Si vous gonflez les poumons pendant 0,8 seconde en utilisant une pression de 15 cmH2O, puis vous la diminuez à 10 cmH2O également pendant 0,8 seconde, quelle est la conséquence sur le volume d’air dans les poumons?

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Variable temporelle

Le volume et la pression ont une relation linéaire et directe si toutes les autres variables sont identiques, c’est-à-dire si la vitesse et la durée d’acheminement de l’air sont identiques et si les poumons (ballons) sont pareils.  À présent, qu’en est-il des « autres variables », soit le temps et la vitesse de l’air?

Toute ventilation contrôlée comporte un élément de « temps » qui est programmé et qui se rapporte à la vitesse d’acheminement de l’air. En termes simples, la ventilation mécanique est l’application d’une pression positive d’air pendant un certain temps à un système fermé. L’aspect temporel peut être exprimé de différentes manières; nous parlerons de temps inspiratoire et de débit.

Temps inspiratoire

La façon la plus directe de manipuler la durée d’acheminement de l’air dans les poumons est de fixer un temps inspiratoire (Ti). Le Ti est le plus souvent utilisé dans la ventilation en pression contrôlée, mais comme il est plus intuitif que d’autres paramètres « temporels », il est aussi couramment utilisé en volume contrôlé. Techniquement, vous êtes en mesure de comprendre que si la pression de l’air est appliquée à un système fermé pendant un temps plus long (Ti plus long), le volume sera plus élevé.

Exemple pratique

Deux ballons qui flottent dans le ciel.

Image de karosieben, tirée de Pixabay

Repensez aux ballons. Si vous soufflez dans deux ballons différents avec la même force (pression), mais pendant 1 seconde dans le ballon 1 et pendant 3 secondes dans le ballon 2, ce dernier sera plus gonflé.
Inversement, si vous souhaitez atteindre un volume précis, mais qu’il faut 1 seconde au ballon 1 pour l’atteindre et 3 secondes au ballon 2, lequel nécessite une pression plus élevée pour atteindre le volume déterminé? Il faut souffler plus fort dans le ballon 1 afin de pousser l’air plus rapidement pour atteindre le volume souhaité dans un plus court laps de temps.

Ainsi, le Ti influence directement de nombreux facteurs de la ventilation comme le volume d’air acheminé ou les pressions maximales subies par les poumons. Dans le cas présent, le prestataire de soins ne fixe pas de débit d’air. Le respirateur peut modifier le débit pour atteindre la pression et le temps inspiratoire déterminés.

Exemple pratique

À nouveau, deux ballons identiques sont utilisés pour représenter deux copies d’un même poumon. Le ballon 2 est deux fois plus gros (deux fois plus de volume) que le ballon 1. Admettons qu’on ne veut pas souffler trop fort (pression élevée) de peur d’endommager le ballon. Qu’arrive-t-il si à la place, on utilise la même force que celle utilisée pour gonfler le ballon 1, mais en soufflant plus longtemps? On pourrait gonfler le ballon 2 pour obtenir un volume deux fois plus important en soufflant plus longtemps (Ti plus long) à la même pression.

En modifiant la durée d’acheminement de l’air dans les poumons, on peut influencer directement le volume sans changer la pression. Il faut garder en mémoire que le volume fourni est simplement de l’air pulsé dans les poumons pendant une durée déterminée, qu’il soit question de pression contrôlée ou de volume contrôlé.

Le confort du patient doit également être pris en compte lors du réglage du temps inspiratoire. Si un patient a une respiration spontanée, il faut faire correspondre le temps inspiratoire spontané en observant l’élévation du thorax et les efforts respiratoires.

Débit

Certains modes ventilatoires n’utilisent pas la variable Ti. Le temps inspiratoire dépend plutôt des débits maximaux qui sont utilisés pour acheminer les respirations. Le phénomène est le plus souvent observé avec la ventilation en volume contrôlé. Le prestataire de soins règle le débit maximal d’air que le respirateur achemine lorsqu’il fournit le volume programmé. Quel est donc le lien entre cette explication et le temps nécessaire à l’inspiration? Pour revenir à l’analogie du ballon, si un volume de 100 ml est l’objectif global, le ballon 1 a un débit maximal de 60 L/min, tandis que celui du ballon 2 est de 30 L/min. Il est évident que le ballon qui est gonflé plus rapidement atteindra le volume cible en moins de temps et à une pression plus faible. Dans ce cas de figure, le prestataire de soins ne fixera pas de Ti sur le respirateur, car il dépend des paramètres définis pour le volume et le débit d’air.

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Ratio I:E

Quel que soit le paramètre du respirateur utilisé pour régler la durée, il est important que la ventilation comprenne un temps suffisant pour l’expiration. Les ratios inspiration/expiration (I:E) normaux chez les patients respirant spontanément sont généralement compris entre 1:3 et 1:5. Autrement dit, le ratio du temps d’expiration est 3 à 5 fois plus élevé que le ratio du temps d’inspiration.

Pensez au temps nécessaire pour inspirer et expirer. En fait, prêtez attention à votre respiration en ce moment. Essayez de chronométrer la durée moyenne de l’inspiration. Ensuite, chronométrez la durée moyenne de l’expiration. Vous constaterez que votre respiration naturelle cadre avec un ratio I:E de 1:3 à 1:5.

Pourquoi l’expiration requiert-elle plus de temps que l’inspiration? Si le temps d’expiration était considérablement raccourci au point où une personne prendrait presque le même temps, voire plus, pour inspirer plutôt qu’expirer, elle risquerait de manquer de temps pour expirer complètement. Elle augmenterait ainsi la quantité d’air restant dans ses poumons avant la prochaine inspiration.

Le ratio I:E est d’une importance cruciale dans la ventilation mécanique, car l’inspiration est un processus actif du respirateur qui pousse l’air dans les poumons, tandis que l’expiration est passive, avec le recul élastique normal des poumons qui fait sortir l’air. Si le temps d’expiration reste trop court pour expirer complètement, une petite quantité d’air est continuellement ajoutée à la réserve initiale dans les poumons avant d’inspirer à nouveau. Les poumons deviennent donc trop gonflés pour absorber cet apport sans atteindre un volume et une pression dangereusement élevés dans les alvéoles.

Un thérapeute respiratoire au chevet d’une personne ventilée se prépare à utiliser son stéthoscope.

Les thérapeutes respiratoires travaillent soigneusement pour mettre au point des réglages du respirateur qui répondent efficacement aux besoins du patient.

Le ratio I:E peut être directement modifié par le prestataire de soins dans les modes ventilatoires contrôlés par l’entremise des paramètres de durée, de débit ou de fréquence respiratoire. Examinons de plus près…

Élément temporel du Ti (ou débit)

Si un Ti plus court ou un débit plus élevé sont programmés, la phase inspiratoire sera plus courte pour gonfler les poumons à la valeur réglée. Par exemple, si l’on programme le Ti à 0,8 seconde au lieu de 1,2 seconde, quelle sera l’incidence sur le ratio I:E? (Avant de consulter la réponse, noter que la mise en situation suppose que la fréquence respiratoire [FR] est maintenue à 15 resp./min; par conséquent, chaque phase inspiration/expiration dure 4 secondes.)

  • Si le Ti est de 0,8 seconde, le Te est de 3,2 secondes. Par conséquent, le ratio I:E est de 1:4.
  • Si le Ti est de 1,2 seconde, le Te est de 2,8 secondes. Par conséquent, le ratio I:E est de 1:2,3.

Donc, un Ti plus long raccourcit le ratio I:E, ce qui laisse moins de temps pour expirer.

Fréquence respiratoire

Lorsque la fréquence respiratoire augmente, le ratio I:E diminue; plus de respirations par minute signifient qu’une plus grande partie du rapport temporel est consacrée à la phase inspiratoire. Voici une autre comparaison : une FR de 10 resp./min par rapport à une FR de 20 resp./min. (Le Ti est fixé à 1,0 seconde dans les deux cas.)

  • Une FR de 10 resp./min équivalant à 6 secondes par phase d’inspiration et d’expiration, jumelée à un Ti de 1,0 seconde, donnera un Te de 5 secondes. Par conséquent, le ratio I:E est de 1:5.
  • Une FR de 20 resp./min équivalant à 3 secondes par phase d’inspiration et d’expiration, jumelée à un Ti de 1,0 seconde, donnera un Te de 2 secondes. Par conséquent, le ratio I:E est de 1:2.

Une FR plus élevée entraîne donc une diminution du ratio I:E, ce qui écourte le temps d’expiration.

Pour que le temps d’expiration soit suffisant, le ratio I:E ne doit jamais s’inverser. L’inversion du ratio I:E signifie que l’inspiration dure plus longtemps que l’expiration et une telle situation peut donc provoquer un piégeage gazeux. Ce terme désigne la faible quantité d’air en surplus restant dans les poumons à chaque respiration, les poumons n’ayant pas le temps d’expirer complètement. Ce volume d’air restant dépasse le volume d’air habituellement laissé dans les poumons par la PEP, et risque de gonfler encore davantage les poumons, allant jusqu’à causer un gonflement excessif et des dommages pulmonaires. Le terme piégeage gazeux est parfois appelé auto-PEP.

Les stratégies de ventilation conventionnelles visent des ratios I:E d’environ 1:2, l’expiration étant deux fois plus longue que l’inspiration. Un ratio I:E plus élevé peut être bénéfique en cas de maladies sujettes à l’affaissement des voies respiratoires, comme chez certains patients atteints de MPOC ou d’asthme, où les voies respiratoires peuvent restreindre le débit d’air sortant, ce qui nécessite plus de temps pour que les poumons se dégonflent d’eux-mêmes. Lorsque la ventilation des patients s’avère plus complexe, le ratio I:E est ramené à un rapport de 1:1, avec une étroite surveillance pour éviter tout piégeage gazeux.

Un ratio I:E plus court peut être surveillé par des prestataires de soins qualifiés en observant les formes d’ondes du respirateur. Cette compétence dépasse le cadre du cours, mais connaître les principaux concepts pour maintenir un Te plus long que le Ti et un ratio I:E de 1:2 permettra d’éviter le piégeage gazeux et de ventiler efficacement la grande majorité des patients. Dans les rares cas où un ratio I:E de 1:1 est nécessaire, parlez-en au médecin ou au thérapeute respiratoire, et reportez-vous à toute instruction reçue. Surveillez attentivement votre patient pour déceler tout signe de malaise ou d’instabilité hémodynamique.

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Consolidation des apprentissages : volume, pression et temps

Imaginez que vous faites de la randonnée en montagne. Votre parcours à travers une chaîne montagneuse se veut une analogie dans laquelle chaque montagne représente une respiration acheminée par un respirateur.

Une personne au sommet d’une montagne admirant le coucher du soleil.

Le cycle de respiration ventilée d’un patient peut être comparé à la traversée d’une chaîne de montagnes.

La montée et la descente représentent respectivement l’inspiration et l’expiration. Donc, vous commencez votre ascension au pied de la montagne. Vous êtes au-dessus du niveau de la mer à une certaine altitude avant même de commencer l’escalade. Ce point de référence représente la PEP; les poumons ne sont jamais vides, même avant une respiration.

Le sommet atteint représente les pressions maximales supportées par les poumons. La différence de hauteur parcourue depuis le départ représente la pression contrôlée (ou pression inspiratoire). Le temps requis pour atteindre le sommet représente le temps inspiratoire. La taille totale de la montagne, si l’on pulvérise les roches et qu’on en mesure le poids, représente le volume d’air. La vitesse de votre ascension représente le débit.

Portez une attention à la représentation visuelle suivante de l’analogie :

Représentation visuelle de l’analogie de la montagne du chapitre 4.

Approfondissez votre compréhension de l’analogie en poussant votre réflexion. Prenez connaissance des deux points suivants :

  • Les hauteurs maximales représentent un facteur composé de l’altitude à laquelle vous commencez et de la hauteur des sommets que vous atteignez (PEP + pression contrôlée). Si vous commencez à une altitude plus basse (PEP de 5) et gravissez une montagne escarpée (pression contrôlée [PC] de 10), vous pourrez atteindre la même hauteur maximale (pression maximale) que si vous commencez à une altitude plus élevée (PEP de 8) et que vous escaladez une plus petite montagne (PC de 7).
  • La taille de la montagne, si l’on considère la quantité de roches (volume), peut être plus importante si vous grimpez plus longtemps, sans atteindre une altitude aussi élevée : une montagne haute et étroite (pression élevée et temps inspiratoire court) peut avoir une masse rocheuse moins importante qu’un pic large et peu élevé (pression modérée et temps inspiratoire long).

Examinons maintenant quelques applications à la ventilation en utilisant la même analogie.

  • Volume contrôlé (VC) : Si vous voulez escalader une plus grande montagne dans le même laps de temps, vous devez marcher plus vite. De même, en volume contrôlé, plus le volume est important, plus le débit est élevé.
  • Pression contrôlée (PC) : Si vous atteignez un sommet plus élevé, la montagne est donc plus grande. En pression contrôlée, lorsqu’une pression plus élevée est appliquée, le volume est plus important.
  • Temps inspiratoire (Ti) : Si vous grimpez plus longtemps à la même vitesse, mais atteignez la même altitude, vous escaladez donc une montagne plus large, qui demeure plus volumineuse. Lorsque le Ti est rallongé, au même débit et à la même pression maximale, vous aurez un volume plus élevé qu’auparavant.

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Ventilation en volume contrôlé

Les deux branches de la ventilation contrôlée ont été abordées : pression et volume. À présent, penchons-nous davantage sur les deux types de modes contrôlés. La ventilation en volume contrôlé (VAC, VVC, VC-CMV) est généralement un mode plus simple à comprendre pour les prestataires de soins qui s’initient au domaine de la ventilation mécanique. Ils ont la responsabilité de déterminer l’amplitude (volume courant) d’une respiration et la fréquence d’acheminement. Le volume d’air acheminé est exactement le même à chaque respiration; il est constant et ne varie pas. Le respirateur fournit la pression nécessaire pour atteindre le volume courant dans le temps imparti pour chaque respiration.

En mode volume contrôlé, le temps programmé est généralement contrôlé par un débit, mais certains respirateurs permettent de régler un temps inspiratoire. Dans le manuel, nous utiliserons le débit comme principale variable temporelle pour le volume contrôlé, car il est le plus utilisé pour la plupart des modes dans différents respirateurs.

Le prestataire de soins programme sur le respirateur la quantité d’air à pousser dans les poumons et la fréquence du gonflement pulmonaire par minute.  Le débit maximal de l’air acheminé est également déterminé et il s’agit de la « vitesse » de l’air pulsé dans les poumons. Le temps inspiratoire varie en fonction du débit maximal réglé sur le respirateur. Plus il est élevé, plus le temps inspiratoire est court pour acheminer le volume attendu.

La pression, quant à elle, n’est pas réglée en volume contrôlé, en particulier la pression maximale et la pression de distension (pression contrôlée ou pression inspiratoire). Il convient de rappeler que les respirateurs appliquent une pression positive aux alvéoles pulmonaires fragiles. À défaut d’une approche prudente, les alvéoles agissent comme n’importe quel ballon. Des ballons trop gonflés éclatent. Donc, des alvéoles trop gonflés deviennent trop distendus et peuvent subir des dommages irréparables.

La PEP et la pression ne sont pas équivalentes. La PEP permet de protéger les poumons contre un affaissement. Elle ne fait aucunement référence à la pression de distension subie par les alvéoles.

Alors, comment limiter la pression subie par les poumons lorsque l’on est en mode « volume »? Étant donné qu’il est impossible de l’ajuster directement, il faut régler le volume. La pression est surveillée par une relation directe reposant sur le volume et le débit programmés. Il faut donc surveiller la pression nécessaire au respirateur pour gonfler les poumons au volume souhaité et selon la durée fixée. Si la pression observée dans les poumons est trop élevée, il faut peut-être diminuer le volume ciblé ou ralentir le débit (augmenter le temps inspiratoire) afin de réduire la pression appliquée sur les poumons.

Notions à retenir

  • La pression et le volume ont une relation linéaire. Si le volume acheminé aux poumons diminue, la pression diminue également.
  • Prendre plus de temps pour gonfler les poumons permet de « souffler plus doucement » ou de réduire la pression tout en obtenant le même volume. Ralentir le débit ou augmenter le temps inspiratoire est pertinent à cet égard.

Résumé des paramètres de base

En mode A/C en volume contrôlé, on peut programmer directement :
  • la fréquence respiratoire (FR)
  • le volume courant (Vc)
  • le débit maximal (V) ou le temps inspiratoire (Ti)
  • la PEP (obligatoire pour tous les respirateurs et modes)
  • la FiO2 (obligatoire pour tous les respirateurs et modes)
En mode A/C en volume contrôlé, on peut surveiller, mais sans régler directement :
  • la pression contrôlée (PC)
  • la pression inspiratoire maximale (Pinsp max)
  • Si le respirateur permet de programmer le débit, le temps inspiratoire (Ti) n’est alors pas réglé. Dans ce cas, il faut observer le Ti.

Résistance et compliance pulmonaires

Nous avons maintenant passé en revue et clarifié la relation entre le volume et la pression. Nous avons également précisé qu’en mode volume contrôlé, le volume atteint est toujours acheminé par le respirateur avec la pression nécessaire. Le volume est constant, sauf si l’on décide de le modifier selon l’évolution de l’état du patient. Mais que se passe-t-il en cas de changements observés dans les poumons? Nous savons que plusieurs troubles et maladies peuvent altérer les poumons en provoquant une rigidité (moins de compliance) ou une diminution de la capacité de l’air à circuler dans les voies respiratoires (augmentation de la résistance).

Examinons de plus près la compliance et la résistance pulmonaires et leur incidence sur la ventilation en volume contrôlé.

La compliance pulmonaire est une mesure de la capacité de dilatation et d’étirement des poumons. Des poumons ayant une grande compliance s’étirent beaucoup plus facilement. Dans le cas contraire, il est plus difficile de les gonfler et il faudra appliquer une pression plus élevée pour remédier à la rigidité. Comparez l’action de gonfler un ballon et un pneu. Les deux se gonflent et se dilatent, mais un pneu est beaucoup plus rigide et moins souple qu’un ballon. Alors l’air doit être acheminé au moyen d’une forte pression, par exemple à l’aide d’un compresseur d’air. De la même manière, tout problème pulmonaire qui affecte la capacité d’étirement des poumons provoque une diminution de la compliance. Une pression plus élevée est alors nécessaire pour gonfler les poumons.

La résistance pulmonaire renvoie aux obstructions le long du chemin parcouru par l’air pour pénétrer dans les poumons. L’air circule dans le circuit du respirateur, puis traverse le tube endotrachéal jusque dans la trachée, les bronches, les bronchioles, puis les alvéoles. La force nécessaire pour le faire circuler dans ces tubes est appelée résistance. Que se passe-t-il lorsqu’on souffle à travers une paille par rapport à un rouleau d’essuie-tout? Il faut souffler plus fort pour faire passer l’air dans la paille, car elle est plus étroite. Plus le tube est étroit, plus la résistance au mouvement de l’air est élevée. Tout rétrécissement des voies respiratoires entraîne une résistance au débit de l’air, qui ne peut pas pénétrer dans les poumons aussi facilement. Une bonne analogie de la résistance pulmonaire est la fermeture d’une voie sur une autoroute. Les voitures circulent au compte-gouttes et le trafic ralentit. La résistance pulmonaire diminue la quantité d’air qui entre dans les poumons à chaque respiration et il faut donc appliquer une pression plus élevée.

Comme de fait, la compliance et la résistance pulmonaires ont une incidence sur la pression requise pour acheminer le volume d’air déterminé jusqu’aux poumons en mode volume contrôlé.

Exemple pratique

Imaginez que vous gonflez deux ballons très différents avec exactement le même volume d’air pendant la même durée. Le ballon 1 est un ballon d’anniversaire ordinaire qui a déjà été gonflé de nombreuses fois, tandis que le ballon 2 est un ballon long et mince qui n’a jamais été gonflé. Il est clair que le ballon 2, plus rigide et plus long, sera plus difficile à gonfler et qu’il faut une pression plus élevée pour atteindre le volume désiré. De plus, le ballon 1 est moins contracté et se gonfle plus facilement.

Il en est de même pour la ventilation des poumons. Si l’on administre un volume d’air égal au même débit à des poumons normaux ou « en santé » et à des poumons endommagés ou « rigides », les pressions nécessaires pour gonfler ces poumons seront différentes. Des poumons plus rigides requièrent une pression plus élevée pour obtenir le même volume.

Nous nous sommes attardés à mettre en lumière la relation entre la pression et le volume, en particulier la façon dont la pression augmente avec le volume. La corrélation est observable lorsque les paramètres sont modifiés. En revanche, les changements observés en raison de la compliance et de la résistance se produisent sans qu’aucune modification ne soit apportée aux réglages du respirateur. Ils surviennent plutôt d’une respiration à l’autre au fil du temps, au fur et à mesure que l’état des poumons évolue. Par exemple, si une personne souffre d’asthme, la résistance des poumons augmente lorsque les voies respiratoires se contractent, ou se resserrent, pendant une crise. L’air ne pénètre alors pas aussi facilement dans les poumons.

Il est bien de rappeler qu’en mode volume contrôlé, le respirateur ajuste la pression nécessaire pour atteindre le volume souhaité. Dans la ventilation en volume contrôlé, lorsque la résistance augmente ou que la compliance diminue, la pression maximale augmente pour résister aux changements dans les poumons et parvenir à acheminer le volume d’air défini. Dans cette optique, lors d’une ventilation en volume contrôlé, la pression requise par le respirateur pour acheminer le volume d’air programmé peut être indicative de l’état des poumons. D’une certaine manière, surveiller une pression au fil du temps peut permettre de déceler un autre signe vital à surveiller et peut parfois vous donner de l’information précise sur l’amélioration ou l’aggravation de l’état des poumons. Les données peuvent aider à orienter les soins ou à opter pour un traitement médical, selon le type de maladie pulmonaire, afin d’améliorer la compliance et la résistance.

En conclusion, en mode volume contrôlé, le volume acheminé est constant, mais la pression maximale (pression la plus élevée supportée par les alvéoles au cours d’une respiration) varie pour atteindre le volume défini dans les deux situations suivantes :

  1. la modification des paramètres réglés (volume, débit ou temps)
  2. les changements d’une respiration à l’autre en fonction de la compliance et de la résistance des poumons

Le prestataire de soins doit tenir compte de l’incidence sur la pression maximale au moment de modifier les réglages, et le problème pulmonaire doit être pris en considération si des changements de pression sont observés alors qu’aucun ajustement des paramètres n’a été effectué. La pression maximale ne doit pas être trop élevée, car elle risque d’endommager les alvéoles pulmonaires. Idéalement, la pression doit être inférieure à 30 cmH2O et ne pas dépasser 35 cmH2O, afin de ne pas endommager les alvéoles. Le chapitre 5 couvre ce concept, lorsqu’il sera question des réglages en mode volume contrôlé.

Notions à retenir

Aussitôt qu’un patient est branché à un respirateur, il faut obligatoirement régler la FiO2 et la PEP. En mode A/C en volume contrôlé, il faut déterminer la fréquence respiratoire du patient en plus de ces deux réglages, afin de contrôler le déclenchement des respirations. Par conséquent, il faut programmer la FR. En mode A/C en volume contrôlé, il faut ajuster le volume d’air acheminé à chaque respiration. Le volume ne varie pas, à moins qu’il ne soit modifié par un prestataire de soins. La pression n’est pas programmée : elle est le résultat du volume, du débit ou temps de la respiration et de l’état des poumons ventilés. La pression maximale ciblée doit être inférieure à 30 cmH2O et ne pas dépasser 35 cmH2O.

Dans certains hôpitaux, il existe des préférences concernant l’utilisation des respirateurs, selon des politiques et des procédures. Veuillez consulter les politiques propres à l’hôpital pour connaître les modes privilégiés.

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Ventilation en pression contrôlée

À présent que la ventilation en volume contrôlé a été approfondie, penchons-nous sur le mode en pression contrôlée. Tous les principes appris jusqu’à maintenant sont toujours pertinents. Voici la principale différence entre les deux types de ventilation contrôlée : le mode en volume contrôlé permet de régler le volume, alors que le mode en pression contrôlée ne permet pas de régler directement le volume, mais plutôt la pression.

La ventilation en pression contrôlée (VPC, PCAC, PC-CMV) est un mode entièrement contrôlé : le respirateur contrôle toutes les étapes de la respiration en fonction des paramètres définis. L’expiration demeure toutefois passive. Le prestataire de soins détermine la fréquence minimale des respirations ainsi que la pression positive appliquée (pression contrôlée) aux poumons pour qu’ils se gonflent en conséquence. La pression est constante et ne varie pas d’une respiration à l’autre, à moins qu’elle ne soit modifiée.

Application des apprentissages

Donc, si la pression est constante, que se passe-t-il en cas de variation? C’est là que la relation entre pression, volume et temps entre en jeu. Si l’on augmente la pression appliquée à un ballon, comment le gonflement change-t-il? (Bien joué si vous avez compris que le volume augmente! )

Le volume variera en fonction des modifications apportées à la pression contrôlée. Plus la pression est élevée, plus le volume est important.  Cela dit, tout comme en mode volume contrôlé où la pression peut varier d’une respiration à l’autre selon l’état des poumons, le même phénomène se produit en pression contrôlée où le volume varie d’une respiration à l’autre en fonction de la compliance et de la résistance pulmonaires. Si la compliance s’accentue, une même pression contrôlée permettra d’obtenir un volume plus important. À l’inverse, si la résistance augmente, le volume de l’air contenu dans les poumons diminue.

Vous vous rappelez l’analogie du ballon et du pneu? Si aucun ajustement de la pression n’est effectué, lequel des deux se gonfle davantage à une pression identique?

Revenons à l’analogie comparant la fermeture de voies de circulation sur une autoroute et la résistance des voies respiratoires. Comment la réouverture d’une voie (diminution de la résistance) affecterait-elle la circulation routière?

Avec la même pression, le ballon se gonfle plus rapidement et plus facilement qu’un pneu, ce qui se traduit par un plus grand volume. Il en est de même pour les poumons. En présence des mêmes paramètres de pression contrôlée, les tissus pulmonaires plus rigides présentant une mauvaise compliance et une résistance accrue accueilleront un volume d’air plus petit que des poumons en santé présentant une compliance et une résistance normales.

Deux pneus prêts à l’usage sur un circuit automobile.

Tout comme les pneus doivent être gonflés avec un compresseur d’air à cause de leur grande résistance, les tissus pulmonaires peuvent être plus rigides chez les personnes souffrant de certaines maladies.

Appliquons le concept à une personne asthmatique. En cas de crise aiguë d’asthme, les voies respiratoires opposent une résistance accrue à l’entrée de l’air. Toute pression exercée à l’intérieur se traduit par une diminution du volume des poumons par rapport à des poumons en santé, dont la résistance est normale. Les voies respiratoires d’une personne asthmatique réduisent le débit d’air entrant dans les poumons et résistent au gonflement. Si des bronchodilatateurs sont administrés et que les voies commencent à s’ouvrir, le volume pulmonaire augmente, car la résistance revient à la normale.

Application des apprentissages

Prenons l’exemple d’une ventilation en pression contrôlée sans modification de la pression programmée. Qu’advient-il du volume acheminé si la compliance des poumons diminue et que survient une rigidité nuisant à l’élasticité?

En mode pression contrôlée, le volume acheminé au fil du temps représente un indicateur crucial supplémentaire à surveiller afin de vérifier s’il y a amélioration ou détérioration. Le volume doit être contrôlé en permanence pour ventiler adéquatement et efficacement le patient, sans dépasser un plafond qui pourrait provoquer des dommages. La pression contrôlée (ou pression inspiratoire) doit être limitée afin d’acheminer un volume courant dans une plage de valeurs sécuritaires pour les poumons. Le chapitre 5 couvre ce concept, lorsqu’il sera question des paramètres de la pression contrôlée.

Notions à retenir

Une surdistension et des dommages aux alvéoles surviennent en cas de pression accrue, mais également lorsque le volume d’air est élevé. La pression contrôlée (ou pression inspiratoire) doit être limitée afin d’acheminer un volume courant dans une plage de valeurs sécuritaires pour les poumons.

Résumé des paramètres de base

En mode A/C en pression contrôlée, on peut programmer directement :
  • la fréquence respiratoire (FR)
  • la pression contrôlée (PC)
  • le temps inspiratoire (Ti)
  • la PEP (à configurer systématiquement sur chaque respirateur)
  • la FiO2 (à configurer systématiquement sur chaque respirateur)
En mode A/C en pression contrôlée, on peut surveiller, mais sans régler directement :
  • le volume courant (Vc)
  • le débit inspiratoire
  • la pression inspiratoire maximale (Pinsp max)
  • le ratio I:E

Le prestataire de soins détermine la fréquence des respirations par minute, la pression de travail de l’air dans les poumons ainsi que la durée d’application de la pression (Ti). En revanche, le volume précis d’air administré au patient n’est pas programmé dans la ventilation en pression contrôlée (VPC). Le volume est un produit direct de la pression de travail (PC) et du temps d’application de cette pression (Ti). Autrement dit, les paramètres de pression et de durée sont déterminés, tandis que le volume découle de la force et de la durée auxquelles le respirateur achemine l’air dans les poumons.

Le débit inspiratoire n’est pas non plus un paramètre défini. Le prestataire de soins fixe le temps inspiratoire (Ti) pendant lequel l’air est acheminé. Cela dit, la personne ventilée peut modifier le débit fourni par le respirateur, en inspirant au débit nécessaire pendant la durée prescrite par le Ti.

Cette précision est importante à retenir dans le cas de toute personne dont la commande respiratoire est intacte, mais qui présente des symptômes « d’essoufflement » (exacerbations de la MPOC, respirations de Kussmaul, respirations de Cheyne-Stoke). En cas de cycles respiratoires neurologiques anormaux, si les besoins respiratoires sont très élevés, un débit inspiratoire fixe peut entraîner un inconfort chez le patient. Ce dernier pourrait respirer à un rythme qui surpasse le débit fourni par le respirateur, ce qui entraîne un double déclenchement des respirations, un asynchronisme et des alarmes du respirateur. Un mode en pression contrôlée permettant un débit qui s’ajuste aux besoins respiratoires de la personne ventilée peut dans ce cas être légèrement plus efficace, sans que vous ayez à modifier les réglages du respirateur pour tenter de répondre aux besoins du patient.

En ventilation en pression contrôlée, la pression inspiratoire maximale (Pinsp max) n’est pas programmée, mais elle demeure constante et très contrôlable, car elle est le résultat de toutes les pressions supportées par les poumons (PEP + PC). La pression inspiratoire maximale désigne la pression la plus élevée appliquée aux alvéoles. Puisque la pression (PC) appliquée aux poumons est programmée, la pression inspiratoire maximale correspond à la somme de la PC et de la valeur de pression initiale (PEP). Pensez à l’analogie de la chaîne de montagnes. Au pied d’une montagne, vous n’êtes pas au niveau de la mer. Quelle est la hauteur du sommet? Il n’est pas seulement question de la hauteur de la montagne. L’altitude au sommet serait l’altitude totale au-dessus du niveau de la mer, c’est-à-dire l’altitude au pied de la montagne (PEP) additionnée à l’altitude de la montagne (PC). Prenons deux exemples :

  • PEP de 5 + PC de 10 = Pinsp max de 15
  • PEP de 8 + PC de 12 = Pinsp max de 20

Application des apprentissages

À vous de jouer! La PEP du respirateur est de 6 et la PC est de 15. Quelle est la Pinsp max? Quelle serait la Pinsp max si on diminue la PC à 12?

Le ratio I:E expliqué dans le chapitre précédent doit être pris en considération, afin de laisser suffisamment de temps au patient pour expirer et de réduire le risque de piégeage gazeux (auto-PEP). Le prestataire de soins règle le temps inspiratoire et la fréquence respiratoire, mais pas le ratio I:E. Le ratio I:E découle de ces réglages et demeure constant tant que la FR et le Ti ne varient pas. Si la respiration d’une personne dépasse la FR programmée, le ratio I:E changera à mesure que la FR totale augmentera avec les respirations déclenchées.

Par ailleurs, le Ti permet d’assurer que le ratio I:E ne soit pas un rapport inversé. Le temps expiratoire doit toujours être supérieur au temps inspiratoire. Au besoin, la FR ou le Ti peuvent toujours être ajustés pour garantir un délai d’expiration adéquat.

Notions à retenir

Aussitôt qu’un patient est branché à un respirateur, il faut obligatoirement régler la FiO2 et la PEP. Par conséquent, en mode A/C en pression contrôlée, le prestataire de soins doit les programmer. En mode contrôlé, il faut déterminer la fréquence respiratoire en plus de ces deux réglages, afin de contrôler le déclenchement des respirations. Par conséquent, il faut programmer la FR. En mode A/C en pression contrôlée, il faut ajuster la pression à laquelle l’air est acheminé à chaque respiration. La pression est toujours constante et ne change pas. Le volume, quant à lui, n’est pas programmé, car il découle de la pression de l’air acheminé et du fonctionnement des poumons ventilés.

Lorsque vous réfléchissez à l’interrelation entre pression et volume et à la manière dont la compliance pulmonaire les affecte, pensez toujours aux ballons. Lorsque vous réfléchissez à la manière dont un réglage modifié affecte l’autre, pensez à deux ballons identiques et au changement dans la manière dont vous y soufflez (le respirateur pulse l’air en fonction des paramètres). Lorsqu’il est question des répercussions de la compliance et de la résistance pulmonaires sur la pression ou le volume, pensez à un ballon et à un pneu. Rappelez-vous les paramètres constants (volume ou pression) en fonction du mode choisi. Par la suite, réfléchissez à la manière dont vous devez modifier les paramètres réglés pour obtenir le gonflement souhaité.

Que vous utilisiez le mode en pression contrôlée ou en volume contrôlé, il est important de surveiller en permanence le volume d’air acheminé et la pression maximale subie par les poumons. Si les deux valeurs ne sont pas contrôlées, elles peuvent provoquer une distension excessive des alvéoles et causer des lésions. Une pression élevée peut entraîner un barotraumatisme, tandis qu’un volume élevé peut causer des dommages appelés volutraumatisme.

Quand opter pour la pression contrôlée ou le volume contrôlé? Techniquement, les deux modes permettent d’obtenir des résultats similaires tant que le prestataire de soins règle avec précision les paramètres du respirateur selon les besoins du patient et les paramètres qui en découlent afin que les poumons ne soient pas exposés à une distension excessive par barotraumatisme ou volutraumatisme. Le confort du patient doit également être surveillé de près et les paramètres comme la FR, le débit et le Ti doivent être modifiés afin de répondre efficacement à ses besoins. L’approche permet d’éviter tout inconfort et assure le synchronisme du respirateur, c’est-à-dire que l’administration des respirations correspond au moment de l’effort physiologique du patient.

Dans certains hôpitaux, il existe des préférences concernant l’utilisation des respirateurs, selon des politiques et des procédures. Veuillez consulter les politiques propres à l’hôpital pour connaître les modes privilégiés.

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Conclusion

Les paramètres de volume et de pression en ventilation mécanique sont intrinsèquement liés. Peu importe le paramètre réglé, il aura une incidence sur la valeur opposée. Lorsque tous les autres paramètres sont identiques et que les poumons sont similaires, les affirmations suivantes s’appliquent :

En mode volume contrôlé

En mode pression contrôlée

La pression augmente à mesure que le volume programmé augmente. L’augmentation de la pression programmée entraîne une augmentation du volume.
Si la pression atteinte dans les poumons est trop élevée (> 30-35 cmH2O), la diminution du volume est de mise. Si le volume dans les poumons est trop élevé, une baisse de la pression est idéale.
Si un volume plus important est nécessaire, il faut l’augmenter et s’attendre à ce que la pression augmente. Si un volume plus important est nécessaire, l’augmentation de la pression favorisera l’augmentation du volume.

Le temps et le débit inspiratoires peuvent également avoir une incidence sur la pression et le volume appliqués aux poumons. Lorsque tous les autres paramètres ne varient pas, les affirmations suivantes s’appliquent :

En mode volume contrôlé (volume constant à acheminer)

En mode pression contrôlée (pression constante ou même volume cible)

Si le débit est augmenté, la durée de la respiration est plus courte. Si le temps inspiratoire est augmenté, le volume acheminé augmente.
Si le débit diminue, la durée de la respiration est plus longue. Si le temps inspiratoire diminue, le volume acheminé diminue.
Si le débit est augmenté et que le temps inspiratoire est plus court, la pression nécessaire pour atteindre le même volume est plus élevée. Si le temps inspiratoire est augmenté, la pression ciblée peut être diminuée pour atteindre le même volume.
Si le débit diminue et que le temps inspiratoire est plus long, la pression nécessaire pour atteindre le même volume est plus faible. Si le temps inspiratoire diminue, la pression programmée doit être augmentée pour atteindre le même volume.

Si les réglages du respirateur ne sont pas modifiés, mais la compliance ou la résistance des poumons change :

En mode volume contrôlé (aucun ajustement des réglages)

En mode pression contrôlée (aucun ajustement des réglages)

Si la compliance pulmonaire augmente (poumons plus extensibles), la pression programmée pour atteindre le volume diminue. Si la compliance pulmonaire augmente (poumons plus extensibles), le volume acheminé à la pression programmée augmente.
Si la compliance pulmonaire diminue (moins d’élasticité), la pression programmée pour atteindre le volume augmente. Si la compliance pulmonaire diminue (moins d’élasticité), le volume acheminé à la pression programmée augmente.
Si la résistance pulmonaire augmente, la pression utilisée pour atteindre le volume augmente. Si la résistance pulmonaire augmente, le volume acheminé à la pression programmée diminue.
Si la résistance pulmonaire diminue, la pression utilisée pour atteindre le volume diminue. Si la résistance pulmonaire diminue, le volume acheminé à la pression programmée augmente.

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Test du chapitre 4

Questionnaire du chapitre 4

Voyez à quel point vous avez réussi à assimiler la matière abordée dans le chapitre en répondant à un court questionnaire. N’oubliez pas de consulter votre résultat!

 

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https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=99#h5p-2

Poursuivez votre apprentissage

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V

Chapitre 5 | Modes contrôlés : réglages initiaux

Vue d’ensemble

Nous avons examiné en détail les modes ventilatoires contrôlés et fait la distinction entre la ventilation à volume contrôlé et la ventilation à pression contrôlée. Au chapitre 4, nous avons abordé les paramètres à configurer pour les modes contrôlés. Dans ce chapitre, nous verrons comment déterminer les réglages initiaux pour un patient au moment d’instaurer la ventilation mécanique.

Ce manuel traite de la ventilation chez l’adulte. Les paramètres présentés dans ce chapitre concernent les populations adultes uniquement. Les politiques et procédures de votre établissement ou les recommandations du médecin l’emportent sur le contenu de ce manuel. Des principes similaires s’appliquent aux enfants et aux nouveau-nés, mais ces populations ne font pas l’objet de ce manuel. Consultez le médecin traitant ou votre thérapeute respiratoire autorisé.

Ce chapitre aborde les sujets suivants :

  • Réglage initial des paramètres couramment utilisés en mode contrôlé
  • Calcul du poids idéal
  • Calcul des seuils sécuritaires du volume courant et du débit
  • Configuration suggérée des alarmes

Application

On peut prendre des décisions éclairées et bien ajuster les paramètres lorsqu’on connaît les résultats de la gazométrie artérielle, mais il faut bien commencer quelque part! Les réglages initiaux sont établis en fonction des besoins ventilatoires du patient déterminés à la lumière des observations préalables à l’intubation. Ce chapitre vous aidera à prendre des décisions éclairées et à utiliser ces renseignements pour bien configurer les paramètres du respirateur. Même si l’on dispose déjà des résultats de la gazométrie, l’information présentée dans ce chapitre est essentielle pour comprendre comment l’état du patient influence le réglage des paramètres.

Objectifs d’apprentissage

Voici ce que vous pourrez faire à la fin de ce chapitre :

  1. Comprendre le réglage initial des paramètres à configurer pour la ventilation à volume contrôlé et la ventilation à pression contrôlée.
  2. Décrire comment l’état du patient influence la configuration des paramètres.
  3. Expliquer pourquoi le poids idéal et les seuils sécuritaires du volume courant sont devenus la norme en ventilation.
  4. Calculer le poids idéal d’un patient.
  5. Calculer les seuils sécuritaires du volume courant.
  6. Choisir les réglages indiqués en fonction du mode et de l’état du patient.
  7. Configurer efficacement les alarmes du respirateur pour assurer une surveillance sécuritaire du patient lorsqu’aucun professionnel de la santé n’est à son chevet.

Principaux termes

Dans ce chapitre, vous découvrirez plusieurs termes importants. Ces termes sont utilisés dans tout le manuel, il est donc important de prendre le temps de bien les assimiler et de se les remémorer souvent.

  • Recrutement
  • Ajustement
  • Atélectasie
  • Tachypnée
  • Gazométrie artérielle
  • Poids idéal
  • Lésions pulmonaires induites par la ventilation
  • Syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA)
  • Barotraumatisme
  • Volutraumatisme
  • Schéma de débit décélérant

Ces termes apparaissent en gras lorsqu’ils sont utilisés pour la première fois dans le chapitre. Pour en savoir plus sur ces termes, vous pouvez les chercher dans le Grand dictionnaire terminologique.

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Paramètres obligatoires en mode contrôlé

Comme indiqué précédemment, on règle toujours la FiO2 et la PEP pour tous les modes de ventilation mécanique. Il faut veiller à ce que les alvéoles ne s’affaissent pas puisque la ventilation mécanique contourne les pressions pleurales normales qui les maintiennent gonflées (revoir le chapitre 1 si nécessaire). On doit aussi toujours définir la concentration d’oxygène dont le patient aura besoin pour maintenir la saturation en oxygène dans le sang, à savoir une SpO2 supérieure à 92 % (réviser le chapitre 2 si nécessaire).

En plus de la FiO2 et de la PEP, en mode contrôlé en particulier, le respirateur détermine l’ampleur ou la fréquence (minimale) de la respiration du patient. Il faut donc configurer la fréquence respiratoire (FR). En plus de la fréquence respiratoire, le volume insufflé dans les poumons est aussi contrôlé en mode contrôlé. En ventilation à volume contrôlé, il s’agit de définir un volume courant. En ventilation à pression contrôlée, il faut plutôt configurer la pression appliquée pour obtenir un certain volume.

Voici les paramètres à configurer au moment d’instaurer la ventilation mécanique :

Volume contrôlé (VC) Pression contrôlée (PC)
FiO2
PEP
Fréquence respiratoire (FR)
Volume courant (Vc) et débit inspiratoire (V̇) Pression contrôlée (PC) et temps inspiratoire (Ti)

Le respirateur comporte d’autres paramètres qui ne sont pas répertoriés ici, notamment la sensibilité du dispositif de déclenchement (c’est-à-dire la détection de l’effort inspiratoire du patient) ainsi que certains réglages secondaires du cycle respiratoire ou, potentiellement, le débit d’air en mode ventilatoire à volume contrôlé. Ces paramètres sont préprogrammés sur les respirateurs, et leurs réglages par défaut conviennent à la majorité des patients.

Étant donné que les respirateurs utilisent un seuil de sensibilité par défaut efficace pour 99,9 % des patients, les novices doivent se concentrer sur le réglage initial des paramètres de base énumérés ci-dessus sans ajuster la sensibilité du dispositif de déclenchement (trigger). L’ajustement est nécessaire dans de très rares cas, mais il est préférable de laisser les cliniciens expérimentés s’en changer. Un ajustement inadéquat est bien plus néfaste que le maintien des réglages par défaut.

S’exercer pour apprendre

N’oubliez pas que chaque modèle de respirateur peut être légèrement différent. Les paramètres de base sont toujours présents, mais ils peuvent porter différentes appellations selon le fabricant. Essayez de repérer les paramètres de base courants (FiO2, PEP, FR, PC et Ti) sur le respirateur illustré ci-dessous.

Conseil : Cet exercice permet d’identifier un seul paramètre à la fois. Après en avoir identifié un, si vous souhaitez repérer d’autres paramètres nommés dans les instructions de l’activité, rafraîchissez la page du navigateur pour effacer votre résultat.

 

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https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=101#h5p-12

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Paramètres initiaux en mode contrôlé

Lors du réglage du respirateur, il n’y a pas d’approche universelle possible. La ventilation mécanique peut causer des lésions. Chaque patient est différent et doit être traité en fonction de ses besoins individuels et de la physiopathologie sous-jacente. Le clinicien doit tenir compte du patient et de la raison de son intubation au moment de configurer les paramètres initiaux. Voyons un processus systématique pour bien configurer les paramètres du mode contrôlé en fonction du patient et de son état de santé.

PEP et FiO2

Ce manuel a expliqué l’importance de maintenir une SpO2 supérieure à 92 %, mais inférieure à 100 %, afin d’éviter la suroxygénation et la libération des radicaux libres de l’oxygène (voir le chapitre 2). La relation entre la PEP et la FiO2 y a aussi été abordée, en plus de leur rôle dans l’oxygénation (voir le chapitre 2). La FiO2 peut être augmentée ou diminuée pour fournir une concentration d’oxygène plus élevée dans les poumons à chaque inspiration. Plus le taux d’oxygène insufflé est élevé, plus il y a d’oxygène disponible pour la diffusion dans le sang en passant à travers la membrane alvéolocapillaire. La PEP contribue à recruter (ouvrir) les alvéoles collabés, ce qui augmente la surface pulmonaire pour l’échange gazeux à chaque respiration et la quantité d’oxygène se diffusant dans le sang à chaque respiration, tout en augmentant la pression de travail qui pousse l’oxygène à travers la membrane alvéolocapillaire. La FiO2 et la PEP peuvent toutes deux augmenter directement la quantité d’oxygène qui entre dans le sang pour circuler vers les organes vitaux. Si ces concepts ne sont pas clairs, relisez le chapitre 2 avant de relire cette section.

Comment configurer la FiO2 et la PEP? La façon la plus simple d’aborder la FiO2 est de commencer à 0,5 (50 %) ou à 1,00 (100 %). Si le patient avait besoin d’une grande quantité d’oxygène avant l’intubation, commencez à 1,00. Si le patient n’avait pas besoin de beaucoup d’oxygène ou pas du tout besoin d’oxygénothérapie avant l’intubation, commencez à 0,50. Ce n’est pas terminé! Dans les minutes qui suivent le début de la ventilation, ajustez (augmentez ou diminuez) la FiO2 de 10 % en fonction de la SpO2, comme expliqué au chapitre 2. Dans un délai de 5 minutes, vous devriez être en mesure de régler une FiO2 correspondant à une SpO2 d’au moins 92 % (et < 100 %). Ne modifiez plus la FiO2 jusqu’à ce que vous obteniez les résultats de la gazométrie artérielle afin d’apporter des ajustements à la lumière de ces résultats.

Concept clé

La FiO2 est le seul paramètre que vous modifierez fréquemment lors du réglage initial du respirateur. Il est courant qu’un clinicien commence à 1,00 et, en l’espace de 5 minutes, réduise la FiO2 à 0,4 pour atteindre la SpO2 cible. En ce qui concerne l’ajustement des autres paramètres à la suite du réglage initial, il faut attendre d’obtenir les résultats de la gazométrie artérielle réalisée après un délai d’au moins 30 minutes. La gazométrie est examinée en détail aux chapitres 8 et 9.

Le réglage initial de la PEP doit être compris entre 5 et 10 cmH2O. N’oubliez pas que le seuil minimal est de 5 cmH2O. Il est toujours préférable de commencer par une valeur faible et de l’augmenter après avoir effectué une gazométrie et laissé le patient s’acclimater un certain temps au respirateur. En présence de poumons sains, il faut commencer par une PEP de 5 cmH2O. Pour les cliniciens n’ayant pas suivi une formation avancée en ventilation mécanique, une PEP initiale de 8 ou 10 ne doit être envisagée qu’en cas d’atélectasie (affaissement d’alvéoles), d’œdème pulmonaire ou de signes d’épaississement de la membrane alvéolocapillaire.

N’oubliez pas que l’augmentation de la PEP n’est pas sans danger (voir le chapitre 2). Si la PEP est trop élevée, elle peut nuire au retour du sang vers le cœur et réduire la compliance pulmonaire. On doit d’abord s’assurer qu’une PEP initiale de 8 à 10 cmH2O est indiquée au regard de la physiopathologie sous-jacente. On peut toujours augmenter la PEP après avoir reçu les résultats de la gazométrie. Il est préférable de laisser le patient s’acclimater au respirateur en configurant une PEP initiale plus faible et de l’augmenter progressivement par la suite, si rien n’indique clairement qu’une PEP élevée serait préférable.

Ce tableau résume les réglages initiaux de la FiO2 et de la PEP :

Paramètre État du patient Réglage initial
FiO2 Hypoxie avant l’intubation 1,0 (100 %)
Peu ou pas besoin d’oxygénothérapie 0,5 (50 %)
PEP Plupart des patients 5 cmH2O
Confirmation d’atélectasie ou d’épaississement de la membrane alvéolocapillaire 8-10 cmH2O

Fréquence respiratoire

Les deux modes contrôlés (à volume contrôlé et à pression contrôlée) reposent notamment sur le fait que c’est la configuration de la fréquence respiratoire minimale qui détermine le nombre de respirations par minute. N’oubliez pas que le patient peut déclencher lui-même des cycles respiratoires plus fréquents, mais chaque ventilation sera conforme aux autres paramètres réglés.

Pour déterminer la fréquence respiratoire d’un patient adulte, il faut toujours respecter les valeurs normales de la fréquence respiratoire physiologique. Chez l’adulte, la respiration normale au repos se situe généralement entre 12 et 20 resp./min en l’absence de problème pulmonaire. Il faut donc régler la fréquence respiratoire initiale de la ventilation mécanique en respectant ces seuils.

Comment choisir la valeur initiale? La meilleure façon de procéder est d’analyser la respiration avant l’intubation et de réfléchir au processus physiologique en cours. Le patient a-t-il un problème pulmonaire? Pourquoi est-il intubé?

Si le patient respirait normalement et que l’intubation ne visait qu’à protéger ses voies respiratoires, mais que sa fréquence respiratoire était dans les valeurs normales les plus faibles, on peut configurer une faible FR initiale en toute sécurité (toujours en respectant les valeurs normales).

Si le patient présentait une atteinte pulmonaire ou s’il respirait rapidement avant l’intubation et qu’il a été intubé pour un problème d’oxygénation ou de ventilation, on sait que les chimiorécepteurs dans son cerveau le stimulaient à respirer rapidement, très probablement en raison d’un taux élevé de CO2 ou d’un manque d’oxygène. Le patient est alors tachypnéique et sa FR est plus élevée que la normale (> 25 resp./min en général). Il peut aussi montrer des signes d’augmentation du travail respiratoire en utilisant ses muscles accessoires. En cas de signes de tachypnée avant l’intubation, il est très probable que le patient ait besoin d’une FR plus élevée pour corriger une anomalie dans son taux de CO2 ou d’O2. Même si la gazométrie artérielle ne permet pas de confirmer ce diagnostic, on peut tenir compte de cette observation pour établir le réglage initial. La ventilation mécanique doit reproduire la respiration physiologique du patient.

Il ne faut pas pour autant toujours copier la fréquence respiratoire du patient. La fréquence respiratoire de certains patients est supérieure à 30 resp./min. La ventilation en pression positive est complexe, car elle risque de causer des lésions aux poumons. Rappelez-vous que l’air est alors poussé dans les poumons et que le patient n’inspire pas par lui-même. La respiration spontanée est moins dommageable que la ventilation pour les alvéoles (voir le chapitre 1). Il ne faut donc pas reproduire une fréquence respiratoire trop élevée pour éviter de causer des lésions. Il faut plutôt choisir une FR dans les valeurs normales les plus élevées. Ainsi, si les valeurs normales sont entre 12 et 20 resp./min, la FR initiale doit être entre 18 et 20 resp./min.

En contexte de ventilation en pression positive, une FR supérieure à 24 resp./min peut causer un asynchronisme et contribuer potentiellement au piégeage gazeux et aux lésions pulmonaires. Il faut un œil averti pour observer les formes d’ondes sur l’écran du respirateur et les efforts respiratoires du patient pour s’assurer que cette situation ne se produise pas. Les cliniciens ayant peu d’expérience en ventilation doivent essayer de rester en dessous de 24 resp./min. Il convient de vérifier auprès d’un médecin ou thérapeute respiratoire autorisé si une FR plus élevée est indiquée.

N’oubliez pas qu’il s’agit uniquement des paramètres initiaux. Après 30 à 60 minutes suivant la configuration initiale, la gazométrie artérielle évaluera les taux de CO2 et d’O2 et orientera les ajustements nécessaires (abordés aux chapitres 8 et 9).

Paramètre État du patient Réglage initial
FR Poumons sains et intubation uniquement pour protéger les voies respiratoires
ou
FR faible avant l’intubation
14 resp./min
Atteinte pulmonaire ou intubation uniquement en raison de problèmes d’oxygénation ou de ventilation
ou
Tachypnée avant l’intubation
18-20 resp./min

Concept clé

Pour les modes à pression contrôlée et à volume contrôlé, on doit régler la FiO2, la PEP et la FR. Les autres paramètres diffèrent selon le mode choisi.

Paramètres propres au mode : volume courant ou pression contrôlée

Nous avons examiné les réglages de la PEP, de la FiO2 et de la FR. En mode contrôlé, le dernier paramètre à déterminer est la quantité d’air dont le patient aura besoin. Il faut donc contrôler le volume courant (Vc) qui sera insufflé à chaque cycle respiratoire.

Le chapitre 4 a expliqué comment le volume courant est déterminé physiquement en ventilation à volume contrôlé. En ventilation à pression contrôlée, le volume insufflé est alors contrôlé par la pression appliquée pendant une durée déterminée. Vous vous souvenez de l’exemple pratique avec le ballon? Si l’on souffle de l’air dans le ballon pendant une durée déterminée, le ballon se gonflera jusqu’à un volume déterminé. Si ce concept est un peu flou, retournez au chapitre 4 pour revoir les relations entre le volume et le débit, la pression et le temps inspiratoire en ventilation.

Le volume approprié est abordé dans les prochaines sections, car c’est ce paramètre qui dicte la configuration des paramètres, soit le volume courant ou la pression contrôlée et le temps inspiratoire.

Un respirateur

Un respirateur prêt à recevoir les réglages initiaux. Remarquez la mention « Standby » (en attente) qui apparaît à l’endroit où l’on verrait normalement les ondes correspondant aux respirations du patient.

Attribution des éléments visuels

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Poids idéal

Qu’est-ce que le poids idéal? En principe, chaque corps a un poids déterminé qui reflète la taille de ses organes vitaux, en fonction du sexe et de la taille. Le poids idéal ne correspond pas à une morphologie ni à un chiffre sur une balance. Il s’agit plutôt d’une unité de mesure utilisée pour décrire les organes. Le terme « poids » peut porter à confusion, mais le poids idéal sert uniquement à assurer une bonne ventilation d’après la taille des poumons.

Par le passé, les cliniciens avaient l’habitude de ventiler les patients en utilisant de grands volumes (> 600 ml) et une faible FR (10-12 resp./min). Ce mode de ventilation a fait en sorte qu’un nombre important de patients ont développé des lésions pulmonaires après quelques jours de ventilation mécanique. Ces lésions pulmonaires induites par la ventilation entraînent parfois un processus inflammatoire souvent appelé syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA).

Radiographie des poumons d’un patient atteint du SRAS.

Cette radiographie révèle la présence bilatérale d’infiltrats, ce à quoi pourraient ressembler des lésions pulmonaires induites par la ventilation.

Le SDRA est une pathologie complexe qui se caractérise par une inflammation et des lésions pulmonaires bilatérales diffuses. Le diagnostic est généralement posé à la lumière de la radiographie thoracique après avoir écarté les autres physiopathologies possibles. Le SDRA peut être causé par d’autres processus qui s’ajoutent aux lésions pulmonaires induites par la ventilation. Ces patients peuvent devenir très malades et difficiles à ventiler. Ces deux ressources présentent de l’information sur le SDRA (le premier lien est plus sommaire et le second, plus avancé) :

Lorsqu’il a été reconnu que la ventilation mécanique causait des lésions pulmonaires bilatérales, de nombreuses études ont été menées pour déterminer si les réglages du respirateur y contribuaient. Les conclusions étaient sans équivoque : l’utilisation d’un volume courant important était directement liée à l’augmentation des cas de lésions pulmonaires en provoquant un barotraumatisme (pression trop élevée dans les alvéoles) et un volutraumatisme (volume trop élevé dans les alvéoles). Les prestataires de soins de santé causaient des lésions à leurs patients en recourant à cette stratégie de ventilation à haut volume et à faible FR.

Exemple pratique

Les termes barotraumatisme et volutraumatisme peuvent être utilisés de manière interchangeable et signifient relativement la même chose, car le volume est égal à la pression et la pression est égale au volume. Rappelez-vous l’analogie du ballon. Qu’arrive-t-il si l’on gonfle un ballon jusqu’à ce que la pression et le volume deviennent trop élevés? Il éclate! La même chose peut arriver aux alvéoles.

Une approche basée sur le poids a alors été adoptée pour configurer le volume courant. Plus le patient est petit, plus le volume courant est faible. Plus le patient est grand, plus le volume courant est élevé. Il était encore courant de supposer que les patients ayant un surpoids avaient besoin d’un volume plus important pour satisfaire leurs besoins ventilatoires (entrée d’O2 et sortie de CO2) en raison de leur habitus (c’est-à-dire qu’ils ont plus de cellules dans leur corps qui produisent du CO2 et qui ont besoin d’oxygène). Lorsqu’il s’est avéré que les lésions pulmonaires induites par la ventilation étaient plus fréquentes chez les patients atteints d’obésité, des recherches plus approfondies ont révélé que la taille des poumons ne varie pas en fonction du poids corporel. La taille des poumons repose sur la structure du squelette, ce qui signifie que les seules variables pertinentes sont le sexe et la taille. En insufflant un volume courant plus important aux patients corpulents, les cliniciens provoquaient la surdistension des alvéoles pulmonaires et causaient des barotraumatismes et des volutraumatismes, ce qui donnait lieu à des lésions pulmonaires induites par la ventilation.

Fait amusant : Ce constat est clair à l’observation des images de la scintigraphie du corps entier ou de l’IRM d’un patient atteint d’obésité. Les poumons d’un patient corpulent ne sont pas plus gros que ceux d’un patient plus mince de même sexe et de même taille. La taille des poumons ne change pas en fonction du poids du patient.

Deux radiographies du corps entier, côte à côte.

Il s’agit des radiographies de deux hommes d’âge, de sexe et de masse grasse comparables, mais de taille différente. Remarquez que les poumons sont plus petits chez la personne de plus petite taille, à droite (il y a également un léger affaissement des poumons).

Pour remédier à ce problème une fois pour toutes, la ventilation est désormais entièrement basée sur le poids idéal. Le poids idéal est calculé en fonction du sexe et de la taille du patient en vue d’utiliser un volume courant adapté à ses besoins réels.  Lorsqu’un patient adulte est mis sous respirateur, le seul calcul à faire est de déterminer son poids idéal et de l’utiliser pour déterminer le volume courant sécuritaire.

Le poids idéal dépend du sexe du patient. Voici les formules à employer :

Sexe Formule du poids idéal (adultes seulement)
Homme Poids idéal (kg) = 50 + 2,3 (taille en pouces – 60)

ou

Poids idéal (kg) = 50 + 0,91 (taille en centimètres – 152,4)

Femme Poids idéal (kg) = 45,5 + 2,3 (taille en pouces – 60)

ou
Poids idéal (kg) = 45,5 + 0,91 (taille en centimètres – 152,4)

Remarque importante : Pour un patient adulte, le poids idéal utilisé est la constante au début de l’équation. Si l’équation entre parenthèses donne un zéro ou un nombre négatif, il ne faut pas utiliser cette formule : on utilise simplement 50 kg pour les hommes et 45,5 kg pour les femmes, soit les tailles minimales des poumons adultes.

Astuce de thérapeute respiratoire autorisé : Si l’on connaît la taille d’un patient en pieds et en pouces, au lieu de convertir la taille complète en pouces, on peut se sauver d’une étape puisque 60 pouces correspondent à 5 pieds. On soustrait donc 5 pieds de la taille dans la formule. Un raccourci pratique est d’écrire simplement combien de pouces il y a au-delà de la mesure de 5 pieds entre ces parenthèses (par exemple, si une personne mesure 5 pieds et 6 pouces, on inscrit simplement 6 entre les parenthèses, on multiplie ensuite ce nombre par 2,3 et on additionne le produit au nombre de base).

Si vous vivez aux États-Unis et que vous utilisez les livres pour exprimer le poids d’une personne, il existe une version de cette formule qui convertit les livres en kilogrammes. Si la formule en livres vous semble utile, veuillez regarder cette vidéo.

Faisons quelques calculs!

Patient A | Homme de 6 pieds et 2 pouces (74 pouces)

Poids idéal (kg) = 50 + 2,3 (74-60)

Poids idéal (kg) = 50 + 2,3 (14)

Poids idéal (kg) = 50 + 32,2

Poids idéal (kg) = 82,2 kg

Essayons maintenant d’utiliser le raccourci décrit ci-dessus. Vous savez que 6′ 2″ donne 1 pied (12 pouces) et 2 pouces au-delà de la mesure de 5 pieds (60 pouces) = 14 pouces. Il suffit d’inscrire 14 entre les parenthèses. Vous êtes déjà à l’étape 2 de la formule! Le calcul mental permet d’éviter de calculer le nombre de pouces si vous ne le connaissez pas déjà.

Patiente B | Femme de 5 pieds et 3 pouces

Poids idéal (kg) = 45,5 + 2,3 (63-60)

Poids idéal (kg) = 45,5 + 2,3 (3)

Poids idéal (kg) = 45,5 + 6,9

Poids idéal (kg) = 52,4 kg

Utilisons maintenant le raccourci… la patiente mesure 5 pieds et 3 pouces. Comme il faut soustraire 60 pouces (5 pieds) pour faire le calcul, on inscrit le nombre de pouces au-delà de la mesure de 5 pieds entre les parenthèses. On multiplie donc 3 par 2,3 et additionne le produit à la constante de 45,5 pour les femmes.

Patient C | Homme de 175 cm

Poids idéal (kg) = 50 + 0,91 (175 – 152,4)

Poids idéal (kg) = 50 + 0,91 (22,6)

Poids idéal (kg) = 50 + 20,566

Poids idéal (kg) = 70,566 kg

Comme cette formule utilise des centimètres et non des pouces, le raccourci ne s’applique pas.

Attribution des éléments visuels

34

Poids idéal et rapport avec le volume courant

Même avec l’utilisation du poids idéal au lieu du poids réel, un volume courant de 10 ml pour chaque kilogramme de poids idéal a souvent été utilisé par le passé. Cette approche a tout de même causé des volutraumatismes et des lésions pulmonaires induites par la ventilation. Au début des années 2000, de nombreuses études ont été menées pour déterminer les seuils de volume courant les plus sécuritaires d’après le poids idéal afin de réduire les risques de lésions pulmonaires et de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). Les chercheurs ont aussi étudié des patients ayant reçu un diagnostic de SDRA pour déterminer si le volume courant avait une incidence sur les risques de morbidité et mortalité. Les résultats ont montré que l’utilisation d’un volume courant de 6 à 8 ml/kg de poids idéal diminuait directement les risques de morbidité et mortalité. Cette découverte a révolutionné les stratégies de volume courant et est devenue la norme des seuils de volume courant chez l’adulte pour réduire le risque de lésions pulmonaires découlant d’un volutraumatisme ou barotraumatisme. Aujourd’hui, 8 ml/kg est le seuil maximal du volume courant qu’un clinicien peut configurer en mode contrôlé. Une fois le poids idéal calculé, il est multiplié par 6 et par 8 pour obtenir les seuils sécuritaires du volume courant pour un patient sous respirateur.

Calcul des seuils du volume courant

Passons en revue les étapes pour déterminer le volume courant sécuritaire d’un patient.

  1. Déterminez la taille et le sexe du patient.
  2. Utilisez la formule appropriée selon le sexe pour calculer le poids idéal.
  3. Multipliez par 6, 7 et 8 ml/kg et inscrivez les résultats au dossier afin d’avoir un point de référence pratique à utiliser maintenant et à l’avenir. Remarque : Arrondissez toujours le résultat à l’unité supérieure ou inférieure la plus près pour l’adapter aux réglages du respirateur (généralement des nombres entiers par incrément de 5).

Après avoir appris comment calculer le poids idéal (étapes 1 et 2), passons à l’étape 3 en utilisant les poids idéaux calculés plus tôt dans ce chapitre. Rappelez-vous que le volume courant est sécuritaire entre 6 et 8 ml/kg.

Patient A | Poids idéal de 82,2 kg

Volume courant de 6 ml/kg = 82,2 kg x 6 ml/kg

= 493,2 ml

= environ 490 ml

Volume courant de 7 ml/kg = 82,2 kg x 7 ml/kg

= 575,4 ml

= environ 575 ml

Volume courant de 8 ml/kg = 82,2 kg x 8 ml/kg

= 657,6 ml

= environ 660 ml

Par conséquent, les seuils sécuritaires sont de 490 et 660 ml (6 et 8 ml/kg) et les volumes courants respectifs pour 6, 7 et 8 ml/kg sont de 490, 575 et 660 ml.

Patiente B | Poids idéal de 52,4 kg

Volume courant 52,4 x 6 = environ 315 ml

52,4 x 7 = environ 365 ml

52,4 x 8 = environ 420 ml

Les seuils sécuritaires pour cette patiente sont de 315 et 420 ml et les volumes courants respectifs pour 6, 7 et 8 ml/kg sont de 315, 365 et 420 ml.

Concept clé

Pour chaque patient mis sous respirateur, le prestataire de soins doit déterminer sa taille, calculer son poids idéal selon sa taille et son sexe, puis multiplier ce poids par 6 et 8 ml/kg pour déterminer les seuils de volume courant sécuritaires.

Lorsque les patients ont des poumons très fragiles et endommagés, certaines stratégies de ventilation descendent jusqu’à 4 ml/kg pour réduire les risques de barotraumatisme ou de volutraumatisme. Suivez les recommandations de votre établissement et du médecin pour déterminer le seuil minimal en fonction de la physiopathologie, mais 8 ml/kg est le seuil maximal absolu à utiliser. Il ne faut pas dépasser ce seuil, à moins d’un avis contraire du médecin. La valeur de 8 ml/kg est une limite stricte, et il n’est jamais accepté de dépasser ce seuil en soins intensifs depuis que des études ont prouvé à quel point ce pouvait être néfaste pour le patient.

Gardez ces informations à l’esprit, car nous allons maintenant passer à la configuration des paramètres de la ventilation à volume contrôlé et de la ventilation à pression contrôlée.

35

Paramètres spécifiques à la ventilation à volume contrôlé : volume courant et débit

Dans le cas de la ventilation à volume contrôlé (VVC), le clinicien qui règle le respirateur configure le volume de chaque respiration. N’oubliez pas que pour la VVC, on configure le volume, mais que pour la ventilation à pression contrôlée, le volume est déterminé par la pression et le temps inspiratoire que le clinicien a configuré.

Vous savez maintenant comment déterminer les seuils de volume courant sécuritaires, mais par quelle valeur commencer? On peut commencer en toute sécurité avec n’importe quelle valeur comprise entre 6 et 8 ml/kg. Pour les novices en ventilation, il est préférable de commencer à 8 ml/kg de poids idéal chez l’adulte. Pourquoi? Chez la plupart des patients intubés, la ventilation est compromise et les changements dans la respiration nuisent aux échanges gazeux. En insufflant au patient le plus grand volume sécuritaire possible, on s’assure qu’il inspire autant d’oxygène que possible et qu’il expire autant de CO2 que possible à chaque respiration. On peut toujours diminuer le volume courant d’après les résultats du bilan sanguin de suivi. Commencez par 8 ml/kg et réévaluez ensuite.

Paramètre Procédure Réglage initial
Vc Calculez le poids idéal et multipliez-le par 6 et 8 ml/kg pour obtenir vos seuils de volume courant sécuritaire 8 ml/kg

En volume contrôlé, on règle aussi le débit maximal d’air entrant dans les poumons. Certains respirateurs demandent de régler un temps inspiratoire au lieu d’un débit (voir ci-dessous), mais les versions classiques du volume contrôlé demandent de configurer le débit inspiratoire maximum. Pour les novices, la valeur par défaut recommandée pour le débit chez l’adulte est généralement de 65 litres par minute (L/min) avec un débit décélérant. Un schéma de débit décélérant signifie que le débit est optimal au début du cycle respiratoire et ralentit à mesure que les poumons se remplissent. Ce réglage conviendra à la grande majorité des adultes.

Le seul cas où l’on peut envisager d’augmenter le débit au-delà de 65 L/min est si le patient déclenche des cycles respiratoires et produit des gasps ou cherche à inspirer plus d’air que ce que le respirateur lui fournit. En général, les alarmes du respirateur se déclenchent en pareil cas. On peut essayer d’augmenter le débit à 70 ou 75 L/min, jusqu’à ce que ses besoins soient satisfaits. Le débit maximal est de 80 L/min, mais ce réglage ne doit être utilisé que dans de rares cas. Ce débit exige que le patient déclenche spontanément des cycles respiratoires. En cas de difficulté, on peut essayer de passer à un mode spontané (sujet du prochain chapitre) ou augmenter la sédation si de petites augmentations du débit ne satisfont pas les besoins du patient.

Au début, laissez le débit à la valeur par défaut de 65 L/min avec un schéma de débit décélérant. Ajustez le débit uniquement si le patient semble inspirer plus rapidement que ce que lui permet le débit programmé. En cas de doute, mettez le patient sous sédation et continuez à le ventiler en respectant le débit recommandé de 65 L/min.

Une mise en garde s’impose : plus le débit configuré est élevé, plus la pression exercée sur les poumons est importante. L’augmentation du débit peut provoquer d’importantes hausses de pression susceptibles d’endommager les poumons (barotraumatisme). C’est pourquoi le débit ne doit être ajusté que si l’inspiration du patient dépasse nettement le débit insufflé par le respirateur. Surveillez la pression maximale pour la maintenir en dessous de 35 cmH2O (Pinsp max < 35 cmH2O).

Paramètre État du patient Réglage initial
Débit Tous les patients adultes (sauf dans les cas ci-dessous) 65 L/min, schéma de décélération
Les patients qui déclenchent des cycles supplémentaires, qui semblent produire des gasps et qui déclenchent l’alarme du respirateur Augmenter graduellement le débit jusqu’à 80 L/min (augmenter de 5 L/min à la fois)

Un homme analyse une radiographie pulmonaire.

Il est essentiel de bien configurer le respirateur pour éviter de causer des lésions pulmonaires.

Attribution des éléments visuels

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Paramètres spécifiques à la ventilation à pression contrôlée : pression contrôlée et temps inspiratoire

En ventilation à pression contrôlée (VPC), au lieu de régler directement le volume courant et le débit d’air, rappelez-vous que le respirateur fournit une pression configurée pour une durée déterminée, ce qui permet aux poumons de se gonfler jusqu’à un certain volume. Le même principe s’applique au poids idéal et au volume courant. On mesure toujours la taille du patient pour calculer son poids idéal et les seuils du volume courant, mais au lieu de configurer directement le volume courant, on configure la pression inspiratoire et observe ensuite le volume pulmonaire obtenu après environ trois respirations :

  • Volume trop élevé? On diminue la PC de 2 cmH2O.
  • Volume trop faible? On augmente la PC de 2 cmH2O et on évalue.

Une pression contrôlée initiale sûre est de 14 cmH2O. Même avec une PEP légèrement plus élevée, cette pression garantit que la pression maximale restera bien inférieure à 35 cmH2O.

Exemple pratique

Rappelez-vous! Si vous soufflez fort dans un ballon pendant un laps de temps donné, le ballon sera plus gonflé que si vous aviez soufflé moins fort. Une pression plus élevée équivaut à un volume plus élevé (et vice versa).

Ce changement est très rapide et, en l’espace d’une minute environ, vous devriez être en mesure d’ajuster la PC pour atteindre un volume courant d’environ 8 ml/kg.

Remarque : Un écart de 20 ml n’est pas un problème. Vous n’atteindrez jamais exactement la même valeur. Essayez de rester en dessous du seuil de 8 ml. Si vous avez augmenté la PC de 1 cmH2O et que le volume courant passe de moins de 8 ml/kg à plus de 8 ml/kg, renversez ce changement et laissez le volume tout juste en dessous du seuil. Rappelez-vous que 8 ml/kg est le seuil maximal et qu’on ne veut pas le dépasser.

L’approche du réglage du temps inspiratoire est très similaire à l’approche adoptée pour le débit. Un temps inspiratoire par défaut de 0,8 à 1,0 seconde convient à la plupart des patients adultes. Une bonne règle générale est d’utiliser un temps inspiratoire de 1,0 seconde. Si le ratio I:E est de 1:1 (vu au chapitre 4), vous pouvez diminuer le temps inspiratoire de 0,1 seconde pour veiller à ce que le patient ait assez de temps pour expirer. Un temps d’expiration insuffisant ne devrait pas poser de problème, à moins que le patient ne déclenche un grand nombre de cycles respiratoires et excède la fréquence respiratoire configurée. Le seul contexte où le ratio I:E serait de 1:1 ou inversé est dans le cas d’une FR élevée (ou d’un patient qui déclenche plus de cycles respiratoires). La sédation peut être envisagée dans ce cas; consultez le médecin ou le thérapeute respiratoire autorisé si le temps inspiratoire par défaut de 0,8 à 1,0 seconde cause des problèmes, des alarmes ou un ratio I:E de 1:1 ou inversé.

Un temps inspiratoire par défaut de 0,8 à 1,0 seconde devrait convenir à tous les patients, tant que la FR est inférieure à 24 resp./min. Si le médecin ou le thérapeute respiratoire autorisé demande d’augmenter la FR, on peut commencer à ajuster le temps inspiratoire pour s’assurer que le ratio I:E reste supérieur à 1:1. Cette formation vise à présenter les stratégies de ventilation générales indiquées pour la plupart des patients. En cas de patient difficile à ventiler, consultez le médecin traitant ou thérapeute respiratoire autorisé.

Paramètre État du patient Réglage initial
Temps inspiratoire (Ti) Patient adulte dont la FR est inférieure à 24 resp./min.
Consultez un clinicien expert si vous pensez que le Ti n’est pas adéquat (0,8-1,0 s).
1,0 s

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Alarmes du respirateur

Chaque respirateur est doté d’alarmes configurées pour assurer la sécurité du patient. Le danger de la pression exercée sur les alvéoles fragiles a déjà été abordé. Les alarmes veillent à ce que la pression et le volume restent sécuritaires. Après avoir instauré la ventilation, accédez à l’écran des alarmes pour vérifier que les alarmes sont adaptées aux paramètres configurés et au patient.

Un gyrophare rouge éteint.

Les alarmes du respirateur sont un outil utile pour se tenir informé de l’état du patient lorsqu’on n’est pas à son chevet.

Les alarmes standard pour tous les modes de ventilation sont les suivantes :

  • Fréquence respiratoire haute
  • Pression haute
  • Volume haut
  • Volume bas
  • Ventilation minute haute
  • Ventilation minute basse
Pour obtenir de l’information sur les alarmes mentionnées ci-dessus, consultez cette page sur les alarmes de respirateur (en anglais).

Il est important de s’assurer que les alarmes sont correctement réglées pour chaque patient. Il ne faut pas configurer des seuils d’alarme trop près des valeurs normales. Ces alarmes constituent un filet de sécurité pour prévenir les risques de volutraumatisme ou de barotraumatisme, mais si les seuils sont trop étroits, tout changement ou mouvement du patient risque de déclencher une alarme. Les alarmes fréquentes sont dérangeantes pour le patient comme pour le clinicien. On sait aussi que les alarmes trop fréquentes peuvent causer une fatigue chez le personnel soignant et l’amener parfois à négliger des alarmes importantes. Les seuils d’alarme suggérés sont indiqués ci-dessous, mais il faut respecter les recommandations de l’établissement en cas de divergence :

Alarme Réglage suggéré Explication
FR haute 30-35 resp./min Le patient peut se réveiller (ou se réveiller de la sédation), ce qui augmente la FR. Cette alarme est principalement utilisée en mode spontané.
Pression haute 35 cmH2O (max)
ou
+10 cmH2O au-dessus de la pression maximale
Si ce seuil est atteint, le cycle inspiratoire sera interrompu, ce qui peut être très inconfortable pour le patient et provoquer de la toux et un asynchronisme. Surveillez attentivement la pression et tentez de rester en dessous de 30 cmH2O si possible. Il s’agit uniquement du seuil maximal.
Pression basse 2 cmH2O en deçà de la PEP Ne s’applique pas à tous les respirateurs. Utile pour détecter une fuite ou une déconnexion dans le circuit.
Volume haut +200 ml par rapport au volume cible Surveillez le volume d’une respiration à l’autre. L’écart est élevé afin d’éviter la fatigue liée aux alarmes. Un clinicien surveille le volume courant plus étroitement lorsqu’il est au chevet du patient, mais cette alarme peut se déclencher en son absence.
Volume bas -200 ml du volume courant cible Pas important en mode contrôlé; généralement utilisé en mode spontané.
Ventilation minute haute 20 L/min Large écart intentionnel; généralement utilisé en mode spontané.
Ventilation minute basse 3-4 L/min
ou
-1 L/min en dessous de la valeur VM sur le respirateur.
Large écart intentionnel; généralement utilisé en mode spontané.
Durée d’apnée 20 s Norme utilisée chez les patients adultes.

Attribution des éléments visuels

  • Alarm-gdf0592697_640, de Thomas Breher, sous licence CC0.

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Conclusion

À la fin de ce chapitre, vous devriez vous sentir à l’aise de choisir les réglages initiaux des modes ventilatoires contrôlés pour les patients adultes. La gazométrie artérielle permet d’évaluer l’adéquation des réglages initiaux de la ventilation à la lumière des taux de CO2 et d’O2. Les réglages sont généralement ajustés après avoir obtenu les résultats de la gazométrie. La gazométrie et les ajustements font l’objet des chapitres 8 et 9, mais il faut bien commencer quelque part! Les réglages initiaux sont établis en fonction des besoins ventilatoires du patient déterminés par des observations préalables à l’intubation.

En résumé, ce chapitre a porté sur le réglage initial de ces paramètres :

Réglage initial Volume contrôlé Pression contrôlée Explication
FiO2 1,0 ou 0,5 1,0 ou 0,5 Établir en fonction de l’état d’oxygénation et ajuster jusqu’à obtenir une SpO2 > 92 %
PEP 5-8 cmH2O 5-8 cmH2O Établir d’après la physiologie pulmonaire et le besoin d’optimiser le recrutement alvéolaire et la pression inspiratoire
FR 14-20 resp./min 14-20 resp./min Choisir une valeur d’après la respiration (rapide ou lente) du patient avant l’intubation
Volume courant 8 ml/kg S.O. Utiliser la taille et le poids du patient pour calculer son poids idéal et établir les seuils sécuritaires (6-8 ml/kg)
Pression contrôlée S.O. 14 cmH2O puis ajuster pour obtenir un Vc de 8 ml/kg Utiliser la taille et le poids du patient pour calculer son poids idéal et établir les seuils sécuritaires (6-8 ml/kg)
Débit inspiratoire 65 L/min S.O. Peut être légèrement augmenté si le patient inspire à un débit plus rapide que celui du respirateur (jusqu’à 80 L/min)
Temps inspiratoire S.O. 1,0 seconde Peut être légèrement raccourci si le patient essaie d’expirer (jusqu’à 0,8 seconde)

39

Test du chapitre 5

Exercice d’application

Questionnaire du chapitre 5

Voyez à quel point vous avez réussi à assimiler la matière abordée dans le chapitre en répondant aux 6 questions suivantes. N’oubliez pas de consulter votre score!

 

Un élément interactif H5P a été exclu de cette version du texte. Vous pouvez le consulter en ligne ici :
https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=113#h5p-3

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VI

Chapitre 6 | Modes spontanés et VOIS

Nous venons de passer en revue les modes contrôlés et de voir quand et comment contrôler la respiration. Vous souvenez-vous des différences entre les modes contrôlés et spontanés abordées au chapitre 3? Nous avons discuté de la façon dont les modes spontanés permettent au patient de mieux contrôler sa respiration, y compris la fréquence et l’amplitude de ses respirations. Dans ce chapitre, nous examinerons ces modes de plus près.

Ce chapitre couvre les aspects suivants :

  • Modes spontanés : Survol et description de la ventilation spontanée avec aide inspiratoire (VSAI)
  • Contexte d’utilisation de la VSAI
  • Réglages de la VSAI
  • Comment choisir les bons paramètres de départ pour la VSAI
  • Qu’est-ce que la VOIS et pourquoi ce mode n’est-il plus recommandé?

Application

Comme vous l’avez appris, on utilise un mode spontané en cas de commande respiratoire intacte, car la ventilation spontanée permet d’éviter l’atrophie musculaire et l’asynchronisme. Ce chapitre vous aidera à utiliser efficacement les modes spontanés, notamment en configurant des réglages adéquats. En outre, ce chapitre décrit la ventilation obligatoire intermittente synchronisée (VOIS), qui était autrefois l’approche privilégiée en matière de ventilation, et explique pourquoi elle devrait être délaissée. Comme la VOIS est encore choisie par certains praticiens et centres de soins mal informés, il est important que vous connaissiez ce mode et les raisons pour lesquelles il n’est plus recommandé, afin de pouvoir défendre les intérêts de vos patients.

Objectifs d’apprentissage

Voici ce que vous pourrez faire à la fin de ce chapitre :

  1. Savoir quand utiliser la VSAI.
  2. Décrire les réglages typiques de la VSAI.
  3. Déterminer les réglages adéquats de la VSAI d’après l’évaluation du patient.
  4. Expliquer pourquoi la VOIS ne doit pas être utilisée dans la pratique courante pour défendre efficacement les intérêts de vos patients.

Principaux termes

  • atrophie musculaire
  • sevrage
  • ventilation spontanée avec aide inspiratoire (VSAI)
  • volume assisté (VSV)
  • épreuve de ventilation spontanée (EVS)
  • réglages minimaux
  • extubation
  • travail respiratoire
  • gazométrie
  • tube endotrachéal
  • ventilation obligatoire intermittente synchronisée (VOIS)
  • volume minute

Ces termes apparaissent en gras lorsqu’ils sont utilisés pour la première fois dans le chapitre. Pour en savoir plus sur ces termes, vous pouvez les chercher dans le Grand dictionnaire terminologique.

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Revue des modes spontanés

Maintenant que vous avez tout appris sur le mode contrôlé, il est temps de passer à l’autre branche de l’arborescence de la ventilation, soit le mode spontané :

L’arborescence de la ventilation avec la branche du mode spontané en évidence.

Après un survol des notions abordées dans les chapitres précédents, vous devriez comprendre l’importance du mode spontané et avoir retenu ces leçons importantes :

  • La pression positive appliquée aux poumons peut causer des lésions (chapitre 1).
  • Il est de loin préférable pour le corps de reproduire la respiration physiologique (chapitre 1).
  • L’asynchronisme peut survenir lorsque l’insufflation suit les paramètres du respirateur et non l’inspiration du patient (chapitre 3).

Ce chapitre approfondit ces aspects et souligne d’autres avantages du mode spontané.

Attribution des éléments visuels

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Modes spontanés ou contrôlés

Tel qu’expliqué au chapitre 3, en mode spontané, le patient amorce une respiration et le respirateur intervient dans un rôle de soutien. L’appareil peut réduire l’effort que le patient doit déployer pour respirer en appliquant une pression supplémentaire. L’effort respiratoire peut être évalué subjectivement en examinant la vitesse de la respiration et en vérifiant si des muscles accessoires sont mobilisés.

Une prestataire de soins ajuste le tube d’un respirateur.

Une prestataire de soins calibre un respirateur à bord de l’USNS Mercy.

La clé de ce processus est que le patient doit envoyer un signal neurologique pour respirer. Le patient déclenche sa respiration lui-même en mobilisant le diaphragme pour faire entrer l’air dans ses poumons et expirer. Il décide aussi de la fréquence de ses respirations. Le respirateur détecte l’effort respiratoire à l’aide d’un dispositif de déclenchement (trigger) en débit ou en pression (voir le chapitre 3) et fournit une quantité d’air déterminée pour augmenter la respiration spontanée du patient. Si la fréquence respiratoire spontanée n’est pas suffisante pour maintenir de bons taux de CO2 et d’oxygène, la commande respiratoire du patient n’est pas intacte. Le mode contrôlé est alors indiqué, sans quoi l’état du patient risque de se détériorer.

Les respirations physiologiques normales ne sont pas uniformes. La plupart des gens prennent différentes respirations chaque minute, en plus de faire de nombreux soupirs, ou ont une fréquence respiratoire variable. Le mode contrôlé ne permet aucune de ces variations, et l’amplitude ou la fréquence des respirations ne changent que si le clinicien modifie les paramètres. Cette rigidité peut rapidement entraîner une asynchronie gênante pour le patient. Cependant, en mode spontané, le diaphragme déclenche la respiration, contribue à la dilatation des poumons et se relâche à l’expiration une fois que le volume d’air désiré est atteint. Ces variables sont contrôlées par les neurotransmetteurs du cerveau et peuvent changer d’une respiration à l’autre si nécessaire.

Le mode ventilatoire spontané permet de retrouver certains processus respiratoires physiologiques normaux. Les chimiorécepteurs du cerveau déclenchent la respiration et la contraction du diaphragme. Cette approche maintient un certain travail des muscles respiratoires et réduit le risque d’atrophie musculaire.

L’intérêt du mode spontané réside dans la réduction du risque d’atrophie musculaire.  Ce mode est bénéfique, car il mobilise toujours les muscles respiratoires, comme le diaphragme. Vous souvenez-vous du chapitre 1? Nous avons discuté du rôle important du diaphragme dans la création de la pression négative qui remplit les poumons d’air. Le diaphragme est le muscle le plus important dans la respiration spontanée. Comme tous les muscles, s’il n’est pas mobilisé, il commence à s’affaiblir.

Le mode ventilatoire contrôlé ne permet pas au diaphragme d’être pleinement sollicité pendant la respiration, ce qui peut en entraîner l’atrophie et l’affaiblissement. Cet affaiblissement peut faire en sorte que le patient ait du mal à prendre en charge sa respiration et à respirer sans aide. Plus vite le prestataire de soins peut laisser le patient respirer par ses muscles respiratoires, mieux c’est. Un changement rapide de mode ventilatoire permet d’atténuer le risque d’atrophie musculaire. Le mode spontané est la principale technique pour maintenir la contraction du diaphragme. Il aide aussi le patient à prendre en charge ses besoins respiratoires sans l’aide d’un respirateur.

Bien qu’elle n’ait pas permis d’éliminer totalement le besoin de ventilation mécanique, la création du mode spontané a grandement aidé à régler ces problèmes.

Concept clé

Le mode ventilatoire spontané est déterminant pour limiter les lésions causées par la ventilation en pression positive, en réduisant l’asynchronisme et en reproduisant un schéma respiratoire plus naturel que le patient peut contrôler. Il contribue aussi à maintenir la force des muscles respiratoires, ce qui facilite le retrait du respirateur.

Résumé des modes contrôlé et spontané

Le tableau suivant résume les principales différences entre les modes contrôlé et spontané :

Mode contrôlé Mode spontané
Commande respiratoire Aucune respiration spontanée Respiration spontanée requise
Oxygène Fournir un apport d’oxygène Fournir un apport d’oxygène
Taux élevé de CO2 Utilisé pour corriger une gazométrie anormale Peut seulement intensifier la respiration normale; contre-indiqué si le taux de CO2 est très élevé
Sédation Sédation importante généralement requise Beaucoup plus confortable, moins de sédation
Travail respiratoire Patient sous sédation et respirateur qui prend la relève complète des muscles Soutien ventilatoire qui atténue le travail respiratoire; maintien d’une certaine mobilisation des muscles
Maintien de la force musculaire Diaphragme non impliqué dans la respiration Diaphragme mobilisé; bon pour maintenir la force musculaire et atténuer l’atrophie musculaire
Caractère invasif Plus invasif, moins physiologique Plus physiologique; mode spontané utilisé pendant la transition vers l’arrêt de la ventilation (sevrage)
Une idée très répandue en soins intensifs est que le repos sous ventilation contrôlée est essentiel au rétablissement et idéal les premiers jours de ventilation, lorsque le patient a connu une défaillance suffisante pour avoir besoin d’une ventilation mécanique. Cependant, de plus en plus de recherches la contredisent. Le mode contrôlé nécessite souvent de grandes quantités de sédatifs et, dans certains cas, de paralysants. Chaque jour d’inactivité du diaphragme contribue directement à la perte musculaire et à l’atrophie musculaire. Le maintien de l’effort respiratoire réduit considérablement le nombre de jours sous ventilation et la durée de l’hospitalisation. Au fil des nouvelles recherches réalisées, le mode contrôlé est utilisé pendant des durées de plus en plus courtes, et le mode spontané devient la norme de soins de plus en plus tôt dans le processus ventilatoire.

Attribution des éléments visuels

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Indications et contre-indications du mode spontané

Indications

L’indication la plus importante pour le recours au mode spontané est une respiration spontanée. Une fois ce critère satisfait, le mode spontané peut être utilisé pour deux motifs :

  1. Sevrage : Le processus de sevrage, qui consiste à diminuer l’assistance respiratoire en vue d’y mettre fin, est mis en œuvre dès que l’état du patient commence à s’améliorer. La dose de sédatif est diminuée afin d’encourager le patient à recommencer à respirer et de passer à un mode ventilatoire plus spontané. Ce sevrage se poursuivra par une diminution graduelle des paramètres jusqu’à atteindre les valeurs minimales. Une fois que les paramètres ventilatoires sont au minimum, l’équipe de soins arrête l’assistance respiratoire et retire le tube endotrachéal. C’est ce qu’on appelle la « déventilation » et l’« extubation ».
  1. Gain de confort : La ventilation spontanée est un mode de ventilation moins invasif qui permet de mieux reproduire la respiration physiologique contrôlée par le patient.   Le confort est une indication moins courante et plus secondaire pour ce mode.

Celui-ci, parce qu’il est dirigé par le patient, n’est pas aussi efficace que le mode contrôlé pour corriger les déséquilibres dans les taux de CO2 ou d’oxygène. Il est utilisé pour corriger ces déséquilibres avant le sevrage. Par conséquent, les taux de CO2 et d’O2 sont les principales indications du mode spontané.

Concept clé

Lorsqu’indiqué, le mode spontané est à privilégier au mode contrôlé puisqu’il reproduit mieux la respiration naturelle et maintient l’activité du diaphragme, ce qui permet au patient d’effectuer une grande partie du travail respiratoire et facilite le sevrage ventilatoire. Cependant, ce mode est réservé aux patients stables ayant une respiration spontanée.

Contre-indications

Le plus important à retenir est que la plupart des patients sous ventilation sont très malades. Leur oxygénation est faible et ils n’éliminent pas assez bien le CO2, ce qui provoque la défaillance de leurs organes. Lorsqu’un patient est aussi malade, il doit d’abord être stabilisé avec beaucoup de soutien et de traitements avant de pouvoir commencer à reprendre le contrôle de sa respiration et respirer par lui-même. Le mode spontané ne fait que l’aider à respirer. Si le patient n’est pas stable et présente un taux anormal de CO2 ou d’O2 (description aux chapitres 8 et 9), il n’est pas candidat au mode spontané.

Une bonne règle de base pour le choix du mode est de stabiliser d’abord le patient en mode contrôlé puis, une fois qu’il est stable, de diminuer suffisamment la sédation pour qu’il déclenche des cycles respiratoires constants et de passer enfin au mode spontané.

La présence de la moindre condition suivante exclut l’utilisation du mode spontané :

  1. Aucune respiration spontanée.
  2. Très faible taux d’O2 et taux élevé de CO2 nécessitant un contrôle total de la respiration.
  3. Signes vitaux instables nécessitant un soutien médical avancé – le patient doit être sous sédation et ventilation contrôlée.

L’évaluation du travail respiratoire est un volet important de la ventilation. De nombreux professionnels de la santé sont probablement déjà compétents dans ce domaine. La pratique améliore la perception des facteurs importants du travail respiratoire. Il s’agit surtout d’une évaluation subjective de la respiration du patient :

  • La respiration est-elle lente ou rapide?
  • Les respirations sont-elles moins profondes qu’elles ne le devraient?
  • La contraction des muscles est-elle perceptible à chaque respiration?

Un moyen mnémotechnique utile pour évaluer les difficultés respiratoires est DiapHRaGM (Diaphorèse, Hypoxie, fréquence Respiratoire, Gasp, utilisation des Muscles accessoires).

La respiration normale est très rythmée et douce, avec très peu de changements visibles à part l’expansion de la poitrine ou le gonflement du ventre. En cas de difficulté respiratoire, des signes de détresse sont visibles : diaphorèse, augmentation de la fréquence respiratoire, respirations brèves ou brusques semblables à des gasps et utilisation d’autres muscles ou de muscles accessoires à chaque respiration. D’autres muscles peuvent être mobilisés pour essayer de mieux respirer. Cette observation est révélatrice chez un patient en difficulté.

Une augmentation du travail respiratoire est notée si la fréquence respiratoire est supérieure à la normale physiologique (généralement > 28 resp./min chez un adulte) et en présence de l’une des observations suivantes :

  1. tirage intercostal
  2. tirage sous-sternal
  3. utilisation des muscles scalènes
  4. contractions du muscle sterno-cléido-mastoïdien
  5. respiration paradoxale (une partie du thorax se déprime à l’inspiration et se gonfle à l’expiration)

Pour savoir comment repérer l’utilisation des muscles respiratoires accessoires, regardez cette vidéo de Doctors Hub :

 

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Pour obtenir la transcription de la vidéo, cliquez sur « Regarder sur YouTube » pour accéder à la source. Vous pourrez accéder à la transcription sur YouTube.

Commencez à regarder les gens respirer autour de vous. Regardez vos patients! La pratique vous aidera à reconnaître immédiatement l’intensification du travail respiratoire.

Études de cas

Nous avons discuté de certaines indications et contre-indications de l’utilisation du mode spontané. Mettons ces connaissances en pratique avec quelques exemples où le mode spontané est indiqué. Pour chaque exemple, demandez-vous si le mode spontané est utilisé pour 1) le sevrage ou 2) le gain de confort.

  1. Le patient A est sous ventilation en volume contrôlé depuis trois jours. Comme ses signes vitaux sont stables, l’équipe de soins a commencé à diminuer la sédation. Sa fréquence respiratoire (FR) est plus élevée que celle programmée sur le respirateur. Son bilan sanguin indique un taux normal de CO2. Le médecin veut commencer le sevrage, c’est-à-dire diminuer l’assistance respiratoire, en vue de l’extuber.

Sevrage ou confort? Le mode spontané est indiqué ici pour le sevrage, soit le motif le plus fréquent du passage au mode spontané.

  1. La patiente B a été intubée hier. Son taux de CO2 et ses signes vitaux sont dans les valeurs normales. Elle a commencé à se réveiller et est asynchrone avec le respirateur sous ventilation en pression contrôlée. Le thérapeute respiratoire a essayé de modifier les paramètres de la pression contrôlée, mais ne parvient pas à régler le problème du double déclenchement par la patiente qui combat le respirateur.

Sevrage ou confort? Le mode spontané peut être utilisé ici pour le sevrage et le confort. Le bilan sanguin et les signes vitaux sont bons. Il n’y a plus aucune raison de poursuivre la sédation et le mode contrôlé. Passez au mode spontané et commencez le sevrage!

  1. Le patient C est éveillé et alerte, mais tachypnéique. L’augmentation du travail respiratoire est manifeste par l’utilisation des muscles accessoires pendant la respiration. Le bilan sanguin révèle un taux de CO2 légèrement élevé. Le patient pourrait être candidat à un mode de ventilation spontanée, car il respire par lui-même, mais a besoin d’un peu d’aide pour le décharger partiellement du travail respiratoire. Si le bilan sanguin ne s’améliore pas en mode spontané, le mode contrôlé pourrait s’imposer.

Sevrage ou confort? Le mode spontané pourrait être mis à l’essai ici pour optimiser le confort. Le patient pourrait ne pas être assez stable sous ventilation en mode spontané. Il faudra le surveiller et procéder à d’autres analyses sanguines. Si son état s’aggrave, il devra être mis sous sédatifs et ventilation en mode contrôlé.

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Types de modes spontanés

Tout comme les modes contrôlés, il existe plusieurs modes spontanés. Toutefois, contrairement aux modes contrôlés, un seul mode est couramment utilisé. L’aide inspiratoire (AI) est de loin le mode d’assistance le plus courant en soins intensifs. Le mode volume assisté (VA ou VSV) existe, mais il ne s’est jamais imposé dans la pratique, probablement parce que la variabilité physiologique du volume est la pierre angulaire de la respiration spontanée. Nous nous concentrerons sur l’aide inspiratoire en tant que mode spontané principal.

La ventilation obligatoire intermittente synchronisée (VOIS) sera également abordée plus loin dans ce chapitre. Considéré comme un mode « mixte » (contrôlé et spontané), il n’occupe plus une place importante dans la pratique. Les raisons pour lesquelles la VOIS n’est plus utilisée dans les unités de soins intensifs en Amérique du Nord sont brièvement abordées dans ce manuel.

Un autre mode spontané en plein essor est la ventilation assistée proportionnelle (PAV). La PAV est encore un mode relativement nouveau, mais les nombreuses recherches en cours font en sorte d’augmenter son utilisation dans les soins intensifs. La PAV utilise un logiciel unique offrant une assistance inspiratoire adaptée à l’effort du patient qui révolutionne la façon dont les patients respirent sous respirateur. La PAV ne sera pas traitée en détail dans ce manuel. Cependant, le cours du Collège Sault sur les principes de base de la ventilation mécanique offre de l’information approfondie à ce sujet.

Un clinicien remplit des documents dans une unité de soins intensifs, avec des patients sous respirateur à l’arrière-plan.

La pandémie de COVID-19 a entraîné une augmentation massive du nombre de patients sous respirateur, ce qui a nécessité l’aménagement d’unités de soins intensifs improvisées et le recrutement de nouveaux cliniciens pour répondre à la demande.

Ventilation spontanée avec aide inspiratoire (VSAI)

En VSAI, chaque fois qu’un patient fournit un effort inspiratoire, le respirateur pressurise les voies aériennes au niveau défini pendant l’inspiration spontanée. Le patient est le seul à décider de la fréquence de ses respirations et peut aussi en varier le volume à sa guise. Par exemple, il peut prendre une longue et profonde inspiration s’il le souhaite. Il peut également respirer à intervalles plus rapprochés en prenant de plus petites respirations. Le seul paramètre fixe est le niveau d’aide fourni par le ventilateur. Le respirateur ne peut fournir une pression supérieure à la valeur configurée à moins que le clinicien ne la modifie.

Paramètres de base de la VSAI :

  • AI
  • PEP (à configurer systématiquement sur chaque respirateur)
  • FiO2 (à configurer systématiquement sur chaque respirateur)

Ce qui n’est PAS configuré :

  • FR (le patient déclenche toutes les respirations)
  • Débit ou temps (le patient peut inspirer à la vitesse voulue et cesser d’inspirer quand bon lui semble; le respirateur détecte le début de l’inspiration et le début de l’expiration)

La FiO2 et la PEP doivent être configurées sur tous les respirateurs, ce n’est pas différent pour les modes spontanés. L’AI est le seul autre paramètre qu’un clinicien doit configurer pour ce mode. L’AI doit être configurée de manière à ce que le travail respiratoire reste dans les valeurs normales. Si la ventilation s’avère inefficace, il peut être nécessaire d’augmenter le niveau d’aide ou de passer à un mode contrôlé.

Concept clé

Chaque fois qu’un patient est mis sous respirateur, il faut toujours régler la FiO2 et la PEP. En mode spontané, le patient contrôle la fréquence de ses respirations. La FR n’est donc pas configurée. En VSAI, une pression est configurée pour faciliter chaque respiration déclenchée par le patient. Le volume n’est pas configuré : le patient reçoit le volume d’air qu’il peut obtenir en inspirant d’après sa force et la physiopathologie sous-jacente. Une aide insuffisante peut donner lieu à une fréquence respiratoire élevée et à un petit volume inspiré. Une aide excessive peut entraîner une faible fréquence respiratoire et un volume élevé.

Attribution des éléments visuels

  • Coronavirus, de Fars Media Corporation, sous licence CC BY 4.0

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VSAI pour le sevrage de la ventilation mécanique

Le passage à un mode spontané est l’étape la plus importante que la plupart des patients doivent franchir avant d’être sevrés et extubés. Le sevrage reste la principale raison du recours à la VSAI en milieu clinique. Tant que le patient respire spontanément, l’équipe de soins peut faire l’essai du mode spontané.

En VSAI, l’aide inspiratoire (AI) est réglée à un niveau permettant d’atteindre une fréquence respiratoire raisonnable et un volume courant adéquat déterminé en fonction du poids idéal du patient. On vise ainsi à configurer le niveau d’aide minimal requis pour maintenir une FR et un Vc adéquats.

Une fois le patient sous VSAI, on diminue l’aide inspiratoire en s’assurant que le patient tolère bien le changement, jusqu’à atteindre le réglage minimal. Le clinicien saura que le patient le tolère en surveillant la FR et le travail respiratoire global (moyen mnémotechnique DiapHRaGM) et en évaluant ses analyses sanguines après chaque diminution de l’AI. On diminue généralement l’AI de 1 ou 2 fois par jour en fonction de l’état du patient, mais il ne faut jamais attendre de le faire si le patient peut respirer avec moins d’assistance. L’objectif ultime est de réduire l’AI au réglage minimal aussi rapidement que possible en fonction de l’état du patient et de sa tolérance aux changements.

On vise l’atteinte des paramètres minimums pour l’AI et la PEP (PEP minimale de 5 cmH2O, comme précisé dans les chapitres précédents). Une fois les paramètres minimaux atteints, on peut réaliser une épreuve de ventilation spontanée (EVS). L’EVS reste la norme dans la plupart des unités de soins intensifs pour vérifier si le patient est prêt à être séparé du respirateur. Lors d’une EVS, les patients sont soumis à des réglages minimaux (de légères variations de pression peuvent être observées d’un hôpital à l’autre, mais la plupart sont de l’ordre de 5 à 7 cmH20). La FR, le travail respiratoire et les signes vitaux sont surveillés pendant toute la durée de l’épreuve. Si les signes vitaux restent dans les valeurs normales après environ 30 minutes, une gazométrie est généralement effectuée pour s’assurer que les valeurs sont normales. Si les résultats de la gazométrie sont bons, le patient a réussi l’EVS et on peut procéder à l’extubation si tous les autres critères sont remplis et que le médecin le recommande.

Ne vous inquiétez pas! La gazométrie est abordée en détail au chapitre 8.

La vie après la ventilation

À quoi ressemble la vie des patients en rétablissement qui ont été ventilés et sevrés? La pandémie de COVID-19 nous a donné une formidable occasion de recueillir des données sur l’expérience des patients après la ventilation. Pour en savoir plus, regardez la vidéo de NBC News NOW où des survivants de la COVID-19 témoignent de leur expérience :

 

Un ou plusieurs éléments interactifs ont été exclus de cette version du texte. Vous pouvez les visualiser en ligne ici : https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=122#oembed-2

Pour obtenir la transcription de la vidéo, cliquez sur « Regarder sur YouTube » pour accéder à la source. Vous pourrez accéder à la transcription sur YouTube.

Voici quelques sources d’information sur le rétablissement après la ventilation mécanique :

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Aide inspiratoire : Configuration des paramètres

Les valeurs normales de l’aide inspiratoire (AI) se situent entre 5 et 20 cmH2O, selon les besoins du patient. Dans la plupart des cas, ce paramètre n’est jamais sous le seuil de 5 cmH2O. Le seuil minimal de 5 cmH2O est largement considéré comme nécessaire pour surmonter la résistance que le tube endotrachéal ajoute artificiellement.

Exemple pratique

Une petite fille souffle dans une paille sur de la peinture à l’eau pour créer une œuvre d’art.

L’intubation équivaut à « respirer par une paille ». Imaginez que vous essayez de respirer (inspiration et expiration) par une paille pendant plus de deux minutes. Au bout d’un certain temps, il peut devenir difficile d’aspirer l’air assez vite pour bien remplir les poumons.

L’AI de 5 cmH2O donne une petite poussée à l’air pour l’aider à entrer plus rapidement et compenser la difficulté supplémentaire que représente le tube endotrachéal. Ce seuil minimal est souvent appelé « paramètre minimal ». Il n’y a donc pas lieu de configurer l’AI en deçà de 5 cmH2O, sauf en cas d’avis contraire du médecin.

Comme la VSAI vise à permettre au patient de déclencher les cycles respiratoires à sa propre vitesse, la surveillance de la tolérance commence par la surveillance de la respiration. Lorsque le patient se fatigue ou que son travail respiratoire augmente, la fréquence respiratoire augmente normalement et le volume courant peut être insuffisant pour combler ses besoins physiologiques. Ces effets peuvent être observés assez rapidement après l’apport d’un changement. Si la fréquence respiratoire dépasse les valeurs moyennes physiologiques (12-25 resp./min), ce peut être un signe que le patient ne tolère pas le niveau d’aide programmé. Il serait alors indiqué d’augmenter l’AI. De plus, il convient d’examiner le volume courant administré au patient. Si ce paramètre est bien en deçà des valeurs normales (6-8 ml/kg) pour son poids idéal (comme indiqué au chapitre 5), il s’agit d’un autre signe que l’aide est insuffisante. La fréquence cardiaque et la pression artérielle sont d’autres paramètres pouvant indiquer que l’assistance ventilatoire est insuffisante. Une augmentation de 20 % par rapport aux valeurs initiales après le changement peut indiquer que le patient ne le tolère pas.

Il est important de se rappeler que certaines populations de patients ont des fréquences respiratoires plus élevées que les valeurs normales. Dans certains cas, le maintien d’une fréquence respiratoire élevée peut être autorisé. Il y a lieu de suivre les directives du médecin pour une population de patients donnée.

Une fois l’aide inspiratoire augmentée, on peut observer le patient pour voir si le travail respiratoire s’améliore, si la fréquence respiratoire diminue ou si le volume courant augmente. Une gazométrie artérielle peut être envisagée pour s’assurer que l’état du patient s’améliore.

Inversement, une aide inspiratoire configurée à une valeur plus élevée que nécessaire peut se traduire par une fréquence respiratoire trop faible (moins de 12 resp./min) ou un volume courant qui dépasse les valeurs sécuritaires de 4 à 8 ml/kg. La section sur le calcul du poids idéal est utile pour valider les valeurs adéquates du volume courant. Il faut augmenter ou diminuer rapidement l’aide inspiratoire, et ce, en quelques minutes seulement, jusqu’à ce que le volume courant se situe dans la plage de valeurs normales pour le poids idéal du patient et que la fréquence respiratoire soit dans les valeurs normales. L’aide inspiratoire ne doit pas être maintenue à un niveau plus élevé que nécessaire pendant une longue période, car cette situation peut conduire à une surassistance ou, dans des cas extrêmes, à l’asynchronisme ou à des respirations manquées.

Remarque : Si vous diminuez l’AI en raison d’un volume courant élevé, ne descendez pas sous le seuil minimal de 5 cmH2O. Une fois ce seuil atteint, restez-y. La pression subie par les poumons est très faible et sécuritaire. Si le volume courant est encore trop élevé, ce pourrait être un signe que le patient est prêt pour l’extubation, le retrait du tube endotrachéal et l’arrêt de la ventilation mécanique.

Paramètres initiaux de l’aide inspiratoire

Paramètre Configuration de départ Instructions supplémentaires
PEP Utiliser la même PEP que celle utilisée dans le mode contrôlé précédent
ou
Commencer par une PEP de 5 cmH2O et l’augmenter de 1 à 2 cmH2O au besoin pour faciliter l’administration d’oxygène. Remarque : 5 cmH2O est le seuil minimal; une valeur supérieure à 10 cmH2O doit être approuvée par un médecin.
La modification de la PEP doit se faire en tandem avec la FiO2, et ce, environ toutes les 30 minutes. Il faut du temps pour que les effets du changement de la PEP soient visibles, car la modification de la pression de distension s’accompagne du recrutement d’alvéoles collabées au fil du temps.
FiO2 Utiliser la même FiO2 qu’au mode de contrôle précédent
ou
Commencer à 100 % et diminuer rapidement afin de maintenir la SpO2 souhaitée. Si le patient n’a pas besoin d’un grand apport d’oxygène avant l’AI, commencer à 50 % et augmenter ou diminuer le pourcentage jusqu’à atteindre la SpO2 cible de 92 à 99 %.
La FiO2 peut être ajustée dans les 3 à 4 minutes qui suivent le monitorage de la SpO2. Il faut viser la FiO2 minimale pour atteindre une SpO2 se situant dans les valeurs normales.
AI (aide inspiratoire) Il est raisonnable de commencer par 10 cmH2O et d’ajuster l’AI en quelques minutes après avoir surveillé la FR et le Vc du patient, sans dépasser les seuils décrits ci-dessus. Remarque : AI minimale de 5 pour surmonter la résistance imposée par le tube. Ne pas descendre sous ce seuil, sauf avis contraire d’un médecin.
En cas d’ajustement de l’AI, toujours réaliser une gazométrie artérielle dans les 30 à 60 minutes pour valider la tolérance du patient.
Seuils de déclenchement et autres paramètres Aucun changement des réglages par défaut, sauf avis contraire du médecin ou d’un praticien compétent en ventilation. Les paramètres par défaut conviennent à 95 % des patients. Pour les stratégies de ventilation de base, aucun ajustement n’est nécessaire. Les prestataires de soins compétents peuvent modifier ces paramètres.

Examinons quelques cas!

Étude de cas A

Un patient est sous ventilation assistée contrôlée (VAC). Les cliniciens ont commencé à diminuer la sédation et veulent essayer de passer à un mode spontané pour commencer à sevrer le patient de la ventilation mécanique. Voici les paramètres de la VAC :

  • FR : 14 resp./min (FR du patient : 18 resp./min)
  • Vc : 380 ml (6 ml/kg)
  • PEP : 8 cmH2O
  • FiO2 : 0,40

Ce patient est-il un bon candidat à la VSAI?

Oui! Il a des respirations spontanées et sa FR est supérieure aux paramètres configurés. Avant de passer à la VSAI, le praticien doit faire une gazométrie pour s’assurer que le taux de CO2 est dans les valeurs normales. Si les résultats sont normaux et que les signes vitaux sont stables, le patient est considéré comme un bon candidat.

Quels seraient les paramètres de départ?

Changez de mode pour mettre le patient sous VSAI. Avant d’accepter les changements, sélectionnez les réglages choisis pour la PEP, la FiO2 et l’AI. Pour ce patient, les réglages initiaux de la VSAI pourraient être les suivants :

  • PEP : 8 cmH2O (identique au mode contrôlé précédent)
  • FiO2 : 0,40 (identique au mode contrôlé précédent)
  • AI : 10 cmH2O

Rappel : La « normalité » varie d’un patient à l’autre. Avant de passer à la VSAI, il convient d’examiner le travail respiratoire, la FR (18 resp./min) et les signes vitaux (fréquence cardiaque et pression artérielle) pour établir les valeurs de référence.

Que faites-vous maintenant?

Surveillez le patient pendant environ 5 minutes pour évaluer la FR, le volume courant, le travail respiratoire et les signes vitaux.

Le clinicien doit viser une FR de 12 à 25 resp./min et un volume courant à peu près identique au volume du mode VAC précédent. Surveillez les signes d’augmentation du travail respiratoire et les signes vitaux pour détecter tout changement de 20 % ou plus par rapport aux valeurs de référence. Si l’état du patient s’aggrave, augmentez l’AI de 1 à 2 cmH2O et poursuivez l’observation pour déceler une amélioration. Si le volume courant est plus élevé qu’en mode VAC ou si la FR se situe dans les plus faibles valeurs normales, essayez de diminuer l’AI de 1 à 2 cmH2O et procédez aux mêmes évaluations que celles mentionnées ci-dessus. N’oubliez pas! Nous visons l’AI minimale tolérée pour permettre au patient de respirer confortablement sans augmenter le travail respiratoire.

Le patient semble tolérer le changement. Quelle est la suite?

Refaites une gazométrie après 30 minutes et si tout semble bon, envisagez de diminuer l’AI dans les heures qui suivent jusqu’à atteindre les paramètres minimums. À ce moment, le patient pourrait être candidat à l’extubation.

Étude de cas B

Un patient souffrant d’hypoxie sévère est intubé en raison de besoins croissants en oxygène. Après l’intubation initiale, avant d’être mis sous respirateur, il se réveille et respire spontanément. Le thérapeute respiratoire a essayé de mettre le patient sous ventilation en pression contrôlée (VPC), mais le patient cause le double déclenchement du cycle respiratoire et a des problèmes d’inconfort. Au lieu d’instaurer une sédation profonde, le thérapeute respiratoire tente de mettre le patient sous ventilation spontanée avec aide inspiratoire pour voir s’il peut continuer à respirer par lui-même.

Ce patient est-il candidat à la VSAI?

Peut-être. Il a une commande respiratoire intacte et l’aide inspiratoire lui offrirait probablement un meilleur confort, mais l’hypoxie peut indiquer que le patient ne sera pas stable en mode spontané. Il y a lieu de surveiller de près l’état d’oxygénation du patient et d’analyser ses résultats de gazométrie pour détecter toute détérioration, auquel cas le patient doit être mis sous sédation et ventilation contrôlée.

Quels seraient les paramètres de départ?

Puisque le patient est intubé principalement pour un problème d’oxygénation, la FiO2 doit être configurée à 1,0 avec une PEP plus élevée (si le médecin le juge acceptable), probablement à 10 cmH2O pour commencer. L’AI peut être configurée à 10 cmH2O au départ, puis augmentée si la FR est élevée ou si le volume courant est faible.

Que faites-vous maintenant?

La FiO2 peut être diminuée en surveillant la SpO2 dans les minutes suivantes. Il faut surveiller les signes vitaux, la FR et le travail respiratoire pour déterminer s’il faut augmenter le niveau d’aide inspiratoire. Si le volume courant est trop élevé et que le patient ne tolère pas l’aide inspiratoire, l’AI peut être diminuée jusqu’à ce que le volume revienne dans les valeurs normales de 4 à 8 ml/kg, tant que le patient ne présente pas de signes d’intolérance comme une augmentation du travail respiratoire (rappelez-vous le moyen mnémotechnique DiapHRaGM).

Le patient semble tolérer l’aide inspiratoire. Quelle est la suite?

Il faut surveiller les résultats de la gazométrie pour s’assurer que le patient tolère ce mode. Si l’état du patient change, les paramètres doivent être augmentés au niveau précédent mieux toléré. En cas de changement important, il y a lieu d’envisager la sédation et la ventilation contrôlée si les résultats de la gazométrie sont préoccupants.

Il est important de se rappeler que, comme la VSAI implique un cycle respiratoire déclenché par le patient, le fait de changer le niveau de l’aide inspiratoire ne modifiera pas nécessairement le volume courant ou la fréquence respiratoire du patient. Parfois, le contrôle neurologique de la respiration reste inchangé. Voici deux situations courantes qui correspondent à ce scénario :

Exemple no 1 : Acidocétose diabétique

Le patient est susceptible d’être tachypnéique (respiration rapide) et de présenter un volume minute (volume insufflé par minute, calculé en multipliant le volume courant par la fréquence respiratoire) élevé. La tachypnée pourrait être interprétée par certains comme une augmentation du travail respiratoire. Augmenter le niveau d’aide inspiratoire ne diminuera pas la fréquence respiratoire. Le patient restera probablement tachypnéique, peu importe le mode utilisé ou les paramètres configurés. La tachypnée n’indique pas que la ventilation est inefficace, Il s’agit plutôt d’un symptôme de la physiopathologie de la maladie.

Exemple no 2 : Sédation excessive et réveil anesthésique

Un patient qui a reçu une grande quantité de sédatifs ou de narcotiques respire généralement très lentement et présente un volume courant élevé. Parfois, la fréquence respiratoire peut être inférieure à 10 resp./min avec un volume courant bien au-delà des valeurs indiquées d’après le poids idéal du patient. La diminution de l’AI jusqu’au minimum peut parfois encore révéler un volume courant trop élevé et une fréquence respiratoire en deçà des valeurs normales. Ces effets se résorbent normalement lorsque la sédation s’estompe. Il y a lieu d’envisager de diminuer encore plus la sédation ou de permettre au patient de se réveiller davantage.

Attribution des éléments visuels

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Mise en garde

La VSAI comporte deux lacunes. Elles résident dans la manière dont le cycle respiratoire est déclenché et interrompu pour l’administration de la pression.

Lorsque le respirateur détecte la respiration du patient, l’aide inspiratoire est activée et pousse l’air dans les poumons à la pression configurée. Le déclencheur correspond généralement à un seuil de débit que le patient doit atteindre pour déclencher un cycle. Ce débit est généralement compris entre 2 et 5 L/min. Si l’on ramène ce débit à la fraction de seconde nécessaire au respirateur pour détecter une respiration, il suffit d’aspirer quelques millilitres d’air. Très peu d’effort est donc nécessaire pour activer l’aide inspiratoire.

Cette pression continue d’être délivrée jusqu’à ce que les capteurs indiquent au respirateur que le patient a fini de respirer. La plupart des variantes de la VSAI utilisent un pourcentage de décroissance du débit pour interrompre l’aide inspiratoire. Le respirateur doit donc détecter une diminution de la quantité d’air insufflée dans les poumons. Normalement, cette diminution se produit naturellement lorsque le diaphragme est à son point le plus bas et que les poumons se remplissent. La vitesse à laquelle l’air est aspiré diminue naturellement en fin d’inspiration. Ce ralentissement conduit à l’arrêt de la pression d’insufflation, et les poumons se dégonflent alors passivement. Rappelez-vous que la pression exercée sur un système fermé est toujours égale au volume insufflé.

C’est pourquoi, dans certains cas, les patients sont capables de diriger l’AI à la manière d’un mode contrôlé. Ils déclenchent le cycle par un léger effort inspiratoire pour activer l’aide inspiratoire, mais permettent ensuite au respirateur d’insuffler l’air à la pression d’aide réglée, sans avoir à fournir d’effort supplémentaire pour inspirer. La pression continuera à pousser l’air dans les poumons, comme en cas de ventilation contrôlée, jusqu’à ce que le seuil de diminution du débit soit atteint. Comme la compliance des poumons diminue spontanément au fil de l’inspiration, lorsque les poumons sont bien remplis, la compliance exerce une pression opposée qui fait naturellement ralentir l’entrée d’air. La phase expiratoire se déclenche alors d’elle-même, sans que le patient ait à intervenir. En fait, le patient n’a qu’à fournir un effort inspiratoire minime en inspirant quelques millilitres d’air pour obtenir de l’aide inspiratoire jusqu’à ce que les poumons soient assez remplis pour expirer par eux-mêmes. Un niveau d’aide élevé est plus susceptible de causer ce scénario.

Exemple pratique

Pour cette mise en situation, imaginez un pendule à billes à mouvement perpétuel, communément appelé un pendule de Newton. Il permet de générer un mouvement ininterrompu avec très peu d’effort.

Un moyen simple pour s’assurer que l’aide inspiratoire n’agisse pas comme un mode contrôlé est de limiter le niveau d’aide afin d’éviter tout risque de surassistance. Si l’aide inspiratoire est maintenue au plus bas niveau possible, le patient ne pourra pas obtenir un volume courant adéquat en laissant passivement la pression pousser l’air dans ses poumons. Il devra alors fournir un effort inspiratoire pour atteindre le volume courant exigé par sa fonction neurologique. Vous pouvez viser une AI minimale en vous assurant que la FR du patient n’est pas trop basse (moins de 12) et que les volumes inspirés se situent dans les valeurs normales (pas plus de 8 ml/kg de poids idéal).

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Ventilation obligatoire intermittente synchronisée (VOIS)

Quel que soit votre degré d’exposition à la ventilation, il sera un jour question du mode de ventilation obligatoire intermittente synchronisée (VOIS) dans votre formation ou votre carrière. Ce mode n’est pas abordé en détail dans ce manuel puisqu’il n’est plus considéré comme une pratique exemplaire en ventilation mécanique.

La VOIS peut être difficile à comprendre, car il s’agit généralement d’une combinaison de respirations contrôlées, assistées et spontanées. Ce mode est peu utilisé dans la plupart des unités de soins intensifs en raison des nombreuses recherches qui ont révélé des problèmes d’asynchronisme et d’hospitalisation prolongée.

Même s’il est tentant de ne pas l’aborder, la VOIS est toujours mentionnée dans la plupart des manuels de ventilation et enseignée dans certaines professions en tant que stratégie de ventilation courante. La théorie à l’origine de son adoption, les inconvénients et les recherches qui témoignent des failles inhérentes à ce mode sous sa forme actuelle font l’objet de la suite de ce texte.

Un prestataire de soins ajuste un respirateur.

Un prestataire de soins prépare l’utilisation d’un nouveau respirateur.

Leçon d’histoire

Par le passé, le protocole de sevrage de la ventilation mécanique impliquait le réveil sous ventilation contrôlée et le sevrage de la sédation. Dès que le patient était assez réveillé pour commencer à lutter contre le respirateur, il était extubé. Il n’y avait pas de modes de ventilation assistée, et le sevrage n’était pas aussi bien compris. Comme vous pouvez l’imaginer, cette approche brutale a causé d’importants problèmes allant de l’atrophie musculaire au stress post-traumatique chez le patient.

Dans les années 1970, on a imaginé un mode de sevrage qui permettrait de diminuer par intervalles la fréquence de la ventilation obligatoire pour permettre au patient de respirer spontanément. Ce mode de ventilation obligatoire intermittente s’est imposé comme la norme de soins en ventilation dans les années 1980 à 2000. Le clinicien configurait une fréquence minimale obligatoire et, au-delà de ce seuil, le patient inspirait spontanément le volume d’air qu’il pouvait retirer du débit de base. La fréquence obligatoire est diminuée régulièrement, jusqu’à ce que le patient respire de manière totalement spontanée. On estimait que cette transition graduelle vers la respiration spontanée augmentait lentement le travail respiratoire du patient, de manière contrôlée et progressive.

Il est important de comprendre que ce mode n’était pas du tout synchronisé avec le patient. Si la fréquence respiratoire obligatoire était fixée à 10 resp./min, toutes les 6 secondes, le respirateur insufflait un volume contrôlé complet, tel que défini par le clinicien, peu importe que le patient soit déjà en train de respirer et qu’il en ait besoin ou non. Le respirateur ne tenait aucunement compte du patient.

Les chercheurs et les cliniciens ont rapidement constaté les problèmes d’asynchronisme et d’hyperinflation dynamique inhérents à ce mode et ont trouvé une solution pour synchroniser la ventilation mécanique avec la respiration du patient. Ils ont programmé une fenêtre d’environ 0,5 seconde autour de la ventilation obligatoire programmée qui offrirait une assistance respiratoire contrôlée à toute respiration spontanée dans cette fenêtre. Si aucun effort respiratoire n’était détecté, le respirateur insufflait un volume contrôlé complet. C’est ainsi qu’est née la ventilation intermittente obligatoire synchronisée (ou VOIS).

Dans les dernières décennies, la recherche a mis en lumière les problèmes de sevrage par VOIS. Des études ont commencé à démontrer que la diminution séquentielle de la fréquence obligatoire ne permettait pas au patient de reprendre progressivement le contrôle de son travail respiratoire. Les études ont plutôt mis en évidence l’incapacité du corps à adapter l’effort en fonction de l’aide reçue. Autrement dit, le travail respiratoire du patient reposait sur le niveau d’effort fourni lors des respirations spontanées non assistées. Ces respirations spontanées ne bénéficiaient d’aucune assistance. Les patients respiraient alors sans aucune aide inspiratoire et devaient surmonter la résistance du tube endotrachéal par leurs propres moyens. Par conséquent, même si certaines respirations bénéficiaient d’une aide inspiratoire, le respirateur n’arrivait pas pour autant à décharger les muscles respiratoires. Même les respirations entièrement assistées ont montré un niveau élevé de travail respiratoire, car la commande respiratoire neurologique attendait le travail des respirations spontanées non assistées et n’était pas en mesure de s’adapter aux niveaux d’assistance variables.

Les fabricants de respirateurs ont à nouveau tenté de régler ces problèmes en ajoutant une fonction supplémentaire à la VOIS. L’aide inspiratoire a été ajoutée aux respirations spontanées pour tenter de soulager la fatigue respiratoire observée. Les modes VOIS actuels fonctionnent désormais tous comme un véritable mode mixte, passant souvent d’un mode contrôlé à un mode assisté, comme la VPC et la VSAI, en fonction de la fenêtre temporelle définie par la fréquence minimale. Malgré tout, ce mode présente encore des lacunes. Aucun avantage n’a été relevé dans l’utilisation de la VOIS par rapport aux modes contrôlés standard suivis d’une transition vers un mode assisté.

Pour enfoncer le clou, la tendance actuelle dans la recherche médicale est d’étudier la corrélation directe entre les taux élevés d’asynchronisme et l’augmentation du nombre de jours sous respirateur. La VOIS reste l’un des principaux coupables, avec une incidence élevée d’asynchronisme et de nombreuses études indiquant un retard potentiel dans le processus de sevrage et une augmentation du nombre de jours sous respirateur.

Chaque seconde passée sous respirateur doit être considérée comme extrêmement importante. Nous avons déjà vu dans ce chapitre les conséquences de la ventilation mécanique sur un patient. L’utilisation d’un mode qui peut potentiellement retarder le sevrage ou provoquer des dysfonctions n’est pas nécessaire s’il existe une autre option qui pourrait fonctionner aussi bien avec moins d’inconvénients.

Bien qu’ayant été le mode de ventilation le plus utilisé, la VOIS a rapidement été délaissée dans la pratique actuelle des soins intensifs. Certaines études ont montré que l’utilisation de la VOIS par des cliniciens expérimentés, avec une sélection rigoureuse des patients, peut être sûre et efficace. Ce mode est encore utilisé dans les populations néonatales ainsi qu’en contexte postopératoire sous sédation persistante.

Bien que la VOIS ne soit pas couramment utilisée, le principe de base n’a pas été abandonné. Des dérivés de ce mode peuvent être observés dans les modes spécialisés sous plusieurs formes. Qui plus est, le domaine de la ventilation mécanique est en constante évolution. Les développements futurs pourraient ramener ce mode à l’avant-garde de la médecine bien que, dans ce cas, ce sera sûrement sous un autre nom.

En raison des points à considérer ci-dessus, ce manuel n’aborde pas les réglages et l’utilisation de la VOIS. Veuillez vous référer aux politiques et procédures internes si ce mode est utilisé dans votre établissement.

Une pratique éclairée est de mise. Il se peut que vous vous retrouviez un jour dans une situation où l’on utilise couramment ce mode dépassé, car la VOIS est encore utilisée par des praticiens non informés des recherches récentes. Maintenant que vous comprenez mieux pourquoi la VOIS n’est pas le meilleur choix pour l’assistance respiratoire, envisagez de défendre les intérêts des patients en transmettant vos connaissances.

Un plaidoyer efficace consiste notamment à s’appuyer sur des recherches crédibles et récentes pour étayer ses affirmations. Par exemple, les deux ressources suivantes expliquent pourquoi on doit abandonner la VOIS :

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Conclusion

Maintenant que vous avez atteint la fin du chapitre 6, vous devriez avoir une compréhension bien plus approfondie des modes spontanés et savoir quand il convient de les utiliser. Vous devez être en mesure de décrire la ventilation spontanée avec aide inspiratoire (VSAI) et comprendre pourquoi il s’agit du mode spontané le plus utilisé, par opposition à d’autres modes comme la VOIS, qui a été grandement délaissée. Enfin, vous devriez pouvoir décrire le rôle de l’épreuve de ventilation spontanée (EVS) dans le sevrage de la ventilation mécanique.

Trois étudiants en tenues médicales s’entraînent à intuber un bénévole.

Trois étudiants en tenues médicales s’entraînent à pratiquer l’intubation. Ils comprennent que la ventilation mécanique ainsi que les autres traitements respiratoires sont cruciaux et sauvent d’innombrables vies.

Bilan

Passez en revue les éléments importants du chapitre :

  • On utilise toujours un mode spontané lorsque le patient peut déclencher un cycle respiratoire.
  • On utilise un mode spontané auprès de différentes populations de patients :
    • Patients tachypnéiques ou fatigués pouvant avoir besoin d’une aide inspiratoire pour les décharger du travail respiratoire
    • Patients en sevrage du respirateur
  • L’AI peut varier de 5 à 20 cmH2O, et le réglage est constant pour chaque respiration, à moins qu’il ne soit modifié par le prestataire de soins.
  • Le seuil minimal de l’AI est d’environ 5 cmH2O.
  • On procède à une EVS pour vérifier si un patient est candidat à l’extubation.
  • L’EVS demande d’avoir atteint les paramètres minimums de l’AI et de la PEP.
  • La VOIS n’est plus la norme de soins pour le sevrage en raison des problèmes d’asynchronisme et d’augmentation du travail respiratoire.

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Test du chapitre 6

Questionnaire du chapitre 6

Voyez à quel point vous avez réussi à assimiler la matière abordée dans ce chapitre en répondant aux 5 questions suivantes. N’oubliez pas de consulter votre score!

 

Un élément interactif H5P a été exclu de cette version du texte. Vous pouvez le consulter en ligne ici :
https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=129#h5p-6

Poursuivez votre apprentissage

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VII

Chapitre 7 | Ventilation non invasive

Par définition, toute application d’une pression positive sur les poumons est une forme de ventilation. Les deux types de ventilation invasive (contrôlée et spontanée) ont été abordés dans les chapitres précédents. À présent, découvrons la ventilation non invasive (VNI).

Le chapitre couvre les aspects suivants :

  • Qu’est-ce que la ventilation non invasive?
  • VPPC et BPAP : définitions et utilisations
  • Indications et contre-indications de la VNI
  • À quel type de patientèle convient la VNI?
  • Réglages initiaux et dosage de la VNI
  • Évaluation de l’efficacité de la VNI

Application

La ventilation invasive doit être utilisée le moins possible, uniquement en cas de nécessité et pendant la plus courte durée possible, car elle provoque davantage de traumatismes pour les poumons que la VNI. La meilleure option pour maintenir un taux normal d’oxygène et de CO2 serait une ventilation non invasive, généralement une ventilation à deux niveaux de pression positive (BPAP). Le chapitre présente les situations propices à la VNI comme option sécuritaire, les paramètres initiaux et les ajustements courants en plus de s’intéresser à l’évaluation du degré d’efficacité de la VNI. En somme, ces connaissances vous permettront d’utiliser efficacement la VNI dans votre pratique des soins de santé.

Objectifs d’apprentissage

Voici ce que vous pourrez faire à la fin de ce chapitre :

  1. Définir la ventilation non invasive avec des exemples à l’appui.
  2. Expliquer pourquoi la VPPC n’est pas un mode de ventilation.
  3. Savoir quand utiliser la ventilation non invasive.
  4. Régler les paramètres initiaux de la ventilation non invasive.
  5. Évaluer l’efficacité de la ventilation non invasive au cas par cas.

Principaux termes

  • Ventilation non invasive (VNI)
  • Pression positive
  • Ventilation à deux niveaux de pression positive (BPAP)
  • Ventilation en pression positive continue (VPPC)
  • Pression expiratoire positive (PEP)
  • Pression inspiratoire positive (PIP)
  • Aspiration
  • Perméabilité des voies respiratoires

Ces termes apparaissent en gras lorsqu’ils sont utilisés pour la première fois dans le chapitre. Pour en savoir plus sur ces termes, vous pouvez les chercher dans le Grand dictionnaire terminologique.

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Qu’est-ce que la ventilation non invasive?

La ventilation invasive utilise un tube endotrachéal pour créer un système complètement scellé. En revanche, l’administration d’une pression positive sans ce tube est une ventilation non invasive (VNI). Par ailleurs, le système n’est pas complètement scellé. La pression positive est généralement acheminée par un respirateur dans un circuit, mais au moyen d’un masque ajusté avec des sangles au lieu du tube endotrachéal. En raison des fuites et de certaines zones ouvertes du circuit, il est impossible de contrôler totalement la ventilation avec le masque. Par conséquent, peu importe la pression appliquée, elle n’agira pas pleinement sur les poumons. Une partie de l’air s’échappe en raison des fuites dans le circuit ou le masque. Il existe de nombreuses similitudes entre ventilation invasive et ventilation non invasive, qui sont sujettes à beaucoup de règles similaires. Il est important de connaître les principales différences, car elles jouent un rôle crucial dans l’utilisation et l’application des thérapies.

Un appareil de VPPC et un masque

Bon nombre de personnes connaissent les appareils de VPPC, couramment utilisés à domicile pour traiter l’apnée du sommeil.

Retour à l’arborescence de la ventilation

Le volet invasif dans l’arborescence a déjà été abordé en détail. À présent, de nouveaux concepts sont présentés pour y inclure la VNI :

La ventilation se divise en deux branches : 1) ventilation invasive et 2) ventilation non invasive.

Certains principes s’appliquent autant à la ventilation invasive qu’à la ventilation non invasive. D’une certaine manière, la VNI se rapproche de la ventilation spontanée, car elles suivent plusieurs principes similaires comme l’application d’une pression sur les poumons pour qu’ils se gonflent et se dégonflent facilement de manière à éliminer le CO2. La VNI est donc une méthode de ventilation et contribue à l’amélioration de l’oxygénation.

La ventilation non invasive (VNI) est généralement appelée ventilation à deux niveaux de pression expiratoire positive (BPAP). Les deux termes sont corrects et interchangeables.

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Ventilation en pression positive continue (VPPC)

Lorsqu’il est question de masque et de pression, la plupart des gens pensent à la ventilation en pression positive continue et aux appareils de ventilation en pression positive continue (appareil de VPPC). La VPPC est généralement utilisée à domicile par les personnes atteintes d’apnée obstructive du sommeil. Bien qu’il s’agisse de pression appliquée, la VPPC n’est pas considérée comme une méthode de ventilation pour une simple raison : ventilation en pression positive continue, tout est dans le nom. La pression est appliquée de façon constante (ou continue) à travers le circuit ou le masque. Bien que ce chapitre la présente comme un traitement non invasif, il ne s’agit pas d’une méthode de ventilation non invasive (VNI). Ventilation équivaut à évacuer le dioxyde de carbone. En effet, le CO2 est éliminé pendant l’expiration, et pour en éliminer un taux plus important, il faut prendre une plus grande inspiration et, surtout, une plus grande expiration. Pour que les poumons se gonflent davantage, une pression plus élevée doit être appliquée pendant l’inspiration. Or, la VPPC est constante et ne modifie pas la pression appliquée pour augmenter le volume courant et ne contribue donc pas à l’élimination du CO2.

Illustration d’un homme endormi utilisant un appareil de VPPC. L’appareil de VPPC porte une inscription.

Les appareils de VPPC fournissent une pression constante et ne sont donc pas des respirateurs.

Le principal avantage de la VPPC est que le patient inspire spontanément et expire en contrant la pression réglée.  L’expiration en pression positive produit une contre-pression qui augmente la quantité d’air restant dans les poumons à la fin de la respiration. Une telle réaction peut favoriser une ouverture des voies respiratoires ou des alvéoles, soit l’effet de contention pneumatique interne.

Exemple pratique

Un garçon souffle dans une paille pour étaler la peinture.
Pour expliquer la contre-pression, imaginez que vous expirez dans une fine paille. Vous sentez une résistance. Remarquez-vous la pression dans vos poumons lorsque vous essayez de souffler dans la paille étroite? Cette pression accrue est bel et bien réelle. L’expiration soumise à une pression d’air constante, comme la VPPC, entraîne la même réaction. Une telle pression dans les poumons retient l’air supplémentaire dans toutes les zones des poumons et favorise l’ouverture de toutes les zones d’affaissement. Il s’agit d’une contre-pression qui provoque l’effet de contention pneumatique interne.

Cet effet peut être bénéfique en cas de problèmes pulmonaires spécifiques. Il favorise l’ouverture des alvéoles affaissés. Le fait que des alvéoles participent davantage à l’échange d’air améliore la ventilation. De plus, un autre avantage est observé chez les personnes présentant des symptômes d’apnée obstructive du sommeil. La VPPC empêche l’affaissement et la fermeture des tissus mous de la région nasopharyngée. D’une certaine manière, la VPPC est similaire à la PEP, mais elle est appelée différemment, car le mode de ventilation en question est non invasif.

Elle est généralement utilisée pour les patients qui ont besoin d’aide pour le recrutement ou l’ouverture des voies respiratoires. Cependant, en soins intensifs et en milieu hospitalier, la VNI (BPAP) est généralement privilégiée, car elle permet de mieux contrôler l’oxygénation et la ventilation. De fait, ce manuel s’attarde sur la VNI plutôt que sur la VPPC, car elle est beaucoup plus utilisée en soins intensifs.

Concept clé

La ventilation en pression positive continue (VPPC) est l’application d’une pression constante. La pression demeure la même quand le patient inspire et expire. Elle ne change pas à moins que la pression réglée soit augmentée ou diminuée. La VPPC peut contribuer à l’oxygénation, car elle favorise le recrutement pulmonaire ou permet de maintenir les voies respiratoires ouvertes. En revanche, elle ne contribue pas à l’élimination du CO2 et n’est pas considérée comme une méthode de ventilation non invasive (VNI).

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BPAP (VNI)

Le terme BPAP (ou BiPAP) est l’acronyme anglais désignant la ventilation par pression positive à deux niveaux (Biphasic Positive Airway Pressure). La lettre « B » renvoie au préfixe « Bi », qui désigne les deux niveaux de pression, et l’acronyme « PAP » désigne l’utilisation de la pression positive. Par conséquent, la BPAP est l’application de deux pressions distinctes au patient par l’entremise d’un circuit rattaché à un masque. Comme le nom anglais l’indique, c’est une ventilation de type « bi-niveau » qui se déploie en deux phases : à l’inspiration et à l’expiration. En contexte de BPAP, on programme d’abord la pression à une valeur de référence (comme pour la VPPC) qui demeure tout au long de l’inspiration et de l’expiration. La distinction entre la BPAP et la VPPC se révèle lorsque le patient déclenche une respiration : la BPAP augmente alors la pression tandis que la VPPC la maintient à sa valeur de référence.

Une patiente vêtue d’une jaquette est redressée dans un lit d’hôpital et porte un masque BPAP.

La BPAP est la méthode de ventilation non invasive utilisée en milieu hospitalier pour les patients chez qui elle est indiquée.

La distinction la plus importante entre la BPAP et la VPPC s’axe sur la pression contrôlée que la BPAP peut fournir. En procurant une aide pour augmenter le volume courant naturel du patient, la BPAP lui permet d’expirer plus de dioxyde de carbone (CO2). Comme la ventilation mécanique invasive, la BPAP peut aider à corriger un taux élevé de CO2 découlant d’une insuffisance respiratoire. Puisqu’elle contribue à évacuer le CO2, la BPAP est une méthode de ventilation. La BPAP est aussi appelée ventilation non invasive ou VNI.

Ce type de ventilation perçoit que le patient déclenche une inspiration et fait grimper la pression à une valeur programmée plus élevée. À la fin d’une inspiration, quand le patient expire, la pression revient à sa valeur de référence. Comme pour la VPPC, le patient expire contre la faible pression et tire ainsi profit de l’effet d’attelle pneumatique tout en contribuant au recrutement pulmonaire. Cette faible pression est appelée pression positive expiratoire (PPE). L’étape inspiratoire à pression élevée permet de faciliter l’acheminement au patient d’une respiration plus ample que celle qu’il aurait pu déclencher de lui-même, en « poussant » l’air dans ses poumons.

Concept clé

L’application de pression vers les poumons est identique à l’application d’un volume d’air. L’augmentation de la pression aide les poumons à se gonfler à un volume plus important et favorise l’évacuation du CO2.

La VNI est comparable à la ventilation spontanée avec aide inspiratoire (VSAI) en contexte de ventilation invasive. La pression élevée est appelée pression inspiratoire positive (PIP). Plus la pression appliquée est élevée, plus l’augmentation de la respiration du patient est importante. D’une certaine façon, la BPAP ou VNI peut être considérée comme la version non invasive de la VSAI. Elle est soumise à plusieurs des mêmes règles. Par exemple, le patient doit disposer d’une commande respiratoire intacte et doit participer activement au déclenchement de ses respirations pour que l’appareil de VNI puisse augmenter la pression. La VSAI aide à augmenter le volume courant normal du patient, mais lui permet tout de même de contrôler la durée et la fin de ses inspirations. C’est le même principe pour la VNI.

Le tableau ci-dessous compare la VSAI et la VNI :

VSAI VNI
Invasive ou non invasive Invasive (TTE) Non invasive (masque)
Commande respiratoire intacte nécessaire Oui Oui
Respirations contrôlées déclenchées par le patient Oui Oui
Type de pression continue générée à l’expiration PEP PEP (EPAP)
Pression générée à l’inspiration AI PIP
Contrôle du temps inspiratoire et des cycles de respiration par le patient Oui Oui

Concept clé

La BPAP désigne l’application de deux niveaux différents de pression. Une faible pression est acheminée au patient durant l’expiration (PEP), puis la pression augmente pour atteindre une valeur plus élevée durant l’inspiration (PIP). Ces deux niveaux de pression sont appliqués de manière continue et varient en même temps que le respirateur perçoit l’inspiration et l’expiration. La PIP et la PEP demeurent fixes à moins que le clinicien augmente ou diminue les valeurs programmées. La PEP peut contribuer à l’oxygénation en utilisant le recrutement pulmonaire ou en ouvrant les voies respiratoires affaissées. La PIP contribue à améliorer l’évacuation du CO2 en augmentant le volume courant de chaque respiration que le patient déclenche, ce qui lui permet d’expirer plus de CO2 à chaque respiration.

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Indications de la ventilation non invasive

La ventilation non invasive (VNI) est utilisée pour trois raisons distinctes :

  1. Maintien de la perméabilité des voies aériennes supérieures
  2. Recrutement pulmonaire et oxygénation
  3. Correction de l’hypoventilation ou de l’hypercapnie

Maintien de la perméabilité des voies aériennes supérieures

La perméabilité fait référence à l’état d’ouverture ou d’expansion en l’absence d’obstruction. Les patients atteints d’un trouble respiratoire du sommeil, comme l’apnée obstructive du sommeil (AOS), ne présentent pas une perméabilité constante de leurs voies aériennes et sont donc de bons candidats au traitement par ventilation en pression positive (VPP). Pendant le sommeil paradoxal, les voies aériennes supérieures peuvent se rétrécir ou s’affaisser complètement, de sorte que l’air ne peut ni entrer ni sortir des poumons. Normalement, le cerveau reconnaît le problème et force le corps à sortir du sommeil paradoxal profond pour passer à un sommeil plus léger où le tonus musculaire est rétabli. Si l’AOS n’est pas traitée activement, elle entraîne des troubles de sommeil et des baisses constantes de la saturation en oxygène dans le sang. Une réduction de la saturation en oxygène peut occasionner un grand stress pour le cœur et les organes et contribuer à de nombreux problèmes de santé.

La VPP est la principale méthode de traitement des troubles du sommeil en cas de rétrécissement ou d’affaissement des voies respiratoires. Elle utilise la pression de l’air pour ouvrir les voies respiratoires et empêcher leur affaissement. La pression est généralement ajustée en fonction des besoins pour maintenir l’ouverture des voies respiratoires.

Recrutement pulmonaire et oxygénation

La ventilation en pression positive augmente la pression alvéolaire. Ce traitement permet d’éviter l’affaissement des alvéoles et peut également recruter des alvéoles collabées, améliorant ainsi la ventilation et l’oxygénation de différentes manières :

  1. Amélioration de la concordance ventilation/perfusion. Les pathologies qui provoquent l’affaissement des alvéoles ou qui les remplissent de liquide entraînent une mauvaise oxygénation en raison d’un décalage entre les zones pulmonaires ventilées et les zones perfusées. Si certaines alvéoles sont affaissées ou remplies de liquide, elles ne se gonflent et ne se dégonflent pas à chaque respiration; autrement dit, elles ne participent pas à la ventilation. Le flux sanguin autour de ces alvéoles est cependant toujours présent, et elles sont activement perfusées par les vaisseaux sanguins. Par conséquent, un certain pourcentage de la membrane alvéolocapillaire ne peut pas participer à l’échange gazeux étant donné que les alvéoles sont collabées ou remplies de liquide. Leur perfusion est adéquate, mais elles ne sont pas ventilées. La VPP peut inverser l’atélectasie et réouvrir les alvéoles affaissées, ce qui permet de les ventiler et de rétablir l’échange gazeux. La VPP peut aussi augmenter la pression alvéolaire et contrer l’excès de liquide autour des poumons qui a pu s’écouler dans les alvéoles et les remplir de liquide. La pression pousse le liquide hors des alvéoles et de l’espace interstitiel vers la circulation pulmonaire.
  2. Amélioration de l’oxygénation en appliquant une pression supplémentaire : Nous avons déjà expliqué comment la PEP (la pression expiratoire positive globale appliquée en fin d’expiration) peut aider à pousser l’oxygène à travers la membrane alvéolocapillaire. En ventilation non invasive, une pression constante est appliquée, même pendant l’exhalation, ce qui augmente la pression exercée dans les alvéoles. Cette hausse de pression aide à pousser l’oxygène à travers la membrane et améliore l’oxygénation.
    En ventilation non invasive, la pression expiratoire positive est parfois désignée par le sigle anglais EPAP (expiratory positive airway pressure). Rappel : Il s’agit d’une pression qui continue d’être appliquée entre deux respirations en ventilation non invasive.
  3. Diminuer le travail respiratoire en rétablissant la CRF et la PEP : Pour gonfler un ballon, il faut une pression plus élevée lorsque le ballon est complètement vide. Lorsqu’une petite quantité d’air se trouve dans le ballon, la pression nécessaire pour le gonfler est bien moins élevée. Comme nous l’avons vu précédemment, le maintien d’une certaine pression en fin d’expiration dans les poumons empêche les alvéoles de s’affaisser, ce qui diminue le travail respiratoire global du patient. Elle peut s’avérer extrêmement bénéfique pour les patients à risque élevé d’insuffisance ventilatoire.

Correction de l’hypoventilation ou de l’hypercapnie.

La correction de l’hypoventilation ou de l’hypercapnie est de loin le motif le plus courant pour le recours à la VNI. La ventilation en pression positive continue (VPPC) à cette fin est toutefois contre-indiquée, car deux niveaux de pression sont alors nécessaires pour améliorer la ventilation et l’élimination du CO2. La VNI bi-niveau peut aider les poumons à gagner en volume et à accroître l’efficacité de chaque respiration, en éliminant le CO2. Le BPAP est efficace lorsque la respiration du patient ne suffit pas à éliminer le CO2 et que le taux de celui-ci commence à augmenter. Mais n’oubliez pas qu’avec la VNI, les patients doivent être éveillés et avoir encore une commande respiration intacte.

De plus, les deux niveaux de pression contribuant à un volume courant plus important diminuent l’effort musculaire qu’un patient doit fournir pour obtenir ce volume. Pour les patients présentant des signes d’augmentation du travail respiratoire, cet effet est essentiel pour augmenter l’efficacité de la respiration et diminuer le risque d’insuffisance ventilatoire.

Une fille se prend en photo avec une fille trachéotomisée.

Certains patients dépendent d’une ventilation mécanique pour respirer et sont ventilés par trachéotomie.

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Contre-indications de la ventilation non invasive

Les contre-indications de la ventilation non invasive (VNI) découlent du fait que l’interface est un masque étroitement ajusté qui ne scelle pas les voies respiratoires. Voici les principales :

  • Diminution ou perturbation de l’état de conscience
  • Estomac plein et risque d’aspiration
  • Perturbation de la commande respiratoire
  • Trauma facial ou incapacité d’assurer l’étanchéité du masque

Si le patient n’est pas en mesure de protéger ses propres voies respiratoires (en les maintenant ouvertes, en toussant ou en avalant lorsque c’est nécessaire), il est impossible de le mettre sous BPAP. La VNI pousse l’air dans les voies respiratoires supérieures (VRS) au lieu de l’envoyer directement dans la trachée scellée, comme dans le cas d’un tube endotrachéal doté d’un ballonnet pour assurer l’étanchéité. Lorsque l’air est poussé dans les VRS, la majeure partie se rend jusqu’aux poumons, mais un certain pourcentage descend dans l’œsophage jusqu’à l’estomac. La présence d’air dans l’estomac augmente le risque d’aspiration et de vomissements. L’aspiration désigne le fait que de la vomissure ou du contenu de l’estomac remonte dans l’oropharynx et tombe dans les voies respiratoires pour finir dans les poumons. Les patients sous VNI présentent un risque élevé d’aspiration de vomissure ou d’autres matières étrangères.

Dans les traitements par VNI, on utilise un masque facial étroitement ajusté plutôt qu’un tube endotrachéal qui passe entre les cordes vocales. Le tube endotrachéal (TET) permet de créer une parfaite étanchéité en passant entre les cordes vocales. Il est muni d’un ballonnet qui se gonfle pour sceller complètement la trachée.

Photo montrant le positionnement approprié d’un vrai tube endotrachéal, dont le ballonnet est gonflé, sur la coupe transversale d’une tête de mannequin.

L’image ci-dessus montre le positionnement approprié du tube endotrachéal, dont le ballonnet est gonflé.

À l’inverse, le masque ne forme pas une parfaite étanchéité, car même s’il est habituellement ajusté très étroitement au visage, il reste toujours de petits espaces, et tout mouvement du visage peut alors causer des fuites.  Il faut aussi comprendre que le masque ne permet pas de « protéger » complètement les voies respiratoires. En effet, la trachée n’est pas bouchée et reste en communication avec l’oropharynx, mais si on utilisait un tube endotrachéal (TET), le ballonnet permettrait de bien la sceller.

En contexte de VNI au moyen d’un masque, cette communication ouverte entre la trachée et l’œsophage constitue la principale préoccupation, car l’application de pression risque de pousser la vomissure et le contenu de l’estomac du patient jusque dans les poumons si le masque est maintenu en place pendant qu’il vomit. Le risque d’aspiration est très élevé en contexte de ventilation non invasive. Si un patient vomit quand la VNI est en place, l’aspiration est presque inévitable. La ventilation non invasive n’est pas indiquée si l’état de conscience du patient est perturbé, car cette perturbation pourrait : (a) influencer le réflexe nauséeux du patient et (b) influencer la capacité du patient à retirer le masque s’il ressent le besoin de vomir. Puisque l’aspiration est si préoccupante en contexte de VNI, ce traitement n’est pas utilisé pour les patients qui ont l’estomac plein. D’ailleurs, les patients sous VNI sont habituellement maintenus à jeun pendant le traitement.

La perturbation de la commande respiratoire est également un enjeu en contexte de VNI. Seul le BPAP peut être utilisé pour augmenter les respirations spontanées que le patient déclenche lui-même. Il ne peut acheminer manuellement une respiration puisqu’il ne constitue pas un système scellé. Donc si le patient ne peut respirer correctement par lui-même, on ne peut le mettre sous VNI. Des respirations agoniques ou une lésion neurologique perturbant la respiration spontanée sont deux exemples classiques d’une commande respiratoire inadéquate.

L’incapacité à créer une étanchéité efficace avec un masque est un enjeu considérable de la ventilation non invasive. Nous avons déjà vu les problèmes associés aux fuites et la nécessité de sceller étroitement les interfaces non invasives. Lorsqu’on pousse de l’air dans le nez et la bouche d’un patient au moyen d’un masque, il est primordial de le sceller hermétiquement. Toute situation pouvant avoir un effet sur la capacité du masque à rester étroitement scellé au visage du patient devient problématique. Un patient devient inadmissible à la VNI s’il a un trauma facial pouvant compromettre l’étanchéité du masque ou pouvant être aggravé par la pose d’un masque étroitement scellé. Même les barbes, les petits mentons ou les gros nez peuvent compliquer la création d’une parfaite étanchéité. De plus, tout saignement ou trauma dans les voies respiratoires supérieures nécessitant de les contourner exige une intubation endotrachéale.

Un homme en uniforme militaire de l’armée américaine évalue un patient intubé ayant un grave trauma facial couvert de bandages.

Le spécialiste (Spc.) de l’armée américaine Leroy Granado, assistant médical de la 56e équipe de combat de la brigade d’infanterie, examine un soldat afghan blessé dans la province d’Uruzgan, en Afghanistan (20 février 2013). Ce patient est ventilé par TET puisque son trauma facial le rend inadmissible pour la VNI.

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Patient idéal pour la ventilation non invasive

La plus importante étape de l’instauration de la BPAP ou de la VPPC est de cibler le patient idéal et de déterminer la raison qui justifie la VNI.

La VNI n’est pas équivalente à la ventilation mécanique invasive; elle a un type idéal de patient qui lui est propre. Comme c’est le cas pour la ventilation en mode spontané, tout patient sous VNI doit pouvoir respirer par lui-même. Il doit aussi être assez alerte pour protéger ses voies respiratoires et éviter les risques d’aspiration.

Outre ces exigences de base, le patient idéal pour la ventilation non invasive peut être choisi selon les « indications pour la VNI » mentionnées précédemment. Le patient idéal a besoin d’une pression supplémentaire pour l’aider dans un des aspects suivants :

  • recrutement alvéolaire et/ou amélioration de l’oxygénation;
  • accélération de sa respiration, indiquée par un taux élevé de CO2 ou une augmentation du travail respiratoire.

Plus simplement, le patient idéal a besoin soit d’une pression de distension (PEP), soit d’une aide inspiratoire (AI ou PIP).

Diagramme de Venn qui illustre les deux critères que doit remplir le patient idéal pour la VNI.

Déterminer la raison qui justifie la VNI peut aider votre patient de deux façons, soit :

  • en indiquant au praticien si la VNI fonctionnera ou non;
  • en guidant la programmation des réglages au moment de placer le patient sous VNI.

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Réglages initiaux et ajustement de la VNI/BPAP

Amorcer la ventilation non invasive est très similaire à la mise en place d’une VSAI pour une personne respirant spontanément. Trois paramètres de base doivent être ajustés, en plus d’un paramètre « de secours ». En premier lieu, il faut régler l’administration d’oxygène (FiO2), une pression de distension pour recruter (ouvrir) les alvéoles (PEP) et une haute pression pour augmenter la respiration normale du patient (PIP). Le paramètre de secours est une FR de base (ne remplace pas la respiration spontanée).

Les paramètres à régler pour la VNI sont donc les suivants :

  1. FiO2
  2. PEP
  3. PIP (pression motrice, similaire à l’aide inspiratoire)
  4. FR

Ces paramètres sont abordés en détail ci-dessous.

FiO2

Il faut régler la FiO2, et elle doit être ajustée en fonction des besoins avant le traitement non invasif. En cas d’oxygénation élevée, la FiO2 est fixée à 1,00 et ajustée pour atteindre la SpO2 cible. Si la quantité d’oxygène nécessaire n’est pas trop élevée, il vaut mieux opter pour un réglage initial de 0,50 et l’ajuster en quelques minutes jusqu’à atteindre une SpO2 supérieure à 92 %.

PEP

La PEP est la pression de distension qui permet de recruter les alvéoles et favorise l’oxygénation. La différence avec la ventilation invasive est l’utilisation d’un masque facial au lieu de l’intubation et du système scellé avec respirateur. Les pressions pleurales normales observées chez les personnes respirant spontanément sont toujours présentes (voir le segment sur les pressions pulmonaires au chapitre 1). Donc, la pression de distension induite par la PEP en VNI peut être inférieure à la PEP minimale de la ventilation invasive. Le réglage initial de la PEP est généralement compris entre 4 et 8 cmH2O.

PIP

La PIP est la pression élevée administrée par la VNI lorsque le patient fournit un effort inspiratoire. La différence entre la PEP et la PIP est la pression motrice ou le changement de pression. Le changement de pression est le même que celui d’une aide inspiratoire ou d’une pression supplémentaire administrée pour alléger l’effort respiratoire. Voyez le changement de pression entre la PEP et la PIP (pression motrice) comme une poussée pour atteindre ce niveau élevé. Il s’agit d’une notion identique à la ventilation spontanée avec aide inspiratoire, mais décrite un peu différemment en contexte de VNI. Repensez à l’analogie entre la forme d’onde et la montagne du chapitre 4 :

Représentation visuelle de l’analogie de la montagne du chapitre 4

Si la différence entre la PEP et la PIP est plus importante, il faut exercer une pression plus forte pour atteindre le niveau supérieur.

Exemple A :

PEP de 6 et PIP de 10 → pression motrice/AI de 4 (différence entre la PEP et la PIP)

Il s’agit d’une aide inspiratoire de 4 cmH2O.

Exemple B :

PEP de 6 et PIP de 12 → pression motrice/AI de 6 (différence entre la PEP et la PIP)

Il s’agit d’une aide inspiratoire de 6 cmH2O.

Dans l’exemple B, il s’agit d’un soutien (ou poussée) plus important, afin de fournir une aide plus importante pour obtenir un volume courant plus élevé.

La PIP est généralement réglée entre 4 et 10 cmH2O au-delà de la PEP, puis ajustée pour que le volume courant soit adéquat. Augmentez la PIP pour que le patient prenne de plus grandes respirations, ou s’il a besoin d’aide pour alléger un travail respiratoire accru.

Une mise en garde s’impose…

Au besoin, la PEP et la PIP peuvent être augmentées au-delà de ces valeurs initiales pour répondre aux besoins du patient d’après son travail respiratoire et tout problème dans les taux de CO2 et d’O2. Il faut commencer par une pression plus faible et l’ajuster après une surveillance d’environ 30 minutes et l’évaluation de l’effet au regard du travail respiratoire et des résultats de la gazométrie. Il ne faut pas dépasser les seuils, sauf indication contraire d’un médecin ou d’un prestataire expérimenté en VNI.

Par ailleurs, plus les pressions utilisées sont élevées, plus le masque doit être serré. Un masque serré entraîne une pression supplémentaire sur le visage, ce qui peut indiquer que la VNI n’est pas tolérée par un patient conscient. Les pressions de départ doivent être basses et être augmentées si nécessaire, au fur et à mesure, pour favoriser le confort et réduire le risque d’échec du traitement en raison du refus du patient de porter le masque. L’utilisation d’une faible pression au départ pour l’augmenter graduellement favorise la tolérance du patient.

FR

FR est l’abréviation de fréquence respiratoire. Mais comment déterminer une fréquence respiratoire pour un mode non invasif où le patient doit également respirer par lui-même? Malgré les apparences, une véritable FR n’est pas utilisée lors de la VNI. Le patient doit déclencher les cycles respiratoires. Par conséquent, la FR est comme un cycle respiratoire obligatoire qui représente une solution de secours pour que le patient continue de respirer à une fréquence donnée. En général, la FR fixée est inférieure à celle du patient. En VNI, la FR est normalement réglée entre 12 et 16 resp./min, bien que la plupart des patients présentent généralement une tachypnée en raison d’une augmentation du travail respiratoire ou de problèmes d’oxygénation.

Lorsqu’un patient est mis sous VNI, le meilleur indicateur pour choisir les réglages initiaux repose sur le but initial de la ventilation. À ce propos, rappelons que les patients sont répartis généralement en deux catégories :

  • Difficulté à s’oxygéner et besoin de recrutement pulmonaire.
  • Taux élevé de CO2 ou hypercapnie et augmentation du travail respiratoire.

Les personnes ayant besoin du recrutement pulmonaire ou d’une aide à l’oxygénation bénéficieront d’une PEP plus élevée et d’une puissance motrice/AI moins importante, ce qui se traduit par un réglage d’une faible valeur de PIP. Les patients dont le taux de CO2 ou le travail respiratoire est élevé n’ont pas besoin d’une grande pression de distension (PEP). Ils ont surtout besoin d’une PIP plus élevée pour assurer une puissance motrice/AI importante afin d’augmenter le volume courant.

À l’occasion, un patient peut présenter les deux situations. Il faut alors régler une PEP et une PIP élevées, avec une pression motrice importante.

Le prochain tableau présente les réglages initiaux recommandés selon le type de patients :

Réglage initial
PEP PIP FR FiO2 Consignation dans le dossier
Type 1

Besoin d’une aide à l’oxygénation et d’une pression de distension

8 12-14 12-14 1,0 FR de 12, 12/8 (PIP/PEP)

FiO2 de 0,8

Type 2

Besoin d’une aide en raison d’un taux élevé de CO2 ou d’une augmentation du travail respiratoire

4-6 12-16 16 0,5-1,0 FR de 16, 16/6 (PIP/PEP)

FiO2 de 0,5

Type 3

Combinaison des types 1 et 2

6-8 14-18 16 1,0 FR de 16, 18/8 (PIP/PEP)

FiO2 de 1,0

Si vous ne comprenez pas bien, rappelez-vous simplement que la PEP permet aux « ballons » (poumons) de ne pas se dégonfler complètement, et que l’augmentation de cette basse pression favoriserait l’ouverture de quelques alvéoles supplémentaires. Une augmentation de la pression contribue également à faire passer l’oxygène à travers la membrane alvéolocapillaire. Vous souvenez-vous de l’utilité de la PEP dans l’exemple pour essorer une serviette? La PIP est la haute pression à laquelle le mode peut fonctionner. La différence entre la PEP et la PIP réside dans la quantité de soutien ou d’aide apportée au patient en cas d’augmentation du travail respiratoire qui permet aussi d’éliminer davantage de CO2.

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Vérification du fonctionnement de la VNI

Comme pour la ventilation invasive, après avoir réglé les valeurs de référence d’un mode ventilatoire, il faut surveiller la respiration du patient, sa saturation en oxygène et son volume courant. Il est possible de faire de légers ajustements pendant les premières respirations. Le volume courant et la FR ciblés sont l’une des principales distinctions entre la BPAP et la ventilation invasive.

Rappelez-vous que la VNI est utilisée chez les patients conscients dont la commande respiratoire est intacte. Si un patient est tachypnéique sous BPAP, ce n’est pas nécessairement un signe d’insuffisance. Tant que le respirateur fournit un volume courant adéquat, vous pouvez laisser le patient respirer au rythme qu’il souhaite. Évitez de lui administrer un sédatif de quelque nature que ce soit, car la sédation peut faire diminuer son état de conscience et sa commande respiratoire et le rendre essentiellement inadmissible à la BPAP. Vous pouvez aussi laisser le patient respirer à un volume courant légèrement supérieur à celui que vous lui permettriez en ventilation invasive, car le patient inspire spontanément à ce volume. De plus, le risque de barotraumatisme ou de volutraumatisme est beaucoup moins élevé que lorsque l’air est poussé à ce volume dans les poumons sans la participation active du patient.

Après environ 30 minutes de ventilation avec les paramètres initiaux de VNI, réalisez une gazométrie artérielle pour voir si le traitement fonctionne. Si les résultats de la gazométrie tendent vers les bonnes valeurs (diminution du taux de CO2 et augmentation de l’oxygénation), c’est signe que le traitement fonctionne! Si les résultats de la gazométrie artérielle restent les mêmes ou s’aggravent (augmentation du taux de CO2 et diminution de l’oxygénation), il est peut-être nécessaire d’intuber le patient et d’assurer une ventilation complète en mode contrôlé pour corriger le taux anormal de CO2 ou d’O2.

Ne vous affolez pas : la gazométrie artérielle est abordée plus en détail au chapitre 8.

Appareil BiPAP.

L’appareil automatisé BiPAP ci-dessus est beaucoup plus simple que les respirateurs que nous avons vu jusqu’à maintenant, car il permet aux patients d’utiliser la BPAP à domicile.

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Conclusion

La VNI (ou BPAP) est un traitement couramment utilisé en soins intensifs. Chez le patient idéal, elle peut remplacer la ventilation invasive et éviter de mettre les patients sous respirateurs mécaniques. Il est impératif de vous assurer de bien choisir les patients, car la VNI en contexte inadéquat peut non seulement ne pas fonctionner, mais elle peut aussi exposer le patient à un risque d’aspiration. Le patient idéal pour la VNI est alerte et possède encore sa commande respiratoire. Il a besoin soit d’une pression de distension, soit d’une aide inspiratoire qui peut l’aider à augmenter le volume courant de sa respiration. Une fois que vous avez ciblé le traitement le plus avantageux pour le patient, il devient simple de choisir les réglages à paramétrer sur le BPAP.

Bilan

La ventilation non invasive (VNI) est préférable à la ventilation invasive, mais uniquement lorsque les critères relatifs au patient sont remplis. Le patient idéal pour la VNI peut respirer par lui-même, est relativement alerte et ne présente pas de risque d’aspiration. En outre, le patient doit avoir besoin d’une pression de distension (PEP) ou d’une aide inspiratoire (AI ou PIP). Lorsqu’on utilise la VNI en milieu hospitalier, c’est la BPAP qui est utilisée et non la VPPC, car la VPPC ne représente pas une vraie forme de ventilation.

L’instauration de la ventilation non invasive ressemble beaucoup au réglage d’une VSAI pour un patient qui respire spontanément. Elle nécessite l’ajustement de trois principaux paramètres, en plus d’un paramètre « de secours ». Il faut d’abord programmer l’administration d’oxygène (FiO2), puis une pression de distension (PEP) pour appuyer le recrutement alvéolaire, et enfin, une pression élevée pour accélérer la respiration normale du patient (PIP). Le réglage de secours est une FR de base (mais il ne faut pas oublier qu’elle ne remplace pas la respiration spontanée du patient). Enfin, il faut vérifier l’efficacité de la VNI 30 minutes plus tard au moyen d’une gazométrie artérielle.

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Test du chapitre 7

Questionnaire du chapitre 7

Voyez à quel point vous avez réussi à assimiler la matière abordée dans ce chapitre en répondant aux 6 questions suivantes. N’oubliez pas de consulter votre score!

 

Un élément interactif H5P a été exclu de cette version du texte. Vous pouvez le consulter en ligne ici :
https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=150#h5p-4

Poursuivez votre apprentissage

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VIII

Chapitre 8 | Présentation et interprétation de la gazométrie artérielle

La gazométrie artérielle est la référence pour évaluer l’état respiratoire d’un patient qui peut avoir besoin d’une ventilation mécanique ou qui est déjà ventilé mécaniquement. Il est important que tous les professionnels de la santé qui utilisent un respirateur mécanique comprennent la gazométrie artérielle et sachent l’interpréter afin de reconnaître et régler les problèmes vécus par le patient. Le présent chapitre présente sommairement la gazométrie artérielle et les façons de l’interpréter, en plus d’aborder les problèmes liés aux gaz artériels.

Le chapitre couvre les aspects suivants :

  • La théorie rattachée à la gazométrie artérielle
  • Les valeurs normales de la gazométrie artérielle
  • Les interprétations de la gazométrie artérielle, avec exemples
  • Les méthodes pour commenter l’état d’oxygénation

Application

La gazométrie artérielle est essentielle en ventilation, car elle permet de déceler les problèmes nécessitant un traitement ventilatoire et de vérifier la réponse d’un patient. Il est impératif de savoir comment l’interpréter pour repérer les problèmes.

Objectifs d’apprentissage

Voici ce que vous pourrez faire à la fin de ce chapitre :

  1. Associer les gaz artériels aux interactions acido-basiques dans l’organisme.
  2. Connaître les valeurs normales de la gazométrie artérielle.
  3. Interpréter la gazométrie artérielle.
  4. Commenter l’état d’oxygénation.

Principaux termes

  • Gazométrie artérielle
  • Homéostasie
  • pH acide
  • pH alcalin ou basique
  • Neutralisation ou tampon
  • HCO3 ou bicarbonates
  • Insuffisance respiratoire ou ventilatoire
  • Hypercapnie
  • Hypocapnie
  • Alcalose
  • Acidose
  • pCO2
  • Hypoxémie

Ces termes apparaissent en gras lorsqu’ils sont utilisés pour la première fois dans le chapitre. Pour en savoir plus sur ces termes, vous pouvez les chercher dans le Grand dictionnaire terminologique.

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La théorie rattachée à la gazométrie artérielle et à l’équilibre acido-basique

Dans le corps humain s’opère une quête perpétuelle et complexe d’équilibre, menée par le pH du corps et du sang. Les organes et les cellules atteignent un fonctionnement optimal en présence d’un pH bien précis. Cet équilibre est ce qu’on appelle l’homéostasie de l’organisme. Il existe deux sous-produits qui influencent le pH du corps, fabriqués par différents appareils de l’organisme : le dioxyde de carbone (CO2) et les bicarbonates (HCO3). Le CO2 et les HCO3 sont régulés et modifiés par le corps pour maintenir le pH en équilibre. Le cerveau assure l’équilibre en amplifiant ou en diminuant des processus précis dans l’organisme pour réguler les taux de CO2 et de HCO3 en une tentative pour rétablir un pH « normal » ou équilibré. Ainsi, l’analyse du taux sérique de CO2 et de HCO3 et la vérification du pH sanguin sont des méthodes très rapides et efficaces pour évaluer l’état d’un organisme. Un taux anormal est l’un des premiers indicateurs d’une détérioration et les cliniciens peuvent décider d’intervenir et d’apporter une aide au patient pour éviter une insuffisance respiratoire ou une défaillance viscérale.

L’équilibre acido-basique et la gazométrie artérielle sont un sujet costaud qui pourrait en soi faire l’objet d’un ouvrage complet. Le présent chapitre s’attarde surtout aux principaux concepts à connaître et sur les raisons qui expliquent l’importance de l’équilibre acido-basique dans la respiration des humains (vos patients). Penchons-nous un peu plus sur les concepts de pH et de taux de CO2 et de bicarbonates dans l’organisme.

Quelles sont les valeurs normales? Le corps atteint l’homéostasie à un pH entre 7,35 et 7,45. Cet écart est normal. Si le pH de l’organisme est inférieur à 7,35, il est acide. S’il est supérieur à 7,45, il est basique ou alcalin.

L’image ci-dessous illustre le spectre du pH sur une échelle allant du pH acide (gauche) au pH basique (droite), avec au centre une homéostasie saine et équilibrée.

Le pH représenté sur une échelle.

Le dioxyde de carbone (CO2), défini comme le déchet de toute cellule au niveau moléculaire, est un acide puissant. Toutes les cellules créent du CO2 dans le processus de respiration cellulaire. Vous souvenez-vous de vos cours de biologie au secondaire? Vous avez probablement appris que le CO2 est un produit de déchet dans le cycle de Krebs. Si elle n’est pas surveillée, une production excessive peut favoriser dans le corps un environnement hautement acide.

Exemple pratique

Fine coupure sur le bout d’un doigt.
D’après vous, qu’est-ce qui arriverait aux cellules et organes s’ils étaient dans un environnement hautement acide? Pensez à l’intensité de la douleur ressentie lorsque du vinaigre entre en contact avec une fine coupure. Ça chauffe! C’est ce qui arrive aussi à l’organisme lorsqu’il contient trop de CO2.

Cet acide (le CO2) doit donc être tamponné (ou neutralisé) par le corps, puis éliminé de l’organisme. L’équilibre acido-basique vise à neutraliser la quantité de CO2 dans le corps jusqu’à ce qu’elle soit évacuée par les poumons. Rappelez-vous, nous expirons du CO2.

Donc comment se passe la neutralisation? Comment le corps fait-il pour réguler le pH sans s’acidifier? L’organisme utilise deux méthodes pour réguler le pH :

  1. Neutralisation (tamponner l’acide)
  2. Évacuation du CO2 (éliminer l’acide)

Neutralisation

Les reins sont les principaux acteurs de la neutralisation et de la régulation du pH dans l’organisme. Les processus cellulaires peuvent créer des acides à un rythme effarant. Pour contrer cet effet, les reins peuvent réguler un important électrolyte qui tamponne (ou neutralise) tout acide présent dans le corps. Le bicarbonate est un ion négatif qui peut se lier aux ions d’une molécule acide d’hydrogène (H+) pour éliminer les acides circulants. Essentiellement, les bicarbonates (HCO3) tamponnent ou neutralisent les acides circulants pour stabiliser le pH de l’organisme.  L’HCO3 est l’électrolyte le plus important dans la régulation du pH. L’acide carbonique (H2CO3) circule dans l’organisme jusqu’à atteindre les poumons, où il se décompose en CO2 pour être ensuite expiré. Les reins jouent un rôle prépondérant dans la neutralisation des acides, car ils en excrètent dans l’urine tout en conservant ou en éliminant les bicarbonates de sorte qu’il y ait une quantité idéale dans l’organisme pour neutraliser tout le CO2. Ce processus est la composante métabolique de la gazométrie artérielle.

Le processus continu de neutralisation ressemble à ce qui suit :

CO2 + H2O ↔ H2CO3 ↔ H+ + HCO3

Évacuation du CO2

L’autre méthode pour maintenir l’homéostasie est l’évacuation du CO2. Le CO2 est évacué du corps par les poumons. Il est transporté par la circulation sanguine jusqu’à la membrane alvéolocapillaire où il se diffuse dans l’alvéole afin d’être expiré à chaque respiration. On appelle ce processus la composante respiratoire de la gazométrie artérielle.

Toute perturbation de la physiologie normale ou tout processus pathologique peut modifier le taux de CO2 de deux façons :

  1. En modifiant la production de CO2 dans les cellules, ce qui entraîne une hausse ou une baisse du taux de CO2 qui circule dans l’organisme (p. ex., maladie, métabolisme plus rapide, exercice).
  2. En modifiant la quantité de CO2 éliminée par les alvéoles : modification des échanges gazeux, hausse ou baisse de la quantité de CO2 expirée chaque minute (p. ex., modification de la fréquence respiratoire ou du volume des respirations; poumons défectueux incapables de participer aux échanges gazeux).

Dans tous les cas, si l’un ou l’autre de ces changements se produit, le taux de CO2 dans l’organisme peut rapidement augmenter ou diminuer. Rappelez-vous : le CO2 étant un acide, toute augmentation rendrait le pH acide, tandis qu’une diminution rendrait le pH alcalin (ou basique). Les chémorécepteurs du cerveau (dont nous avons parlé au chapitre 1) perçoivent ce changement et tentent de rétablir l’homéostasie du corps par deux moyens :

  • En modifiant les cycles respiratoires de l’organisme.
  • En modifiant le taux de bicarbonates dans le corps.
Le chapitre 1 aborde les chémorécepteurs dans le cerveau qui perçoivent le taux d’O2 et de CO2 et déclenchent nos respirations. La gazométrie artérielle est une analyse au chevet qui permet de voir les valeurs de pH et de CO2 auxquelles réagissent les chémorécepteurs. Si vous examinez les résultats de la gazométrie artérielle avec vos patients, vous pourrez observer cette réaction. Les patients qui respirent rapidement présenteront un taux élevé de CO2. C’est ce taux élevé de CO2 qui incite le cerveau à déclencher des respirations accélérées. Plus précisément, les chémorécepteurs réagissent au pH du sang plus qu’au CO2 en soi.

La première stratégie pour rétablir l’équilibre acido-basique passe par l’appareil respiratoire et la modification des cycles respiratoires du corps, car cet ajustement peut être appliqué immédiatement et ses effets peuvent être observés en quelques minutes. Un taux élevé de CO2, ou plus précisément, une diminution du pH (lequel s’acidifie), provoque le cerveau pour qu’il stimule le patient à respirer plus afin d’expirer plus de CO2 (voir le chapitre 1). Qui plus est, une respiration accélérée ramène le pH à une valeur normale puisque c’est à cette valeur que l’organisme fonctionne le mieux.

La deuxième stratégie pour rétablir l’équilibre acido-basique passe par le processus métabolique des reins et la modification du taux de bicarbonates (HCO3). Cette stratégie est moins immédiate puisque le HCO3 est soit excrété dans l’urine, soit réabsorbé dans l’appareil urinaire, et demande du temps pour être réabsorbé par l’organisme. Il faut 24 à 48 heures à ce processus métabolique pour corriger un déséquilibre. Bien qu’il prenne plus de temps pour y arriver, le taux de bicarbonates peut aussi réguler le pH et le rétablir à sa valeur physiologique normale (7,35-7,45) afin d’éviter à l’appareil respiratoire de faire tout le « travail ».

Comprendre l’écart entre les deux stratégies quant au temps nécessaire pour corriger le déséquilibre est d’une importance capitale. En effet, les changements respiratoires se produisent en quelques minutes, tandis que les changements métaboliques prennent 24 heures avant de commencer à s’opérer. Si pour une raison ou une autre, la commande respiratoire d’une personne est altérée par une blessure ou une maladie, la capacité du cerveau à corriger les déséquilibres acido-basiques à court terme disparaît aussitôt. Une légère modification du pH peut entraîner de très grands changements dans l’état de conscience de la personne et peut même devenir très rapidement dangereuse. Si la situation n’est pas corrigée, les bicarbonates peuvent manquer de temps pour s’ajuster avant que le déséquilibre menace la vie du patient. Il en résulte une affection appelée insuffisance respiratoire (ou ventilatoire) qui nécessite un quelconque type de soutien ventilatoire – dans la plupart des cas, la ventilation mécanique. La ventilation mécanique est un moyen qu’utilise le prestataire de soin pour corriger le déséquilibre acido-basique d’un patient lorsque sa capacité physiologique est compromise ou jugée inadéquate.

Pas de souci si vous ne comprenez pas tout! Retenez surtout que le corps cherche à maintenir un pH entre 7,35 et 7,45 pour assurer le fonctionnement optimal de ses cellules et ses organes vitaux. Pour ce faire, il régule la quantité de CO2 et de bicarbonates qu’il contient. Rappelez-vous :

  • Bicarbonates = alcalin
  • CO2 = acide

Tant qu’il produit une quantité suffisante de bicarbonates pour rivaliser avec son taux de CO2, l’organisme demeure en équilibre.

Concepts clés

Les chémorécepteurs dans le cerveau perçoivent le taux acido-basique (pH) de l’organisme. Tout problème relatif au taux de CO2 est d’origine respiratoire et tout problème lié au taux d’HCO3 est d’origine métabolique. Pour rétablir rapidement l’homéostasie du taux acido-basique, il faut modifier les cycles respiratoires pour ajuster le rythme auquel le CO2 est expiré. Ces ajustements peuvent modifier le taux de CO2 en quelques minutes. L’autre méthode pour contrôler l’équilibre acido-basique consiste à emprunter la voie métabolique en contrôlant la quantité de bicarbonates pouvant être utilisés comme tampons dans l’organisme. Le processus est régulé par les reins et peut prendre un minimum de 24 heures pour corriger les déséquilibres acido-basiques.

En savoir plus

Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur la matière abordée ici, consultez les ressources suivantes :

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Gazométrie artérielle

Maintenant que vous comprenez les fondements de l’équilibre acido-basique et du pH dans l’organisme, penchons-nous sur la gazométrie artérielle. La gazométrie artérielle est une analyse sanguine qui nécessite un prélèvement de sang provenant directement d’une artère. Ce prélèvement est différent d’un bilan sanguin normal, lequel est prélevé à partir d’une veine. Après avoir été oxygéné par les poumons, le sang artériel est pompé par le cœur et redirigé vers les organes. Au moment du prélèvement, le sang n’a donc pas encore acheminé l’oxygène à toutes les cellules. Par conséquent, les taux de CO2 et d’O2 qu’il contient indiquent dans quelle mesure les poumons ont réussi à évacuer le CO2 et à oxygéner le sang.

Cinq seringues de sang : les deux premières (à gauche) contiennent du sang veineux, plus foncé, et les trois autres (à droite) contiennent du sang artériel, plus clair.

La différence entre le sang artériel riche en oxygène et le sang veineux dépourvu d’oxygène est clairement visible. Pouvez-vous identifier lequel est lequel?

La gazométrie artérielle permet d’obtenir quatre valeurs :

  • pH
  • pCO2
  • pO2
  • HCO3

Vous remarquerez la présence d’un « p » devant les formules du dioxyde de carbone (CO2) et de l’oxygène (O2) dans la gazométrie artérielle. Cette lettre indique que le taux de CO2 et d’O2 est exprimé en pression partielle. Ne vous cassez pas la tête avec ça. Ce n’est qu’une façon d’attribuer au taux une unité de mesure pouvant s’exprimer en chiffres. Ces unités représentent quand même le taux de CO2 et d’O2 dans le sang, et nous verrons comment les interpréter.

Valeurs normales

Passez en revue le petit tableau ci-dessous qui présente les plages de valeurs normales pour tous les résultats de la gazométrie artérielle. Lorsque vous constatez un résultat hors de ces valeurs, vous devez intervenir. Ces valeurs normales et leur signification seront abordées en détail un peu plus loin.

Valeurs normales
pH 7,35-7,45
pCO2 35-45 mmHg
pO2 80-100 mmHg
HCO3 22-28 mmol/L

Le pH du sang doit se trouver entre 7,35 et 7,45 pour être dans les valeurs normales. En dessous de 7,35, il est considéré comme acide, et au-dessus de 7,45, il est alcalin.

Examinez l’échelle de pH abordé plus tôt; remarquez qu’elle contient maintenant les valeurs.

<img class= »alignnone8″ src= »https://ecampusontario.pressbooks.pub/app/uploads/sites/4037/2024/02/pH-scale_ranges-300×105-1.png » alt= »Échelle du pH avec les valeurs (chiffres) indiquant un pH normal (7,35-7,45), un pH acide ( 7,45). » sizes= »(max-width: 300px) 100vw, 300px »>

La pression partielle de CO2 (pCO2) dans le sang est considérée comme normale lorsqu’elle se situe entre 35 et 45 mmHg. Si le taux de CO2 dépasse 45 mmHg, on est en présence d’une hypercapnie. À l’inverse, s’il est inférieur à 35 mmHg, on est en présence d’une hypocapnie. La rétention de CO2 est un autre terme utilisé pour décrire ce type de résultats.

Concept clé

Rappelez-vous : CO2 = acide; donc, un faible taux de CO2 = alcalose (pH alcalin), et un taux élevé de CO2 = acidose (pH acide).

La pression partielle d’oxygène (pO2) dans le sang se situe normalement entre 80 et 100 mmHg. Cette valeur est mesurée à partir des gaz sanguins, mais est distincte du processus acido-basique. En effet, la mesure de la pO2 ne joue aucun rôle dans la détermination de l’équilibre acido-basique. On l’examine habituellement après avoir interprété la gazométrie artérielle pour évaluer l’état d’oxygénation. Nous examinerons la pO2 en détail plus loin dans le chapitre, après avoir vu les interprétations de la gazométrie artérielle (voir État d’oxygénation : le dernier chaînon).

La concentration sérique de HCO3 doit se situer approximativement entre 22 et 28 mmol/L (les valeurs normales peuvent être légèrement différentes d’un manuel et d’un hôpital à l’autre. Pour les besoins du présent manuel, cette plage de valeurs est considérée comme la normale). Un taux de bicarbonates supérieur à 28 mmol/L entraîne un état d’alcalose dans l’organisme. À l’inverse, si le taux est inférieur à 22 mmol/L, les bicarbonates ne parviennent pas à tamponner les ions libres d’hydrogène (H+), entraînant par conséquent un état d’acidose dans le corps.

Concept clé

Rappelez-vous : HCO3 = base; donc, un faible taux de HCO3 = acidose, et un taux élevé de HCO3 = alcalose.

À l’interprétation d’une gazométrie artérielle, les valeurs sont habituellement présentées dans l’ordre suivant :

  1. pH
  2. pCO2
  3. pO2
  4. HCO3

La sténographie d’une gazométrie artérielle est souvent rédigée dans cet ordre, avec des barres obliques séparant chaque valeur (pH/pCO2/pO2/HCO3). Inutile de vous prendre la tête : retenez simplement cet ordre et le tour est joué!

Essayons de décortiquer tout ça. Avant de plonger dans l’interprétation des résultats, faisons une analogie pour comprendre la science derrière la gazométrie artérielle. Il vaut toujours mieux bien assimiler le concept que tenter d’apprendre les choses par cœur. Jetons un œil à l’exemple pratique ci-dessous.

Exemple pratique

Les membres d’une équipe de tir à la corde vêtus de gilets verts s’appuient contre le sol pour tirer de toutes leurs forces.

Imaginez l’homéostasie comme une gigantesque partie de tir à la corde. La famille CO2 (l’équipe Acide) et la famille des bicarbonates (l’équipe Basique) livrent une bataille épique sans fin. Normalement, la famille CO2 compte 35 à 45 membres (pCO2 normale) et la famille des bicarbonates compte 22 à 28 membres (taux normal de HCO3 dans l’organisme). Dans ce cas, les équipes sont à forces égales et aucune ne peut être victorieuse. À ces valeurs équilibrées ou « normales », le pH de l’organisme se situe entre 7,35 et 7,45.

Si l’équipe Acide a l’avantage, elle a réussi à tirer la corde de son côté, en deçà du pH de 7,35 (un pH inférieur à cette valeur est considéré comme acide). Si au contraire, l’équipe Basique prend l’avantage, c’est signe qu’elle est parvenue à tirer la corde du pH au-delà de 7,45 (un pH supérieur à 7,45 est considéré comme basique). Si une partie de tir à la corde est parfaitement équilibrée entre 35-45 pCO2 d’un côté et 22-28 HCO3 de l’autre, toute variation du nombre de joueurs d’un côté ou de l’autre influencera directement l’issue du duel.

Si la famille CO2 appelle des renforts (plus de CO2), la corde du pH commencera à tendre vers l’équipe Acide. À l’inverse, si la famille CO2 comprend son nombre habituel de joueurs et que la famille des bicarbonates recrute des joueurs supplémentaires, la corde du pH tendra vers l’équipe Basique. Il faut aussi comprendre que si chaque équipe compte son nombre habituel de joueurs, toute perte d’un côté ou de l’autre donnera un avantage à l’adversaire, qui pourra ainsi tirer la corde de son côté. Si la famille HCO3 perd un joueur, la corde tendra du côté de l’équipe Acide; si la famille CO2 a des joueurs en moins, l’équipe Basique commencera à l’emporter en tirant la corde au-delà du pH de 7,45.

Le fait le plus important à retenir : dès qu’il en a l’occasion, l’organisme veut toujours retrouver l’homéostasie (pH entre 7,35 et 7,45). Dès que la pCO2 ou le taux de HCO3 changent, l’organisme tente de compenser en modifiant la valeur opposée pour corriger le déséquilibre. On peut comparer cette situation aux familles CO2 et HCO3 qui souhaitent mener un combat loyal. Ainsi, si une équipe perd des joueurs, l’autre équipe se départira aussi de certains joueurs puisqu’elle veut l’emporter de façon « juste et équitable ». Même chose si une équipe recrute des joueurs : alors, si elle en a l’occasion, l’autre équipe appellera des renforts pour compenser et rééquilibrer les forces.

Si vous gardez à l’esprit cette analogie, vous n’aurez plus de difficulté à interpréter une gazométrie artérielle.

Attribution des éléments visuels

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Interprétation exhaustive de la gazométrie artérielle

L’interprétation exhaustive de la gazométrie artérielle comporte quatre composantes. Le pH, la pCO2 et le HCO3 servent à déterminer l’équilibre acido-basique général du sang. La pO2 sert quant à elle à évaluer le taux d’oxygénation du sang. Le clinicien doit analyser le prélèvement sanguin pour déterminer les variables suivantes :

  • Est-ce qu’il présente une compensation, et si oui, est-elle partielle ou complète? Par ailleurs, le corps humain cherche toujours à atteindre l’homéostasie, qui survient lorsque le pH est dans ses valeurs normales (7,35-7,45). Si le taux de CO2 ou de HCO3 est anormal, le cerveau tente alors de compenser pour corriger le déséquilibre. Les plateaux de la balance sont-ils complètement en déséquilibre ou est-ce que le corps compense en « ajoutant ou en soustrayant du poids » pour rééquilibrer les taux? En observant les valeurs du CO2 et du HCO3, on constate s’il y a compensation ou non. Est-ce seulement le CO2 ou le HCO3 qui dépasse les valeurs normales, ou bien les deux? Si une seule des valeurs est anormale, il n’y a pas de compensation. L’organisme n’a pas encore commencé à modifier l’autre valeur pour rétablir le pH à sa valeur normale. Si les taux du CO2 et du HCO3 sont anormaux, le corps tente de compenser. Enfin, pour définir le degré de compensation (partielle ou complète), il faut déterminer si le pH a retrouvé ou non sa valeur normale.
  • Le prélèvement indique-t-il un problème respiratoire ou métabolique? L’origine de l’acidose ou de l’alcalose s’explique. Sont-elles causées par le CO2 (respiratoire) ou par le HCO3 (métabolique)? Quelle valeur fait pencher la balance et entraîne un déséquilibre dans l’organisme?
  • Le prélèvement dénote-t-il une acidose ou une alcalose? L’organisme présente-t-il un pH inférieur ou supérieur à la normale? Le pH est-il au contraire dans les valeurs normales? Au bout du compte, un gaz sanguin a seulement deux états : en équilibre ou en déséquilibre. Même si le pH est équilibré, il se peut que la gazométrie artérielle ne soit pas « normale ». En observant les reins et la respiration, il est possible de voir si le cerveau a déjà corrigé par régulation positive ou négative un taux déséquilibré de CO2 ou de bicarbonate dans l’organisme. Même s’il est équilibré, le prélèvement dénote tout de même une acidose ou une alcalose corrigée. Il n’est donc pas normal.
  • Le prélèvement est-il normal ou dénote-t-il une hypoxémie ou une hyperoxémie? Après avoir déterminé l’état de l’équilibre acido-basique, il faut vérifier la pO2 et déterminer le taux d’oxygène. Est-ce que le taux se situe dans les valeurs normales? Le taux d’oxygène est-il trop faible, signe d’hypoxémie? Ou est-il trop élevé, ce qui indiquerait une hyperoxémie?

Bien que l’interprétation soit consignée dans cet ordre, il est plus facile de déterminer l’état de l’équilibre acido-basique en y dérogeant légèrement et en analysant le pH, la pCO2 et le taux d’HCO3 en même temps. Consigner les réponses à ces questions à mesure que vous y répondez (à la manière d’une phrase à trous) peut vous simplifier la tâche. Que constatez-vous?

 

(compensation partielle, complète ou aucune compensation)

 

(origine respiratoire ou métabolique)

 

(acidose ou alcalose)


avec

 

(hypoxémie légère, modérée ou sévère)

Voici les étapes rapides et infaillibles de l’interprétation d’une gazométrie artérielle :

1. Déterminer si les gaz sont acides ou alcalins.

Vérifier le pH et déterminer son état. Déterminer qui gagne la partie de tir à la corde : est-ce l’équipe Acide (acidose) ou l’équipe Basique (alcalose), ou les deux sont-elles à forces égales (valeur normale ou compensation complète)?
Remplir la case pour l’acidose ou l’alcalose ou la case indiquant une compensation complète.

2. Définir la pCO2 et le taux de HCO3.

Examiner la pCO2 et le taux de HCO3 et déterminer si l’un ou l’autre est anormal, et si c’est le cas, est-ce une seule des deux valeurs (sans compensation) ou bien les deux (compensation partielle ou complète)? Examiner les deux équipes de tir à la corde (CO2 et HCO3) : comptent-elles leur nombre normal de joueurs? Ont-elles perdu ou recruté des joueurs?
 Remplir la case indiquant ou non une compensation.

3. Déterminer le type de variation du pH et en cibler la cause.

Quelle valeur anormale fait varier le pH? Est-ce une variation d’origine respiratoire ou métabolique? Autrement dit, quelle variation positive ou négative dans le nombre de joueurs de tir à la corde entraîne un pH anormal? Exemple : Si l’équipe CO2 (Acide) a l’avantage, mais que les deux équipes ont perdu des joueurs, quel changement ferait en sorte que l’équipe Acide l’emporte? Ce n’est pas la perte de CO2 puisque l’équipe CO2 a toujours l’avantage; la victoire serait donc due à la perte plus importante de HCO3. Il s’agit dans ce cas d’un changement métabolique.
 Remplir la case indiquant une cause respiratoire ou métabolique.

4. Commenter l’état d’oxygénation.

Examiner l’état d’oxygénation et formuler un commentaire sur le degré d’hypoxie constaté.
→ Remplir la case sur l’oxygénation (hypoxémie).

Vous sentez-vous un peu perdu? Pas d’inquiétude! Il s’agit seulement d’un sommaire de la méthode générale pour interpréter une gazométrie artérielle. Les deux prochaines pages abordent en profondeur chaque étape.

Analyseur de gaz sanguins artériels qui analyse les prélèvements sanguins et génère les valeurs de la gazométrie artérielle.

Un appareil semblable à celui-ci analyse le prélèvement de sang artériel et génère les valeurs de la gazométrie artérielle; il ne vous reste qu’à les interpréter!

Attribution des éléments visuels

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Exemple concret d’interprétation de la gazométrie artérielle

Examinons concrètement quelques gaz courants et leurs caractéristiques. Nous ferons de simples exercices avant d’aborder progressivement les plus complexes. Si vous avez du mal à comprendre les gazométries artérielles, attardez-vous sur le premier ou les deux premiers exemples pour créer un déclic. Pour la cause, nous ne commenterons que l’équilibre acido-basique et nous remplirons les trois premiers segments de l’interprétation d’une gazométrie artérielle. Après avoir bien compris le concept, vous apprendrez à commenter l’état d’oxygénation.

Au cours de votre cheminement, vous devez vous reporter aux valeurs normales de la gazométrie artérielle pour trouver les réponses. Voici les valeurs :

Valeurs normales
pH 7,35-7,45
pCO2 35-45 mmHg
pO2 80-100 mmHg
HCO3 22-28 mmol/L

Notez ces chiffres sur un papillon adhésif ou sauvegardez-les dans un fichier afin de pouvoir vous y reporter rapidement en cas de besoin.

Niveau 1 : Gaz sans compensation

Les gazométries artérielles sans compensation sont les plus simples à interpréter. Dans ce cas, une maladie ou un problème cause une variation du pH en dehors des valeurs normales. L’organisme n’a donc pas encore eu le temps de déclencher le processus de stabilisation. Par conséquent, seul un taux, soit le CO2 ou le HCO3, se situe en dehors des valeurs normales. Les gaz sans compensation sont faciles à identifier, car ils indiquent un pH anormal causé par une seule valeur anormale (CO2 OU HCO3).

Abordons ce type de gazométrie dans les faits! Pour rappel, les gazométries artérielles sont souvent rédigées avec les valeurs pH/pCO2/pO2/HCO3. Nous ne remplirons que la partie acido-basique de l’interprétation afin de nous concentrer sur cet aspect. Voici donc trois espaces à remplir :

 

(compensation partielle, complète ou aucune compensation)

 

(origine respiratoire ou métabolique)

 

(acidose ou alcalose)

Comme nous ne tenons pas compte de l’oxygène pour l’instant, le texte de remplacement « taux d’oxygène » figure dans les exemples suivants. Le taux d’oxygène est abordé à la page suivante.

Patient A | 7,31/57/taux d’oxygène/24

Étapes :

  1. Observez d’abord le pH et déterminez s’il est normal ou pas (ou s’il y a compensation complète).

Dans l’exemple, le pH est inférieur à 7,35. Il est donc acide. La gazométrie présente une acidose :

(compensation partielle, complète ou aucune compensation) (origine respiratoire ou métabolique) (acidose ou alcalose)

  1. Observez la pCO2 et le HCO3. Y a-t-il une seule valeur anormale ou les deux le sont?

Dans l’exemple, seule la pCO2 est en dehors des valeurs normales. Le HCO3 est normal. Il y a trop de CO2 et le taux est plus élevé que la normale. Une seule valeur est anormale. Il n’y a pas de compensation pour rééquilibrer l’autre valeur qui a commencé à changer. Le gaz n’indique donc aucune compensation.

(compensation partielle, complète ou aucune compensation) (origine respiratoire ou métabolique) (acidose ou alcalose)

  1. Déterminez quelle modification (CO2 ou HCO3) provoque l’acidose ou l’alcalose.

Dans le présent cas, le taux de CO2 est trop élevé. Le CO2 est acide et plus il est élevé, plus le pH est acide. C’est logique. Le CO2 est lié à la composante respiratoire et le HCO3 est lié à la composante métabolique. L’anomalie se rapporte au CO2, la cause de l’acidose est donc respiratoire.

(compensation partielle, complète ou aucune compensation) (origine respiratoire ou métabolique)(acidose ou alcalose)

Si vous utilisez l’analogie du tir à la corde : Dans ce cas, la corde a été tirée au-delà de 7,35 et l’équipe Acide est victorieuse! Mais pourquoi? Est-ce parce que l’équipe CO2 a augmenté les effectifs? Ou parce que l’équipe HCO3 a perdu des joueurs? Dans ce cas, l’équipe CO2 a ajouté des joueurs, d’où les modifications. L’acidose est donc respiratoire.

RÉPONSE : Une gazométrie de 7,31/57/taux d’oxygène/24 représente une acidose respiratoire non compensée.

S’exercer pour apprendre

À vous de jouer! Observez les valeurs de la gazométrie artérielle suivante et remplissez les trois cases (vous pouvez faire fi du taux d’oxygène pour l’instant). La réponse figure à la fin de cette page.

7,53/37/taux d’oxygène/33

Niveau 2 : Gaz avec compensation partielle

Lorsqu’une maladie ou un processus physiologique provoque un déséquilibre acido-basique, l’organisme tente de « pallier » le problème en modifiant le taux de la valeur opposée, soit en augmentant ou en diminuant la valeur de la variable opposée pour compenser le changement. Le pH se corrige en partie sans pour autant revenir à la normale. La compensation faite par l’organisme n’est que partielle.

Concept clé

Lorsque le gaz indique une compensation partielle, le pH demeure anormal, en plus de deux autres éléments : le CO2 et le HCO3, tous deux en dehors des valeurs normales.

La partie complexe de l’interprétation est de trouver la nature du problème : respiratoire ou métabolique? Pour ce faire, il faut déterminer si le pH est élevé (alcalose) ou faible (acidose) et laquelle des valeurs modifiées, entre le CO2 ou le HCO3, provoque ce déséquilibre. L’autre valeur est celle qui tente de rééquilibrer le pH.

Abordons ce type de gazométrie dans les faits! Pour rappel, les gazométries artérielles sont souvent rédigées avec les valeurs pH/pCO2/pO2/HCO3. Nous ne remplirons que la partie acido-basique de l’interprétation afin de nous concentrer sur cet aspect. Voici donc trois espaces à remplir :

 

(compensation partielle, complète ou aucune compensation)

 

(origine respiratoire ou métabolique)

 

(acidose ou alcalose)

Patient B | 7,32/30/taux d’oxygène/18

Étapes :

  1. Observez d’abord le pH et déterminez s’il est normal ou pas (ou s’il y a compensation complète).

Dans l’exemple, le pH est inférieur à 7,35 et est donc acide.

(compensation partielle, complète ou aucune compensation) (origine respiratoire ou métabolique) (acidose ou alcalose)

  1. Observez la pCO2 et le HCO3. Y a-t-il une seule valeur anormale ou les deux le sont?

Dans l’exemple, la pCO2 et le HCO3 sont tous deux en dehors des valeurs normales. Le pH est toujours anormal, mais cette fois, les deux valeurs ne sont pas « normales », l’une causant l’acidose, l’autre essayant de la corriger. Le gaz indique bel et bien une compensation. Mais la compensation est-elle totale ou partielle? Comme le pH demeure anormal, le déséquilibre est corrigé seulement en partie.

(compensation partielle, complète ou aucune compensation) (origine respiratoire ou métabolique) (acidose ou alcalose)

  1. Déterminez quelle modification (CO2 ou HCO3) provoque l’acidose ou l’alcalose.

Dans l’exemple, les taux de CO2 et de HCO3 sont faibles. Lequel des éléments provoque une acidose, sachant que CO2 = acide et HCO3 = base? Un faible taux de CO2 ne cause pas d’acidose, mais un faible taux de HCO3 (pas assez de base), si! Le HCO3 étant le composant métabolique, l’acidose est métabolique.

(compensation partielle, complète ou aucune compensation) (origine respiratoire ou métabolique) (acidose ou alcalose)

Si l’on utilise l’analogie du tir à la corde, dans cette gazométrie artérielle, l’un des deux camps remporte la victoire. Le pH (la corde) est descendu à une valeur inférieure à 7,35, et l’équipe Acide l’emporte pour le moment. Pourquoi? L’équipe CO2 a-t-elle recruté plus de joueurs? Au contraire, il semble que non. Elle devrait être en train de perdre alors, mais les deux équipes ont subi des modifications! Le HCO3 a également perdu des joueurs. L’équipe Acide va vraiment l’emporter. La perte de CO2 est une tentative infructueuse de rétablir l’équilibre du jeu. Le problème est-il respiratoire ou métabolique? Si la corde du pH est tirée du côté de l’acidose, tout changement dans le nombre de joueurs qui ferait gagner l’équipe Acide est le mécanisme primaire et tout autre changement est la réaction de l’organisme. À bien y penser, ce dernier changement provoquerait la réaction opposée.

S’exercer pour apprendre

À vous de jouer! Observez les valeurs de la gazométrie artérielle suivante et remplissez les trois cases (vous pouvez faire fi du taux d’oxygène pour l’instant). La réponse figure à la fin de cette page.

7,47/30/taux d’oxygène/20

Niveau 3 : Compensation complète

Les anomalies qui provoquent des déséquilibres du pH se normalisent au fil du temps grâce à la compensation normale de l’organisme. Au début du chapitre, nous avons expliqué comment le cerveau peut réguler le taux de CO2 en déclenchant par un autre mécanisme la respiration et permet de conserver ou d’éliminer le HCO3 pour contribuer à équilibrer le pH. Lorsqu’une maladie provoque un problème qui affecte la pCO2 ou le taux de HCO3, l’organisme amorce la variation d’une valeur afin de provoquer l’effet inverse. La pCO2 est-elle trop élevée et provoque-t-elle un gaz acide? L’organisme conserve le HCO3 pour produire plus de base. Le taux de HCO3 augmente et le pH retrouverait donc une valeur normale. Un gaz sanguin indicatif d’une compensation complète a un pH normal, mais une pCO2 et un taux de HCO3 anormaux.

La partie la plus complexe de l’interprétation de ce type de gaz est de déterminer le problème ayant provoqué le déséquilibre. Selon la théorie, il faut vérifier de quel côté penche le pH dans la plage de valeurs normales. Autrement dit, si les valeurs normales sont de 7,35 à 7,45, la médiane se situe à 7,4. Toute valeur comprise entre 7,35 et 7,39 est donc quasiment acide et tout ce qui se situe entre 7,41 et 7,45 est quasiment alcalin. Il faut ensuite déterminer quelle valeur anormale cause le déséquilibre de la pCO2 et du taux de HCO3.

Abordons ce type de gazométrie dans les faits! Pour rappel, les gazométries artérielles sont souvent rédigées avec les valeurs pH/pCO2/pO2/HCO3. Nous ne remplirons que la partie acido-basique de l’interprétation afin de nous concentrer sur cet aspect. Voici donc trois espaces à remplir :

 

(compensation partielle, complète ou aucune compensation)

 

(origine respiratoire ou métabolique)

 

(acidose ou alcalose)

Patient C | 7,37/27/taux d’oxygène/16

Étapes :

  1. Observez d’abord le pH et déterminez s’il est normal ou pas (ou s’il y a compensation complète).

Dans l’exemple, le pH est compris entre 7,35 et 7,45 et est donc normal. Mais le gaz est-il normal? Passez à l’étape suivante pour vérifier si les autres valeurs se situent dans les normales.

(compensation partielle, complète ou aucune compensation) (origine respiratoire ou métabolique) (acidose ou alcalose)

On ne peut rien sélectionner, car il manque des détails. Les gaz sanguins peuvent être tout à fait normaux, à moins que vous ne constatiez une anomalie dans les autres valeurs.

  1. Observez la pCO2 et le HCO3. Y a-t-il une seule valeur anormale ou les deux le sont?

Dans l’exemple, la pCO2 et le taux de HCO3 sont tous deux en dehors des valeurs normales, mais le pH est normal.  Les valeurs de CO2 et de HCO3 se sont éloignées de la normale. Un faible taux de HCO3 entraîne une acidose et un faible taux de CO2, une alcalose. Le gaz indique bel et bien une compensation. En revanche, la compensation est-elle totale ou partielle? Étant donné que le pH est toujours normal, la compensation est totale.

(compensation partielle, complète ou aucune compensation) (origine respiratoire ou métabolique) (acidose ou alcalose)

  1. Déterminez quelle modification (CO2 ou HCO3) a provoqué le déséquilibre.

Dans l’exemple, les taux de CO2 et de HCO3 sont faibles. Il faut d’abord déterminer si le pH est acide ou alcalin. Puisqu’il est inférieur à 7,4, il est plus acide. Il doit donc s’agir d’une acidose compensée. Est-ce l’augmentation du taux de CO2 ou du taux de HCO3 qui aurait acidifié l’organisme, sachant que CO2 = acide et HCO3 = base? Un faible taux de CO2 ne cause pas d’acidose, mais un faible taux de HCO3 (pas assez de base), si! Le HCO3 étant le composant métabolique, l’acidose est métabolique.

(compensation partielle, complète ou aucune compensation) (origine respiratoire ou métabolique) (acidose ou alcalose)

Pour identifier un gaz indicatif d’une compensation complète, il suffit d’examiner le diagnostic du patient. En cas d’hospitalisation pour une insuffisance respiratoire, le problème n’est sans doute pas métabolique, mais plutôt respiratoire. En revanche, en cas de sepsis ou de traitement diurétique chronique, le problème n’est pas respiratoire. Si la gazométrie artérielle ci-dessus était celle d’une personne aux prises avec une acidocétose diabétique, le problème ne serait certainement pas respiratoire. Il va de soi que ce gaz se classe dans la catégorie des acidoses métaboliques entièrement compensées.

S’exercer pour apprendre

À vous de jouer! Observez les valeurs de la gazométrie artérielle suivante et remplissez les trois cases (vous pouvez faire fi du taux d’oxygène pour l’instant). La réponse figure à la fin de cette page.

7,38/56/taux d’oxygène/34

Réponses

  1. Alcalose métabolique non compensée
  2. Alcalose respiratoire partiellement compensée
  3. Acidose respiratoire entièrement compensée

Si vous n’avez pas trouvé toutes les bonnes réponses, regardez la vidéo suivante qui présente la méthode ROME pour interpréter une gazométrie artérielle. Certaines personnes la privilégient, car elle leur semble plus logique. Par la suite, refaites tous les exercices de cette page pour vérifier votre compréhension.

 

Un ou plusieurs éléments interactifs ont été exclus de cette version du texte. Vous pouvez les visualiser en ligne ici : https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=161#oembed-2

Pour obtenir la transcription de la vidéo, cliquez sur « Regarder sur YouTube » pour accéder à la source. Vous pourrez accéder à la transcription sur YouTube.

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État d’oxygénation : le dernier chaînon

Une interprétation exhaustive de la gazométrie artérielle se termine par un commentaire sur l’état d’oxygénation. C’est l’étape la plus simple. L’hypoxie se classe en différents degrés. Puisque la mesure d’un faible taux d’oxygène provient du sang artériel, on ne parlera pas d’hypoxie, mais plutôt d’hypoxémie (hypoxie dans le sang), où « hypox- » signifie faible en oxygène et « -émie », présence dans le sang.

Hypoxie ou hypoxémie? Inutile de se casser la tête; ces deux termes signifient essentiellement la même chose. La seule distinction est la provenance de la mesure du taux faible d’oxygène. Si vous examinez la SpO2 et le tableau clinique d’un patient et constatez un faible taux d’oxygène, c’est signe qu’il est en hypoxie. Si vous prélevez du sang artériel et le faites analyser, puis constatez un faible taux d’oxygène, c’est signe que le patient a une hypoxémie (quantité insuffisante d’oxygène dans le sang).

Sans égard à la pO2, vérifiez plutôt où se rapportent les valeurs par rapport à la description de l’hypoxie. À la fin de l’interprétation de la gazométrie artérielle, ajoutez un commentaire sur l’oxygénation en vous référant aux valeurs suivantes :

Si la pO2 est de… Commentaire
80-100 mmHg Oxygénation normale
60-79 mmHg Hypoxémie légère
40-59 mmHg Hypoxémie modérée
< 40 mmHg Hypoxémie sévère
> 100 mmHg Hyperoxémie

Nul besoin de mémoriser ces valeurs. Si vous connaissez les valeurs normales et savez qu’une pO2 inférieure à 40 mmHg désigne une hypoxémie sévère, vous n’avez qu’à ajouter 20 mmHg pour déterminer les autres degrés d’hypoxémie, car chaque degré représente 20 mmHg. Facile, non?

Voyons maintenant trois commentaires :

  1. pO2 de 62 : inscrire « avec une hypoxémie légère » à la fin de l’interprétation de la gazométrie artérielle.
  2. pO2 de 49 : inscrire « avec une hypoxémie modérée » à la fin de l’interprétation de la gazométrie artérielle.
  3. pO2 de 93 : inscrire « avec une oxygénation normale » à la fin de l’interprétation de la gazométrie artérielle.

Un clinicien remplit des documents dans une unité de soins intensifs, avec des patients sous respirateur à l’arrière-plan.

Un clinicien remplit des documents sur le patient dans une unité de soins intensifs.

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Conclusion

Nous avons maintenant couvert les points fondamentaux de l’interprétation d’une gazométrie artérielle. Essayez de vous y exercer aussi souvent que possible, pour que la démarche vous vienne naturellement. La meilleure façon de maîtriser l’interprétation de la gazométrie artérielle est de discerner le « pourquoi » au lieu de simplement tout apprendre par cœur. Le prochain chapitre explique comment appliquer ces connaissances pour modifier des paramètres sur le respirateur. Il est donc important de bien comprendre les relations entre le CO2, le HCO3 et le pH.

Cela dit, une mise en garde s’impose.

Lorsque vous examinez une gazométrie artérielle, il arrive de ne pas relever un gaz « normal ». Les cliniciens peuvent être si concentrés sur le diagnostic qu’ils passent à côté d’une valeur normale. Si tous les résultats sont dans les valeurs normales, la gazométrie est normale et ne nécessite aucune autre interprétation. Une gazométrie normale indique que l’organisme est en parfait équilibre et qu’il n’y a aucun excès acide ni basique. Toutes les valeurs sont normales : le corps est le théâtre d’une partie de tir à la corde à forces parfaitement égales, la corde (pH) est en position normale et est tirée par le nombre normal de joueurs des deux côtés.

Bilan

L’interprétation de la gazométrie artérielle est une part essentielle d’une ventilation efficace, car les renseignements qu’elle procure déterminent le paramétrage initial (lorsque possible) du respirateur et les ajustements. Dans ce chapitre, vous avez appris la théorie qui sous-tend la gazométrie artérielle, cette partie de « tir à la corde » acido-basique qui se joue dans l’organisme. Vous avez ensuite appris les bases de la gazométrie artérielle et décortiqué les valeurs générées : le pH, la pCO2, la pO2 et les HCO3. Enfin, vous savez à présent comment répondre aux quatre principales questions qui orientent l’interprétation de la gazométrie artérielle :

  • Est-ce que le prélèvement présente une compensation, et si oui, est-elle partielle ou complète?
  • Indique-t-il un problème respiratoire ou métabolique?
  • Dénote-t-il une acidose ou une alcalose?
  • Est-il normal, hypoxémique ou hyperoxique?

Prochain chapitre

Dans le dernier chapitre, vous apprendrez comment utiliser l’interprétation de la gazométrie artérielle pour bien choisir et ajuster les réglages du respirateur.

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Test du chapitre 8

Questionnaire du chapitre 8

Voyez à quel point vous avez réussi à assimiler la matière abordée dans ce chapitre en répondant aux 6 questions suivantes. N’oubliez pas de consulter votre score!

 

Un élément interactif H5P a été exclu de cette version du texte. Vous pouvez le consulter en ligne ici :
https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=164#h5p-1

Poursuivez votre apprentissage

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IX

Chapitre 9 | Ajustement de la ventilation en fonction de la gazométrie artérielle

Vous avez atteint le dernier chapitre! Tout au long du manuel, vous avez constaté les différences entre la respiration spontanée et la ventilation mécanique et avez même appris qu’il n’y a pas d’approche universelle. Pour assurer une ventilation aussi sécuritaire et efficace que possible, il faut définir le mode et les paramètres de ventilation en fonction des patients et de leurs besoins. Vous avez appris les notions suivantes :

  • modes contrôlés, y compris les paramètres initiaux
  • mode spontané, y compris les paramètres initiaux
  • ventilation non invasive
  • interprétations de la gazométrie artérielle

De plus, vous savez à présent que l’efficacité des paramètres programmés initialement est évaluée en examinant la gazométrie artérielle de la personne ventilée. Cependant, que faire avec les paramètres de ventilation lorsque vous interprétez la gazométrie artérielle? Comment déterminer quelles valeurs changer et maintenir? Le chapitre couvre les aspects suivants :

  • Les objectifs de l’ajustement des paramètres de la ventilation.
  • Les valeurs d’une gazométrie artérielle que l’on peut corriger à l’aide de la ventilation.
  • Les paramètres du respirateur influençant le taux de CO2 et d’O2.
  • La détection d’un ou de plusieurs problèmes dans la gazométrie artérielle.
  • La mise en évidence de tout ajustement susceptible d’améliorer la gazométrie artérielle et le choix du paramètre optimal.
  • Le degré d’ajustement approprié pour corriger les problèmes relevés par la gazométrie artérielle.

Application

Le chapitre table sur l’ensemble du contenu du manuel afin de présenter une vue d’ensemble de différents aspects : l’évaluation du besoin de ventilation en fonction de la gazométrie artérielle, le choix du mode approprié et la sélection des paramètres adéquats. Vous comprendrez alors qu’il faut refaire une gazométrie artérielle pour vérifier l’évolution du traitement, et vous saurez comment interpréter les résultats pour ajuster les réglages du respirateur. L’étude de cas présentée dans le chapitre permettra d’accompagner les patients tout au long du processus, de l’évaluation initiale au sevrage, et de voir comment toutes les composantes de la ventilation s’articulent. Au terme du chapitre, vous aurez confiance en vos compétences pour travailler avec des respirateurs auprès d’une patientèle ventilée lors de vos activités professionnelles.

Objectifs d’apprentissage

Voici ce que vous pourrez faire à la fin de ce chapitre :

  1. Expliquer les objectifs de l’ajustement des paramètres de la ventilation.
  2. Définir les valeurs d’une gazométrie artérielle que l’on peut corriger à l’aide de la ventilation.
  3. Établir une corrélation entre le paramétrage du respirateur et les taux de CO2 et d’O2.
  4. Détecter un ou plusieurs problèmes dans la gazométrie.
  5. Évaluer tout ajustement susceptible d’améliorer la gazométrie artérielle afin de sélectionner le paramètre optimal.
  6. Déterminer le degré d’ajustement nécessaire pour une personne ventilée.

Principaux termes

  • élimination du CO2
  • pression intrathoracique
  • retour veineux
  • fraction d’éjection
  • surventilé

Ces termes apparaissent en gras lorsqu’ils sont utilisés pour la première fois dans le chapitre. Pour en savoir plus sur ces termes, vous pouvez les chercher dans le Grand dictionnaire terminologique.

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Ajustement de la ventilation : objectifs

N’oubliez pas que l’objectif principal des prestataires de soins cliniques est d’atténuer le traumatisme de la ventilation. Nous avons discuté des impacts de la ventilation mécanique sur les poumons : application d’une pression élevée et risque de lésions pulmonaires induites par la ventilation, de barotraumatisme et de volutraumatisme (voir le chapitre 5). Nous avons également abordé le problème de l’atrophie des muscles respiratoires si le patient reste trop longtemps sous respirateur (voir le chapitre 6). Voici les meilleurs moyens d’atténuer de tels effets négatifs :

  • adapter les paramètres de la ventilation aux besoins des patients
  • raccourcir la durée de la ventilation mécanique et abaisser les paramètres le plus rapidement possible

Les solutions susmentionnées doivent être à l’avant-plan de toute stratégie de ventilation. Il faut corriger les problèmes liés à la ventilation mécanique et dans la mesure du possible, il est important de tendre constamment vers la réduction des paramètres de ventilation en vue de l’extubation. Gardez à l’esprit que l’extubation n’est envisageable que si le problème présenté par la personne ventilée est résolu et que la gazométrie artérielle s’améliore.

Concept clé

Les objectifs de l’ajustement de la ventilation sont les suivants :

  1. Corriger les déséquilibres ou les problèmes de l’organisme, souvent révélés par la gazométrie artérielle.
  2. Favoriser l’extubation en diminuant les réglages, en passant à des modes spontanés ou en atteignant des réglages minimaux.

Un prestataire de soins effectue une aspiration dans la bouche d’un patient avant l’extubation. Les yeux du patient sont recouverts de bandes adhésives et il porte un filet à cheveux; il est donc en salle d’opération.

À la fin de l’intervention, on procède à une aspiration avant d’extuber le patient.

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  • suctioning prior to extubation, de Rafael Ortega, M.D., Christopher Connor, M.D., Ph. D., Gerardo Rodriguez, M.D. et Caresse Spencer, M.D., sous licence Tous droits réservés

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Ventilation pour corriger une gazométrie artérielle anormale : principaux enjeux

Après l’instauration de la ventilation, la gazométrie artérielle est utilisée pour évaluer l’efficacité des paramètres actuellement définis. Lorsqu’on doit ajuster la ventilation pour rééquilibrer une gazométrie artérielle, il faut se poser les six questions suivantes :

  1. Quels problèmes la ventilation peut-elle corriger?
  2. Incidence des paramètres de ventilation sur les valeurs de la gazométrie artérielle
  3. Quels sont les problèmes liés aux gaz du sang, le cas échéant?
  4. Quels paramètres peut-on modifier pour résoudre le problème?
  5. Quels seraient les ajustements les plus appropriés pour la personne ventilée?
  6. Dans quelle mesure doit-on modifier les paramètres?

Les questions 1 et 2 vous seront fort utiles lors de vos débuts, mais une fois que vous maîtriserez les concepts, il ne sera plus nécessaire de vous les poser chaque fois. Mais les questions 3, 4, 5 et 6 sont toujours posées pour chaque personne sous ventilation mécanique.

Au cours des prochaines pages, chaque question sera abordée en profondeur, au moyen d’un exemple de patient, pour comprendre comment tirer profit de toutes vos connaissances et ventiler efficacement un patient.

Une femme portant une blouse et un stéthoscope, les mains sur les hanches.

Un prestataire de soins compétent peut intégrer tous les éléments afin d’atteindre les objectifs fixés pour la personne ventilée.

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Que peut-on corriger par la ventilation?

Passons en revue les points abordés dans les chapitres précédents. En ventilation mécanique, il faut souvent intuber des personnes qui ont de la difficulté à réguler leurs taux de CO2 et d’O2. Ces dernières peuvent être intubées en raison d’une insuffisance ventilatoire (augmentation du CO2, hypercapnie) ou d’une hypoxie (diminution du taux d’oxygène). Nous avons vu comment la variation du taux de CO2 dans l’organisme peut affecter le pH global, mesuré au moyen d’une gazométrie artérielle. Souvent, la décision d’intuber un patient découle directement des résultats de l’analyse.

Une gazométrie artérielle permet d’obtenir les valeurs du pH, de la pCO2, de la pO2 et du HCO3. Quelles sont les valeurs pouvant être affectées par la ventilation et celles qui ne le sont pas?

Application des apprentissages

Pensez à la façon dont l’organisme maintient normalement l’équilibre acido-basique. Lequel des mécanismes de compensation est lié à la respiration? Quelle valeur n’est pas liée à la respiration? Si vous avez des difficultés à répondre, reportez-vous au chapitre 8. Poursuivez ensuite votre lecture pour connaître la réponse.

Bien joué! Le CO2 est directement affecté par la ventilation, contrairement au HCO3 qui doit être régulé par les reins. Par conséquent, en contexte de ventilation, le pH ne peut être modifié que par l’altération du CO2 et non par celle des bicarbonates. De plus, la pO2 peut également être directement influencée par la quantité d’oxygène acheminée aux poumons.

Notions à retenir

En cas de gazométrie artérielle présentant des déséquilibres acido-basiques, le taux de HCO3 ne peut être influencé par la ventilation. Le CO2 est le principal composant affecté par la respiration et la ventilation mécanique. Pour corriger les déséquilibres acido-basiques révélés par la gazométrie artérielle, il faut maintenir un pH normal. Il faut parfois faire légèrement dépasser le taux de CO2 des valeurs normales pour corriger un pH anormal.

Travailleurs de la santé portant des combinaisons de protection, avec masques et visières.

Pendant la pandémie de COVID-19, de nombreux travailleurs de la santé ont dû apprendre à utiliser la ventilation. Peut-être que c’est votre cas!

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  • protective-suit-gf185e2d3a_1280, de 18427938, sous licence CC0

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Incidence des paramètres de ventilation sur les valeurs de la gazométrie artérielle

À ce stade de l’apprentissage, vous connaissez sans doute très bien les termes ventilation (échange de pCO2) et oxygénation (pO2). Pour rappel, la pCO2 et la pO2 sont des valeurs obtenues avec une gazométrie artérielle. Établissons le lien entre ces concepts et les paramètres du respirateur, puis découvrons quel paramètre affecte la ventilation ou l’oxygénation.

À plusieurs reprises, nous avons souligné que la ventilation fait référence à l’échange d’air à l’intérieur et à l’extérieur des poumons. Lorsqu’il est question des effets sur les gaz du sang, la ventilation est directement associée à l’élimination du CO2. Quels sont alors les paramètres du respirateur susceptibles d’avoir une incidence sur ce phénomène? Quels sont les paramètres qui influencent directement la quantité d’air qui entre et sort des poumons? Si vous avez répondu le volume courant, bien joué! L’amplitude respiratoire influence directement la quantité d’air entrant dans les poumons et de CO2 qui en sort.

Un autre paramètre peut influencer la quantité de CO2 évacuée. Que déclenchent les chémorécepteurs dans le cerveau si le taux de CO2 augmente? Si vous avez répondu la fréquence respiratoire (FR), vous avez bien appris! La FR a également une incidence directe sur la quantité de CO2 sortant des poumons au fil du temps. Si la respiration accélère, l’organisme se débarrasse plus rapidement du CO2, ce qui contribue à en faire baisser le taux.

L’augmentation de l’expulsion du CO2 est communément appelée élimination du CO2. Employez ce terme lorsque vous vous adressez à des spécialistes de la ventilation afin de montrer votre expertise.

Concept clé

Lorsqu’il est question de régulation de la ventilation, la FR et le volume courant sont les deux paramètres ayant une incidence directe sur la quantité d’air entrant dans les poumons et de CO2 qui en sort.

Qu’en est-il de l’oxygénation? Quels sont les réglages du respirateur qui influencent directement l’état d’oxygénation d’une personne ventilée? Le concept ne devrait pas vous être étranger. Nous nous sommes attardés sur la FiO2 et sur la PEP, dont la synergie permet l’acheminement d’oxygène à l’organisme (voir le chapitre 2). La FiO2 peut être augmentée pour acheminer de plus grandes quantités d’oxygène aux poumons, tandis que la PEP permet de pousser l’oxygène à travers la membrane alvéolocapillaire.

Veuillez noter que les concepts sont légèrement simplifiés. Les paramètres du respirateur qui influencent l’oxygénation et la ventilation se recoupent en partie. Cependant, les novices doivent garder à l’esprit que l’oxygénation et la ventilation, ainsi que les paramètres qui les influencent, sont distincts et ne se recoupent pas.

Le tableau suivant résume les paramètres de la ventilation mécanique qui influent sur l’oxygène par rapport à la ventilation :

Paramètres qui influencent l’oxygénation : Paramètres qui influencent la ventilation :
FiO2
PEP
FR
Vc

Un hélicoptère vert dans le ciel, portant la marque Life Flight.

Si vous travaillez en transport aéromédical ou en évacuation médicale, vous serez peut-être le seul ou le principal soignant d’un patient ventilé et vous devrez prendre les décisions qui s’imposent.

Attribution des éléments visuels

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Quels sont les problèmes liés aux gaz du sang?

L’interprétation des résultats d’une gazométrie artérielle permet de déterminer si le pH est équilibré et si les taux de CO2, d’O2 et de HCO3 sont anormaux. Il faut surtout retenir que l’objectif principal est d’obtenir un pH normal dans l’organisme. Il faut éviter de créer des problèmes en ajustant le taux de CO2 si cet ajustement entraîne un écart du pH par rapport à la normale. Il est parfois nécessaire d’accepter un taux anormal de CO2, à condition de maintenir un pH adéquat.

Examinons un exemple de gazométrie artérielle et cernons les possibles problèmes liés aux gaz. Ensuite, nous ferons le pont entre les résultats et les problèmes pouvant être corrigés au moyen de la ventilation mécanique.

Patient | 7,31/57/68/24

La gazométrie artérielle du patient en question est exprimée comme suit : pH/pCO2/pO2/HCO3. Prenez le temps d’interpréter le résultat, car vous devrez ensuite commenter les aspects suivants :

  1. la compensation
  2. l’origine du problème (respiratoire ou métabolique)
  3. le problème en soi (acidose ou alcalose)
  4. l’état d’oxygénation

Application des apprentissages

Comment interpréteriez-vous cette gazométrie artérielle? Essayez de trouver la réponse avant de poursuivre.

Si vous avez répondu « acidose respiratoire non compensée avec hypoxémie légère », bien joué!

Quels sont alors les problèmes liés à ce gaz?

  • Le pH est faible et l’organisme est en état d’acidose.
  • La pCO2 est trop élevée et provoque l’acidose.
  • La pO2 est faible et le patient est en état d’hypoxie.

Le taux de bicarbonates est normal, il n’y a donc aucun problème pour cette valeur.

N’oubliez pas que la ventilation mécanique permet de modifier directement l’O2 et le CO2, et indirectement le pH en changeant le taux de CO2. En revanche, seul l’organisme, au fil du temps, peut modifier le taux de HCO3.

La gazométrie artérielle ci-dessus convient parfaitement à la ventilation mécanique, par laquelle on peut améliorer l’oxygénation, modifier la quantité de CO2 expirée et normaliser le pH par cette modification au taux de CO2.

Une équipe chirurgicale à l’œuvre dans une salle d’opération.

La ventilation mécanique est vitale pour assurer la sécurité lors des interventions chirurgicales.

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  • surgery-g23cad33c4_640, de sasint, sous licence CC0

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Quels paramètres modifier pour résoudre un problème relevé dans la gazométrie artérielle?

La prochaine étape est de se pencher sur les ajustements de paramètres qui amélioreront les valeurs de la gazométrie. Après avoir décelé le problème, il faut se demander quelles modifications pourraient être apportées à chaque paramètre.

Nous savons que la ventilation et l’oxygénation ont chacune deux paramètres distincts pouvant avoir une incidence sur les taux de CO2 et d’O2 respectivement. Récapitulons :

Paramètres qui influencent l’oxygénation : Paramètres qui influencent la ventilation :
FiO2
PEP
FR
Vc

D’après les problèmes décelés grâce à la gazométrie artérielle, comment souhaitez-vous modifier ces paramètres?

Examinons d’abord les paramètres qui influencent la ventilation. Le taux de CO2 est la seule valeur modifiable sur un respirateur pour influencer le pH global. Par ailleurs, la FR et le Vc représentent des options permettant de modifier la pCO2 et, par le fait même, le pH.

Exemple pratique

Un homme écope une barque en train de couler.

tiré de Giphy

Pour bien comprendre les changements à apporter à la FR ou au Vc afin d’ajuster le taux de CO2, pensez à une personne se trouvant dans un bateau dont le fond est troué, au beau milieu d’un lac. L’eau s’engouffre rapidement dans le bateau. Vous devez évacuer l’eau du bateau pour l’empêcher de couler. Dans l’analogie, le bateau représente les poumons et le niveau d’eau, le taux de CO2 dans le corps. La rapidité et l’importance de l’évacuation correspondent à l’élimination du CO2 à chaque expiration.

Si l’eau montait dans le bateau, vous auriez deux options pour en réduire le niveau :

  • écoper plus rapidement
  • écoper aussi vite que l’eau monte, mais avec un plus grand seau

Revenons aux poumons. Écoper plus rapidement équivaut à respirer plus vite. De ce fait, vous expirez davantage de CO2 (en éliminant plus d’eau). Inversement, si le même rythme respiratoire (vitesse d’écopage) est maintenu, vous pouvez éliminer plus de CO2 en évacuant plus d’air par respiration (un plus grand seau). Il faudrait simplement augmenter le volume courant à chaque respiration.

Gardez cette analogie à l’esprit lorsque nous analyserons les exemples.

Comme vous venez de le constater, il est possible de réduire le taux de CO2 en augmentant la FR ou le Vc. Et réciproquement, si le taux de CO2 est trop faible, l’inverse est vrai : il est possible de réduire la FR ou de fixer un Vc plus faible.

Penchons-nous maintenant sur l’oxygénation avec un exemple assez intuitif. Un taux d’oxygène trop faible s’améliorera si la FiO2 ou la PEP sont augmentées afin de pousser l’oxygène à travers la membrane alvéolocapillaire. Inversement, un taux d’oxygène dans le sang trop élevé baissera à la suite d’une diminution du taux d’oxygène fourni (jamais en dessous de 0,21) et de la PEP.

Poursuivons notre analyse.

Patient | 7,31/57/68/24

Voici les constats tirés de la gazométrie artérielle :

  • Le pH est acide (principale valeur à corriger).
  • La pCO2 est trop élevée, et il faut la modifier pour équilibrer le pH.
  • La pO2 est trop faible.

Dans le présent cas de figure, il y a un problème de ventilation (taux élevé de CO2 causant un pH acide) ainsi qu’un problème d’oxygénation (faible pO2). Quels changements peuvent donc être apportés pour les résoudre?

L’organisme n’évacue pas suffisamment de CO2 avec la respiration actuelle du patient. Repensez à l’analogie de l’écopage d’un bateau en train de couler. Dans cette situation, le niveau d’eau dans le bateau est trop élevé. Quelles sont vos options? Augmenter la vitesse d’écopage ou utiliser un plus grand seau. Par conséquent, les possibles modifications à la ventilation sont les suivantes :

  • augmenter la FR
  • augmenter le volume courant pour évacuer plus de CO2

Examinons maintenant le problème de la pO2 d’après les résultats de la gazométrie artérielle de ce patient. Le taux d’oxygène est trop faible, et le patient souffre d’une légère hypoxie. Il faut augmenter l’apport d’oxygène dans le sang, soit en acheminant une plus grande quantité, soit en le poussant plus fort à travers la membrane alvéolocapillaire pour en faire passer plus dans le sang par respiration. Par conséquent, les changements d’oxygénation possibles sont les suivants :

  • augmenter la FiO2 acheminée
  • augmenter la PEP pour aider à pousser l’oxygène à travers la membrane et solliciter d’autres alvéoles

Maintenant que toutes les options sont connues, vous pouvez vous concentrer sur celles qui conviennent le mieux à votre patient. Abordons maintenant la dernière question.

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Déterminer les bons paramètres à ajuster

Lorsqu’il est question d’oxygénation et de ventilation, deux paramètres peuvent généralement corriger le problème décelé à la gazométrie. En général, s’il faut modifier les paramètres du respirateur, le prestataire de soins fait un seul changement et attend les résultats de la nouvelle gazométrie avant d’effectuer d’autres changements. Voici donc la question la plus importante : quel est le paramètre le plus approprié à modifier?

Les deux options sont-elles équivalentes? Dans de rares cas, il est possible d’ajuster l’un ou l’autre des paramètres. En général, l’un des deux paramètres est préférable. Le manuel a présenté tous les types de situations et il est temps de mettre vos connaissances à profit pour savoir comment prendre des décisions éclairées pour vos patients.

Problèmes de ventilation : FR ou Vc

Si le pH est anormal et que vous essayez de le rééquilibrer en augmentant ou en diminuant la pCO2, vous savez que le Vc et la FR sont deux paramètres qui influencent la quantité de CO2 éliminé à chaque expiration. Cela dit, quel changement convient le mieux?

La réponse dépend du réglage actuel du respirateur. Vous souvenez-vous des seuils sécuritaires pour la FR? En temps normal, les prestataires de soins médicaux ayant des connaissances de base sur les respirateurs doivent régler une FR de départ comprise entre 14 et 18 resp./min. Il est recommandé de ne pas dépasser 24 resp./min sans l’avis d’un médecin ou thérapeute respiratoire autorisé en raison de l’incidence sur le temps nécessaire à l’expiration et du risque de provoquer un asynchronisme. Si la FR est supérieure à 14 resp./min, mais inférieure à 18 resp./min, il est possible de l’augmenter ou de la diminuer en toute sécurité en respectant les seuils de 10 à 24 resp./min.

Pensez maintenant à vos seuils de volume courant. Ce paramètre peut être ajusté avec une très grande exactitude. Les prestataires de soins ayant des connaissances de base sur les respirateurs peuvent utiliser un volume courant sécuritaire de 6 à 8 ml/kg. Rappelez-vous qu’il ne faut jamais dépasser le seuil maximal de 8 ml/kg. En vous fondant sur votre connaissance du poids idéal et des seuils de volume courant sécuritaire calculés, vous devez comparer le volume courant insufflé aux seuils calculés. Avez-vous une marge de manœuvre pour remédier au problème? Si c’est le cas, la modification du volume courant est une bonne option. Cependant, si vous vous trouvez à l’une ou l’autre de ces limites, il n’est pas possible de modifier le volume courant pour remédier au problème.

Concept clé

Choisir le Vc ou la FR? Si les deux valeurs sont près des plus faibles valeurs sécuritaires, vous pouvez ajuster soit la FR, soit le Vc. En revanche, si l’une des valeurs est près du seuil maximal, modifiez l’autre paramètre. Si les valeurs sont près des seuils maximaux pour la FR et le Vc, n’oubliez pas que le Vc est une limite stricte, tandis que la FR peut encore être ajustée avec précaution en suivant les recommandations du médecin ou thérapeute respiratoire autorisé. Si les valeurs du Vc et de la FR sont près des seuils inférieurs et qu’il faut encore les diminuer, passez plutôt à l’étape suivante du sevrage (voir le chapitre 6).

Problèmes d’oxygénation : FiO2 ou PEP?

Lorsqu’il faut modifier la FiO2 ou la PEP, il faut tenir compte de l’incidence de l’une ou l’autre de ces valeurs sur l’organisme. N’oubliez pas qu’un taux élevé d’oxygène peut provoquer des lésions pulmonaires et qu’il faut toujours viser la FiO2 la plus basse pour maintenir une SpO2 supérieure à 92 % et une pO2 normale (80-100 mmHg). Une FiO2 supérieure à 0,5 peut entraîner des lésions pulmonaires à cause de l’oxygène (voir le chapitre 2).

Pour la PEP, il existe un seuil minimal absolu de 5 cmH2O; il ne faut jamais diminuer la PEP en dessous de ce seuil. Inversement, une augmentation trop importante de la PEP peut avoir un impact négatif sur l’organisme. Vous vous souvenez du chapitre 2? Nous avons expliqué comment des niveaux élevés de PEP peuvent avoir une incidence négative sur la compliance des poumons, tout comme c’est le cas des ballons qui ont déjà été gonflés par pression et ont perdu de leur élasticité, de sorte qu’ils ne peuvent plus se gonfler aussi facilement. Une PEP élevée entraîne également une augmentation de la pression dans les alvéoles qui, en plus du volume ou de la pression supplémentaire appliquée à chaque respiration, peut faire dépasser le niveau de pression sécuritaire et exposer les poumons à un risque de barotraumatisme. La pression doit impérativement demeurer en dessous de 35 cmH2O; plus elle est basse, mieux c’est.

La PEP augmente également la pression dans le thorax, qui outre les poumons, abrite également le cœur et des vaisseaux importants comme l’aorte et la veine cave. L’augmentation de la pression intrathoracique augmente également la pression exercée sur ces vaisseaux. Une telle pression peut provoquer une compression du cœur, ce qui diminue le retour du sang et l’efficacité du pompage. Les termes médicaux associés à ces situations sont le retour veineux et la fraction d’éjection du cœur. Les deux circonstances ont des répercussions sur la tension artérielle.

Un prestataire de soins prend la pression artérielle d’une patiente.

La pression artérielle permet entre autres d’évaluer le retour veineux ou la fraction d’éjection du cœur.

Lorsqu’on sélectionne la FiO2 ou la PEP comme paramètre à modifier, un bon principe de base pour traiter l’hypoxie est d’augmenter la FiO2 jusqu’à tendre vers une valeur de 0,50, puis d’augmenter lentement la PEP de 1 à 2 cmH2O jusqu’à atteindre un niveau modéré (10 à 12 cmH2O) pour faciliter l’oxygénation. Si l’hypoxie persiste, il faut continuer à augmenter la FiO2. N’oubliez pas de consulter un médecin ou le professionnel de la santé le plus responsable s’il faut une PEP plus élevée et une FiO2 supérieure à 0,50.

Lors de la diminution de la FiO2, il faut procéder à l’inverse. Diminuez la FiO2 jusqu’à ce qu’elle soit inférieure à 0,5; ensuite, diminuez lentement la PEP jusqu’à obtenir environ 8 cmH2O avant de diminuer à nouveau la FiO2.

À tout moment, si l’augmentation de la PEP entraîne une baisse de la pression artérielle en dessous des seuils acceptables (20 % en dessous des valeurs initiales), ramenez-la à la valeur précédemment consignée et ajustez la FiO2 pour atteindre la SpO2 cible.

Revenons à notre exemple…

Patient | 7,31/57/68/24

Supposons que le patient est ventilé en volume contrôlé. Les paramètres sont les suivants : FR de 16 resp./min, Vc de 420 ml, PEP de 5, FiO2 de 0,5. Le poids idéal calculé est de 52 kg.

Quels sont les paramètres les plus propices à ajuster pour résoudre les problèmes de pH acide, de pCO2 élevée et d’O2 faible?

Vous pouvez augmenter la FR, car elle n’est qu’à 16 resp./min et peut être augmentée en toute sécurité jusqu’à atteindre 24 resp./min. Une telle modification est appropriée.

Quant au Vc de 420 ml, on peut le comparer aux seuils sécuritaires de 6 et 8 ml/kg de poids corporel. Le volume courant sécuritaire pour une personne de 52 kg se situe entre 312 et 416 ml. Le volume est donc dans les valeurs les plus élevées, près du seuil de 8 ml/kg. Dans ce cas, on ne peut augmenter le Vc pour favoriser l’évacuation du CO2 et la correction de la gazométrie. La modification serait donc inappropriée.

Qu’en est-il de la faible pO2? La PEP est de 5 et la FiO2 est de 0,5. La PEP correspond au seuil minimal et il est possible d’augmenter cette valeur. Avant de prendre cette décision, il est recommandé de vérifier la FiO2.

Qu’en est-il de la FiO2? Bien qu’il soit possible d’augmenter la FiO2 jusqu’à 1,0, des dommages dus à l’oxygène peuvent se produire à des niveaux supérieurs à 0,50. Dans ce cas, une modification de la PEP serait une option préférable.

Cependant, une mise en garde s’impose : Il est clair qu’il faut remédier à l’hypoxie sévère. Toutes les cellules ont besoin d’oxygène pour survivre. La FiO2 a un effet rapide en quelques respirations, tandis que la PEP commence à agir pleinement environ après une heure. En cas d’hypoxie modérée à sévère (pO2 inférieure à 60 mmHg), augmenter la FiO2 pour obtenir des résultats immédiats tout en augmentant la PEP, puis réduire la FiO2 lorsque la SpO2 se rétablit serait la solution la plus convenable. Dans ce cas, l’hypoxie n’est que légère (60-79 mmHg), de sorte qu’augmenter la PEP pourrait suffire tant que la SpO2 demeure supérieure à 92 %. Au besoin, vous pouvez également augmenter légèrement la FiO2 pendant que l’augmentation de la PEP commence à agir, puis diminuer la FiO2 lorsque la SpO2 s’améliore suffisamment.

Vous comprenez jusqu’à présent? Il ne reste plus qu’une question à aborder…

Si vous éprouvez des difficultés, n’oubliez pas qu’un soutien et des conseils supplémentaires sont offerts aux personnes inscrites au microprogramme du Collège Sault sur les principes de base de la ventilation mécanique.

Deux personnes assises sur le gazon en ville sourient en regardant un ordinateur portable

Vous n’êtes pas seul! Des membres du personnel enseignant peuvent vous accompagner.

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Jusqu’à quel degré changer les paramètres?

Généralement, il faut modifier une valeur à la fois puis effectuer par la suite une nouvelle gazométrie et analyser la SpO2 pour évaluer les changements. Cela dit, jusqu’à quel degré doit-on modifier chaque paramètre pour obtenir des résultats? Bon nombre de manuels sur la ventilation recommandent des formules pour calculer les changements. Or, dans la réalité, ils sont souvent effectués en utilisant une simple logique. Une bonne approche des changements progressifs est la suivante :

Paramètre Ligne directrice pour chaque changement progressif Seuils et précautions
FR +/- 2 resp./min FR de 10 à 24 resp./min (peut être plus élevée avec autorisation du médecin)
Vc +/- 1 ml/kg (entre 6 à 8 ml/kg) Min de 6 ml/kg, Max de 8 ml/kg
FiO2 +/- 0,1 ou 10 % d’O2 Max de 1,0 (prudence au-delà de 0,5)
PEP +/- 1 ou 2 cmH2O 5 à 12 cmH2O (prudence au-delà de 10, demander l’avis du médecin au-delà de 12)

Revenons à l’exemple du patient.

Patient | 7,31/57/68/24

Réglages du respirateur : FR de 16 resp./min, Vc de 420 ml, PEP de 5, FiO2 de 0,5

Information connue : Poids idéal de 52 kg Calcul effectué en utilisant les seuils de Vc sécuritaire de 6 et 8 ml/kg, soit entre 312 et 416 ml pour ce patient.

En répondant aux précédentes questions, vous avez décidé qu’il fallait corriger le pH en rejetant plus de CO2. Bien que les possibilités d’augmenter la FR ou le volume courant sont envisageables (pensez à l’analogie de l’eau qui monte et de la nécessité de l’évacuer plus vite ou avec un plus grand seau), vous avez déterminé que vous ne pouviez pas augmenter le Vc parce que le seuil de 8 ml/kg est atteint. Par conséquent, la seule option est d’augmenter la FR afin de diminuer la pCO2 et de rééquilibrer le pH. Le prestataire de soins augmenterait probablement la FR par tranche de 2 resp./min pour la régler à 18 resp./min.

Par ailleurs, vous savez que le patient souffre d’une légère hypoxie. Étant donné que la FiO2 est de 0,5, vous décidez d’augmenter la PEP tant que la SpO2 demeure en dessous de 92 %, bien que l’option d’augmenter la FiO2 soit également possible pour résoudre le problème. Un prestataire de soins augmenterait probablement la PEP à 7 cmH2O. Si la SpO2 est inférieure à 92 %, on peut augmenter la FiO2 à 0,6 pendant environ 30 minutes et la diminuer dès que la modification de la PEP commence à donner des résultats.

Vous connaissez désormais les valeurs typiques auxquelles on doit ajuster chaque paramètre pour avoir un impact sur la gazométrie. De telles analyses peuvent révéler de légers déséquilibres ou des problèmes parfois plus importants. Si les valeurs de la gazométrie ne concordent pas avec la réalité, il peut être intéressant de procéder à des changements en deux étapes.

Lorsque vous effectuez deux étapes de modifications, les mêmes règles s’appliquent et seules certaines modifications sont appropriées pour le patient en question. En pratique, l’approche revient à modifier deux paramètres (si possible) ou les mêmes paramètres en deux étapes. Par exemple, un problème important se pose si le pH est inférieur à 7,3 ou supérieur à 7,5 et si la pO2 est inférieure à 55. Dans ce cas, si changer la FR est la seule option, vous pourriez envisager de l’augmenter jusqu’à 20 resp./min (16 + 2 + 2 =20 resp./min), et vous augmenteriez certainement la FiO2 (+0,1, +0,1) de même que la PEP (+2). Rappelez-vous que la PEP agit plus lentement et qu’on espère diminuer la FiO2 dès que la PEP commence à agir.

Une infirmière pose fièrement devant un hôpital.

Cette infirmière est fière des compétences qui lui permettent d’améliorer les résultats pour la patientèle.

Sevrage : réglages de la ventilation en vue de l’extubation

Que se passe-t-il si la gazométrie est normale? En ventilation mécanique, une gazométrie normale ouvre la voie au sevrage! Vous pouvez envisager de diminuer les paramètres de la sédation et du respirateur en appliquant les mêmes règles présentées ci-dessus.

Il faut adopter la même approche pour une gazométrie normale que pour une gazométrie indiquant un excès de ventilation (élimination de trop de CO2) tant que le patient est assez stable pour qu’on puisse diminuer l’assistance, ce qui lui permet de commencer à respirer progressivement par lui-même. Si vous remarquez que le patient déclenche des cycles respiratoires au-dessus de la fréquence définie et que la situation est stable sur le plan vital, le moment serait propice pour envisager de passer d’un mode contrôlé à un mode spontané, au moyen des réglages initiaux décrits au chapitre 6. Les gazométries sont toujours utilisées pour évaluer l’efficacité du changement, puis les réglages de la ventilation spontanée avec aide inspiratoire sont réduits au minimum en vue de l’extubation.

De plus amples renseignements sur le processus du sevrage sont fournis dans le microprogramme du Collège Sault. Rendez-vous sur le site training.saultcollege.ca pour vous renseigner ou vous inscrire.

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Consolidation des apprentissages : étude de cas

Vous êtes responsable d’un patient au début de votre quart. Il est intubé et ventilé en pression contrôlée. Voici les réglages du respirateur :

  • FR de 20 resp./min
  • PC de 16 cmH2O
  • Ti de 1 s
  • PEP de 10 cmH2O
  • FiO2 de 0,4

Lorsqu’elle vous remet le rapport, l’infirmière vous informe qu’elle a reçu le résultat de la gazométrie artérielle effectuée il y a 10 minutes, qui est de 7,47/38/115/30. Analysons ensemble le cas.

Un clinicien vérifie les paramètres d’un respirateur pour un patient.

Question 1 : Que peut-on corriger dans les résultats de la gazométrie artérielle par la ventilation mécanique?

Le principal objectif du traitement acido-basique est de rééquilibrer le pH. La ventilation peut seulement agir sur le taux de CO2. Quant au HCO3, il est régulé par les reins.

Question 2 : Incidence des paramètres de ventilation sur les valeurs de la gazométrie artérielle

La FiO2 et la PEP influencent la pO2, tandis que la FR et le Vc agissent directement sur le taux de CO2 et indirectement sur le pH.

Question 3 : Quels sont les problèmes liés à la gazométrie artérielle, le cas échéant?

En examinant la gazométrie artérielle, vous constatez que le patient présente un pH anormal, une pCO2 normale et un taux de HCO3 anormal. La saturation en oxygène est également anormale. Il n’y a pas de solution pour le taux de HCO3, mais vous pouvez tenter d’équilibrer le pH en modifiant le taux de CO2 et en corrigeant la saturation en oxygène pour la ramener à la normale.

Question 4 : Quels paramètres peut-on modifier pour résoudre le problème?

Examinons d’abord les problèmes de ventilation. Le pH est alcalin en raison d’un taux élevé de bicarbonates. Il faut rétablir un pH normal et le seul moyen de le faire avec un respirateur est d’ajuster la quantité de CO2 éliminé pour que l’état alcalin revienne à la normale. Vous ne voulez pas obtenir un taux basique plus élevé; vous devez augmenter le taux d’acide. Pensez à l’analogie de l’eau dans le bateau et rappelez-vous que le CO2 équivaut à l’acide. Il faut que le taux de CO2 (taux d’acidité) augmente pour que le pH revienne à la normale. Comment faire en sorte que le niveau de l’eau augmente dans le bateau? Écoper plus lentement ou utiliser un seau plus petit. Il est donc possible de diminuer la FR ou le volume courant sur le respirateur.

N’oubliez pas cependant que vous êtes en train de ventiler en pression contrôlée! Comment ajuster le volume courant dans ce cas? Quel est le lien entre pression et volume? Si vous pensez qu’il faut diminuer la pression appliquée pour obtenir un volume courant plus faible, bien vu! Rappelez-vous que si vous gonflez un ballon avec une pression d’air plus faible, il sera gonflé à un volume plus faible. La pression équivaut au volume lorsque tous les autres paramètres restent inchangés.

Ainsi, pour résoudre les problèmes de ventilation (correction du pH par ajustement de la pCO2), vous pouvez diminuer la FR ou la pression contrôlée.

Penchons-nous maintenant sur les problèmes d’oxygénation. La pO2 du patient est de 115 mmHg. La valeur normale se situe entre 80 et 100 mmHg. Il y a donc trop d’oxygène dans le sang du patient. La FiO2 et la PEP agissent sur la saturation en oxygène, donc il est possible de la réduire en diminuant l’une ou l’autre de ces deux valeurs.

Question 5 : Quels changements seraient les plus appropriés?

Examinons les options ci-dessus et déterminons quel changement est le plus adéquat en tenant compte de la gazométrie artérielle.

Voici les réglages du respirateur :

  • FR de 20 resp./min
  • PC de 16 cmH2O
  • Ti de 1 s
  • PEP de 10 cmH2O
  • FiO2 de 0,4

Quels sont les éléments qui vous manquent pour déterminer s’il faut changer la FR ou la PC? Si vous avez répondu le volume courant et les renseignements sur le patient, bien joué!

Supposons que vous avez calculé le poids idéal et le Vc (6 à 8 ml/kg). Vous savez que les valeurs sécuritaires du Vc sont les suivantes :

  • 6 ml/kg correspondant à 420 ml
  • 7 ml/kg correspondant à 490 ml
  • 8 ml/kg correspondant à 560 ml

L’écran du respirateur affiche un volume courant d’environ 550 ml. La FR se situe dans les valeurs sécuritaires comprises entre 10 à 24 resp./min. La FR et le Vc peuvent être diminués en toute sécurité à ce stade. Cependant, il faut choisir une seule option.

En gardant à l’esprit les risques de lésions pulmonaires induites par la ventilation et les objectifs de réduction du barotraumatisme et du volutraumatisme, le changement le plus pertinent serait de diminuer le Vc par rapport à sa valeur actuelle (environ 8 ml/kg). Pour ce faire, il faut diminuer la pression contrôlée.

Qu’en est-il de la saturation élevée en oxygène? Selon les réglages actuels du respirateur, la PEP est de 10 et la FiO2 de 0,4. La FiO2 est inférieure au seuil de 0,5, mais la PEP se situe dans des valeurs élevées. Bien que l’un ou l’autre réglage puisse être ajusté, étant donné que la PEP est plus élevée et que la FiO2 est en dessous de la limite, un prestataire de soins diminuerait probablement la PEP.

Néanmoins, il existe une option supplémentaire. Si les respirations du patient dépassent la FR programmée, que ce dernier est stable et qu’il n’a nullement besoin de grandes quantités de médicaments ou de perfusions, il serait assez stable pour qu’on essaie de passer à la ventilation spontanée avec aide inspiratoire (VSAI) au lieu de poursuivre la ventilation en pression contrôlée et de simplement diminuer les réglages. N’oubliez pas que la gazométrie artérielle révèle une surventilation. Si l’évolution de la maladie ralentit et que le patient manifeste une volonté de respirer de manière autonome, il faudrait diminuer la sédation de sorte qu’il puisse prendre des respirations régulières. On pourrait donc tenter de passer à la VSAI. Restez au chevet du patient pendant environ 10 minutes et vérifiez si sa respiration est d’au moins 14 à 20 resp./min avec un volume courant adapté à son poids idéal. Si ce n’est pas le cas, réactivez le mode contrôlé et apportez les modifications nécessaires. Étudiez la possibilité de diminuer légèrement la sédation afin de tenter la VSAI à un autre moment. Si le patient semble respirer avec une FR et un Vc adaptés à ses besoins, évaluez de nouveau la gazométrie artérielle après 30 minutes et confirmez si elle est normale ou s’il y a surventilation. Il ne faut jamais que la ventilation soit insuffisante et le taux de CO2 ne doit pas augmenter après un tel changement.

Question 6 : Dans quelle mesure doit-on modifier les paramètres?

Les deux changements jugés les plus adéquats sont les suivants :

  • diminuer le Vc en diminuant la PC
  • diminuer la PEP

Diminuer le volume courant. Le Vc avoisine actuellement 8 ml/kg, mais vous voulez l’abaisser à 7 ml/kg. Par conséquent, essayez de diminuer la pression contrôlée à 2 cmH2O, puis vérifiez le volume courant que reçoit le patient. S’il y a lieu, vous pouvez augmenter ou diminuer la pression contrôlée pour atteindre un Vc de 7 ml/kg.

Diminution de la PEP. Le prestataire de soins diminuera probablement la PEP de 2 cmH2O et par la suite la FiO2, si la SpO2 ou la pO2 dépasse les valeurs ciblées. Les ajustements à la PEP sont généralement effectués une fois par jour, car ils font effet lentement (et doivent être réévalués). C’est pourquoi l’ajustement de la FiO2 est la deuxième option s’il y a lieu, car il peut être effectué fréquemment au besoin.

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Conclusion

Bien joué! Vous avez appliqué tous les acquis du cours à la ventilation mécanique, la dernière étape étant la modification des réglages ventilatoires en fonction de la gazométrie artérielle.

S’exercer pour apprendre Plus vous pratiquez et observez, plus vous serez apte à examiner les patients, à choisir des stratégies de ventilation et à les ajuster en fonction des évaluations et interprétations des résultats de la gazométrie. Il y a tant à apprendre et à faire, mais grâce à ces connaissances, vous pouvez instaurer et modifier la ventilation d’une patientèle adulte en toute sécurité.

Pouces levés de deux mains gantées.

Félicitations! Vous avez réussi le cours en ligne L’ABC de la ventilation mécanique.

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Test du chapitre 9

Questionnaire du chapitre 9

Voyez à quel point vous avez réussi à assimiler la matière abordée dans le chapitre en répondant à un court questionnaire. N’oubliez pas de consulter votre score!

 

Un élément interactif H5P a été exclu de cette version du texte. Vous pouvez le consulter en ligne ici :
https://ecampusontario.pressbooks.pub/labcdelaventilationecanique/?p=186#h5p-8

Modes contrôlés de la ventilation

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Information sur le financement

La conception de cette REL et du cours a été financée par la province de l’Ontario et eCampusOntario (COAEL).

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